Fréquents, les vertiges motivent en France plus de 300 000 consultations par semaine. La conduite à tenir s’articule en 3 étapes : reconnaître une urgence vasculaire, éliminer les « faux vertiges », trouver la cause.

Éliminer l’urgence

Un trouble de l’équilibre peut être la première manifestation d’un accident vasculaire cérébelleux et du tronc cérébral. Certains éléments sont évocateurs d’une pathologie vasculaire : patient avec facteurs de risque vasculaires, ou âgé ; symptômes récents, d’installation brutale ; céphalées récentes et intenses ; instabilité notable à l’examen clinique.

La mise en évidence à l’examen d’un nystagmus spontané de type central (multidirectionnel et non aboli par la fixation oculaire) et de signes neurologiques déficitaires, en particulier cérébelleux (figure), conforte la suspicion et impose une imagerie dans les délais les plus brefs (IRM).

Un nouveau test en 3 étapes – le protocole HINTS (Head Impulse, Nystagmus, Test of Skew) est très utile pour détecter une origine centrale : il correspond à la recherche du réflexe vestibulo-oculaire à hautes fréquences lors d’une impulsion passive de la tête (Head Impulse Test), à la mise en évidence d’un nystagmus spontané multidirectionnel (Nystagmus) et d’une divergence verticale (Test of Skew). Il peut aider à faire la distinction entre un accident vasculaire et une névrite vestibulaire.

En cas d’accidents ischémiques transitoires (vertiges durant de plusieurs minutes à quelques heures, accompagnés ou non d’autres symptômes et régressant complètement), l’examen clinique et l’imagerie peuvent être normaux ; ce sont les antécédents et le déroulement des symptômes, voire leur répétition, qui orientent les investigations (écho-doppler des vaisseaux cervicaux, bilan cardiaque…).

Affirmer le vertige

À l’interrogatoire, on recherche une sensation de rotation de l’environnement autour du patient (« comme dans un manège ») ou une notion d’instabilité, de pseudo-ébriété (« comme sur un bateau qui tangue »). Sont moins caractéristiques : sensation d’enfoncement dans le sol, de latérodéviation lors de la conduite automobile, d’être projeté brutalement…

Il faut éliminer les signes trompeurs (faux vertiges) : lipothymies, pertes de connaissance, sensations de malaise liés à des atteintes autres que vestibulaires (pathologies cardiovasculaires, neurologiques, ou métaboliques), cinétoses…

On caractérise les symptômes : durée, signes associés, facteurs déclenchants (mouvements ou situations qui provoquent le vertige). Par exemple, un vertige uniquement au lever est en faveur d’une hypotension orthostatique, tandis que le vertige bref, survenant également en se couchant et en se tournant dans le lit est en faveur d’un vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB). Il faut toujours poser des questions simples quant à une atteinte neurologique : maladresse, fourmillements/engourdissement, dysarthrie…

À l’examen clinique, on recherche :

‒ un nystagmus spontané : le mouvement des yeux est biphasique asymétrique (mouvement lent suivi d’un mouvement rapide de rappel). Dans un syndrome vestibulaire, le nystagmus spontané comporte une secousse lente dirigée vers le côté atteint, suivie d’une secousse rapide « de rattrapage » battant vers le côté sain. Par convention, le sens du nystagmus est celui de la secousse rapide. Un nystagmus spontané horizontal ou horizonto-rotatoire évoque une origine périphérique ;

‒ des déviations segmentaires : déviation des index à la manœuvre des bras tendus, signe de Romberg (patient debout, les yeux fermés, bras le long du corps : il se produit des mouvements d’instabilité puis une chute du côté atteint) et test de Fukuda (déviation à la marche sur place les yeux fermés). En cas de syndrome vestibulaire périphérique, ces signes cliniques doivent être harmonieux (du même côté).

Principales causes

Vertige positionnel paroxystique bénin : le plus fréquent

Il représente entre 17 et 42 % des causes de consultation pour un trouble de l’équilibre. Il est dû à la migration dʼotoconies (cristaux de carbonate de calcium provenant de la matrice auriculaire) dans l’un des 3 canaux semi-circulaires, postérieur le plus souvent. Il est déclenché par des mouvements stéréotypés de la tête en particulier en décubitus. Des cervicalgies modérées et des signes neurovégétatifs peuvent l’accompagner : nausées, vomissements, pâleur, sueurs… Le patient rapporte souvent un contexte traumatique peu intense (crâne, rachis cervical), plus ou moins récent. Symptômes auditifs, neurologiques ou perte de connaissance sont absents.

Quatre critères nécessaires à l’interrogatoire :

‒ présence d’une sensation rotatoire ;

‒ durée transitoire < 1 minute ;

‒ survient au décours immédiat d’un changement d’orientation de la tête ;

‒ reproductibilité (dès que le patient place sa tête dans certaines positions).

Le diagnostic repose sur la manœuvre de Dix-Hallpike, qui met en évidence un nystagmus de latence brève (quelques secondes) ayant une composante double – rotatoire et verticale supérieure – de durée brève (< 1 minute), s’inversant au retour à la position assise, avec une possible diminution en cas de répétition de la manœuvre.

Un VPPB caractéristique ne justifie pas un bilan fonctionnel vestibulaire détaillé.

Maladie de Ménière : triade acouphènes-surdité-vertiges

L’association à des troubles auditifs ‒ hypoacousie brutale, progressive ou fluctuante et/ou acouphènes ‒ évoque d’emblée une atteinte de l’oreille interne et indique le côté en cause. Le contexte est parfois évocateur : labyrinthite si infection récente de l’oreille moyenne, traumatisme direct avec fracture du rocher, accident pressionnel (plongée sous-marine).

La maladie de Ménière associe des crises vertigineuses de plus de 20 minutes, sans facteur déclenchant, itératives, associées à des signes auditifs (acouphènes, sensation de plénitude auriculaire, hypoacousie sur les fréquences graves). Le sujet est asymptomatique entre les crises. L’évolution est imprévisible, mais la perte auditive s’aggrave progressivement. La maladie se bilatéralise dans 10 à 15 % des cas.

Névrite vestibulaire : vertige isolé et prolongé

Elle est souvent due à une réactivation du virus herpès au niveau des cellules ganglionnaires des nerfs vestibulaires, entraînant un déficit vestibulaire unilatéral brutal. Pas de signes auditifs ou neurologiques, pas de céphalées.

À l’examen : déviation posturale vers le côté atteint et nystagmus spontané horizontal intense diminuant à la fixation, examen neurologique normal (HINTS).

Vertiges post-traumatiques

Le diagnostic d’une fracture du rocher avec otorragie immédiate est simple (analyse à l’imagerie du trait de fracture : trans- ou extralabyrinthique). Le bilan vestibulaire quantifie l’importance du déficit fonctionnel.

En l’absence de fracture, des symptômes intermittents (vertiges et/ou troubles de l’équilibre associés à des troubles auditifs : hypoacousie fluctuante et acouphènes unilatéraux) font évoquer une fistule périlymphatique et rechercher (au scanner des rochers) un pneumolabyrinthe (présence d’air dans les compartiments de l’oreille interne). Les traumatismes pressionnels, en particulier lors de la plongée sous-marine, peuvent aussi se compliquer de fistules périlymphatiques avec troubles de l’équilibre.

Quelles indications pour l’imagerie ?

L’IRM a 2 grandes indications : en urgence, pour éliminer un accident vasculaire ; en cas de vertiges récidivants, si l’examen clinique n’a pas trouvé de cause, pour rechercher des pathologies tumorales (rares). À réaliser par un radiologue « expert » (protocole précis).

Il n’y a pas d’indication de scanner en urgence sauf si vertige post-traumatique ou contre-indication à l’IRM.

Pour en savoir plus
Bouccara D. Vertiges : conduite à tenir.  Rev Prat Med Gen 2015 ;29(947) ;627-9.
Bouccara D. Vertiges : quand prescrire une IRM ?  Rev Prat (en ligne) 8 mars 2022.
Lamas G, Vidal C, Hervochon R. Focus de l’item 103. Vertige, en pratique.  Rev Prat 2020;70(10);e342.

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