En raison de l’augmentation récente du nombre de cas de rougeole en France et sur le continent européen, la DGS appelle à la vigilance renforcée de l’ensemble des professionnels de santé concernant la détection précoce de la rougeole et la mise en œuvre des mesures de prévention appropriées.

Situation épidémiologique

L’OMS a alerté sur une circulation très active de la rougeole en 2023 sur le continent européen (plus de 40 000 cas contre près de 1 000 en 2022) en particulier en Russie et au Kazakhstan. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies rapporte plus de 2 000 cas de rougeole signalés en 2023 par 30 pays de l’UE/EEE dont une épidémie de grande ampleur déclarée en Roumanie. Compte tenu de la couverture vaccinale sub-optimale pour la 2e dose dans la majorité des pays, davantage de cas de rougeole sont attendus dans les mois à venir.

La  France, après une période de quasi-élimination en 2022, est confrontée à une hausse importante du nombre de cas : d’après le bilan publié le 3 avril 2024 par Santé publique France, 117 cas de rougeole ont été notifiés en 2023 (contre 15 en 2022) avec plusieurs foyers liés à une importation. Malgré une couverture vaccinale élevée (obligation vaccinale chez le nourrisson), celle-ci n’atteint pas encore l’objectif pour éliminer la maladie (c’est-à-dire au moins 95 % à deux doses). Selon le dernier rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), au moins 44 cas ont été déclarés en France en 2024 (au 14 mars), dans le Rhône (34 cas) et la Drôme (10 cas, un autre groupe de 11 cas est en cours de surveillance). Par ailleurs, un foyer en cours a été signalé dans l’est de Lyon avec 25 cas, dont 22 enfants ; 13 de ces 25 personnes ne sont pas vaccinées, dont 6 enfants âgés de 12 mois ou moins. Sept personnes ont été hospitalisées, dont 5 enfants de moins de 1 an ; 3 personnes ont eu des complications (pneumonie).

La situation actuelle fait craindre, au vu de la forte contagiosité de la maladie et des rassemblement de l’été (Jeux Olympiques 2024), une diffusion plus large au cours des mois à venir. La DSG a donc émis des recommandations pour les professionnels de santé.

Vérifier le statut vaccinal

La DGS invite les soignants à vérifier le statut vaccinal contre la rougeole quel que soit le motif de la consultation et, le cas échéant, à mettre à jour les vaccinations des patients selon les recos en vigueur,sauf CI (recos détaillées dans l’encadré 1 ci-dessous) :

  • pour toute personne née depuis 1980 : deux doses de vaccin contre le ROR avec un délai d’au moins un mois entre les deux doses quels que soient les antécédents vis-à-vis des trois maladies ;
  • pour toute personne née avant 1980, non vaccinée et sans antécédent connu de rougeole, la vaccination avec une dose de ROR est fortement recommandée, sans contrôle sérologique préalable, pour les professions de santé ou toute personne exerçant dans les services accueillant des patients à risque de rougeole grave (immunodéprimés), au contact des enfants ou exposées au contact d’un cas de rougeole.

Détecter, signaler

La rougeole doit être évoquée (indépendamment du statut vaccinal) devant une fièvre ≥ 38,5 °C associée à une éruption maculo-papuleuse (fig. 1) et à au moins un des signes suivants : conjonctivite, rhinite, toux, signe de Köplik. Une confirmation biologique est indispensable préférentiellement par prélèvement oropharyngé et RT-PCR (cf. tests biologiques mentionnés dans l’encadré 2 ci-dessous et en figure 2).

Tout cas suspect (même avant résultats biologiques) doit faire l’objet d’un signalement sans délai à l’ARS ou à l’aide de la fiche de déclaration obligatoire même si tous les items n’ont pu être renseignés (ils pourront être complétés par la suite).

Prévenir

En salle d’attente, il faut isoler le patient (mise à l’écart des autres patients), limiter ses déplacements au strict nécessaire, lui faire porter un masque chirurgical et accélérer sa prise en charge.

Des mesures d’éviction sont recommandées pendant toute la période de contagiosité (dès les premiers symptômes jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption).

Des mesures de prophylaxie post-exposition sont à réaliser pour toute personne ayant été en contact avec le cas et ayant un risque élevé de complications : vaccination avec une dose de ROR dans les 72 h chez les nourrissons de 6 à 11 mois révolus (sauf CI), ou orientation vers une prise en charge hospitalière pour administration d’immunoglobulines polyvalentes dans les 6 jours suivant le contage (personnes immunodéprimées, femmes enceintes, nourrissons < 6 mois nés de mère non-immune, nourrissons de 6 à 11 mois n’ayant pas pu être vaccinés dans les 72 h suivant le contage).

Encadre

1. Recommandations de vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) 

Recommandations générales 

Nourrissons : 2 doses de vaccin ROR (une injection à 12 mois et une deuxième entre 16 et 18 mois). Cette vaccination est obligatoire pour tous les enfants nés depuis le 1er janvier 2018

Les personnes nées depuis 1980devraient avoir reçu au total deux doses de vaccin ROR, en respectant un délai minimal d’un mois entre les deux doses, quels que soient les antécédents vis-à-vis des trois maladies. 

La vaccination ROR est contre-indiquée pendant la grossesse et cette dernière doit être évitée dans le mois suivant la vaccination. Cependant, une vaccination réalisée par inadvertance chez une femme enceinte ne doit pas être un motif d’interruption de grossesse. 

Recommandations autour d’un cas de rougeole

Nourrissons âgés de moins de 6 mois dont la mère est non immune (pas d’antécédent de rougeole ou pas de vaccination avec 2 doses) : orientation vers une prise en charge hospitalière pour administration d’immunoglobulines polyvalentes dans les 6 jours qui suit le contage.

Nourrissons âgés de 6 à 11 mois révolus : une dose de vaccin ROR (selon un cadre de prescription compassionnelle pour ceux âgés de 6 à 8 mois révolus) dans les 72 heures suivant le contact présumé. L’enfant recevra par la suite deux doses de vaccin ROR suivant les recommandations du calendrier vaccinal (cf. supra).

Personnes âgées de plus d’un an et nées depuis 1980 : mise à jour conformément au calendrier vaccinal pour atteindre deux doses de vaccin ROR, ou trois doses pour celles ayant initié leur vaccination avant l’âge de 12 mois.

Professionnels de santé ou personnels chargés de la petite enfance, sans antécédent de rougeole quelle que soit leur date de naissance : mise à jour conformément au calendrier vaccinal pour atteindre deux doses de vaccin ROR.

Réalisée dans les 72 h suivant le contactavec un cas, l’administration d’une dose de vaccin, telle que préconisée ci-dessus, peut éviter la survenue de la maladie. Elle reste préconisée même si ce délai est dépassé, sauf chez le nourrisson de 6 à 11 mois révolus (dans cette tranche d’âge, au-delà de ce délai, la prophylaxie post-exposition nécessite l’administration d’immunoglobulines).

Chez une personne ayant reçu des immunoglobulines en prophylaxie post-exposition de la rougeole, un délai d’au moins 9 mois est à respecter avant de la vacciner contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. Ce délai peut être porté à 12 mois pour les nourrissons ayant reçu des doses élevées d’immunoglobulines (2g/kg). 

Recommandations en situation de cas groupés de rougeole

En plus des recommandations ci-dessus, toutes les personnes, y compris celles nées avant 1980, sans antécédent connu de rougeole devraient compléter leur vaccination jusqu’à obtenir en tout deux doses de vaccin ROR. Dans tous les cas, lorsque la situation requiert deux doses, l’intervalle entre celles-ci est d’au moins 1 mois. 

Recommandations pour les professionnels

Les personnes nées avant 1980, non vaccinées et sans antécédent connu de rougeole ou de rubéole, doivent recevoir une dose de vaccin ROR, sans contrôle sérologique préalable dans les cas suivants :

  • professionnels de santé (en formation, à l’embauche ou en poste) ;
  • personnel en contact de patients à risque de rougeole grave (immunodéprimés) ;
  • personnel en contact d’enfants ;
  • personnels susceptibles d’être ou d’avoir été exposés à un cas de rougeole.
Encadre

2. Rougeole : tests et échantillons biologiques

Pour confirmer le diagnostic on peut réaliser dès les premiers jours de la phase éruptive un prélèvement salivaire (kit salivaire Oracol) ou nasopharyngé pour rechercher l’ARN viral (qui est détectable de quelques jours avant le début de l’éruption jusqu’à environ 10 jours après, figure 2).

La recherche d’IgM salivaires (kit Oracol) ou sériques est également possible, à partir du 3e jour après le début de l’éruption (pour éviter les faux négatifs, figure 2). Ces prélèvements ne doivent pas retarder le signalement précoce à l’ARS.

La surveillance génomique est indispensable pour des cas sporadiques chez les personnes récemment vaccinées (7 - 14 j) ou de retour d’un séjour à l’étranger, ainsi qu’en situation de cas groupés ou de flambées épidémiques, afin d’identifier le génotype circulant. Dans ces cas, la collecte d’échantillons destinés au CNR pour typage génétique est fortement recommandée.

Des kits salivaires (Oracol) sont disponibles sur demande auprès des ARS : destinés aux praticiens de ville ainsi qu’aux services d’urgence, ils sont à privilégier pour tout cas suspect pour lequel le caractère non invasif du prélèvement facilitera l'adhésion, ou en cas de difficulté d’accès à un laboratoire de biologie médicale.

Pour en savoir plus
Ministère de la santé et de la prévention. DGS urgent. Vigilance renforcée dans le cadre de la recrudescence de la rougeole en Europe et en France. 5 avril 2024.
Ministère de la santé et de la prévention. DGS urgent. Vigilance renforcée dans le cadre de la recrudescence de la rougeole en Europe et en France. 3 avril 2024.
Santé publique France. Rougeole en France. Bilan annuel 2023. 3 avril 2024.
CNR des virus de la rougeole, rubéole et oreillons. 
Nobile C. L’exanthème dans tous ses états.  Rev Prat (en ligne) 8 mars 2024.

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