Combien de temps la ministre de la Santé va-t-elle encore tolérer les débordements de Vin & Société dans son ciblage des enfants et des femmes ? On a déjà évoqué la choquante propagande du lobbyste en direction des plus jeunes et son matériel éducatif pour, « dès le primaire, favoriser un comportement responsable chez ces adultes avertis de demain ».1 Comment comprendre qu’une telle campagne largement dénoncée soit toujours diffusée !
Chez les adultes, prenant acte que « le profil type du consommateur régulier reste un homme de plus de 50 ans », le lobbyste a adopté une stratégie très élaborée en direction des femmes. Sur son site, les articles et photographies les mettant en scène sont nombreux : « Tous ceux qui recrachent mon vin l’adorent » (interview de Marylise, œnologue) ; « Les femmes passent à l’action » (le prétexte est de promouvoir l’égalité homme-femme dans la profession) ; « La consommation de vin en France » (illustré par deux femmes vigneronnes) ; « Coup d’envoi de l’œnotourisme » (illustré par deux jeunes femmes avec leur sac à dos) ; « Vin & Société célèbre les femmes du vin » (illustré par 12 femmes mimant La Cène) ; « 6 femmes qui font bouger le vin » (avec autant de vidéos)… Quant à l’équipe de Vin & Société, ce sont six personnes, dont cinq jeunes femmes souriantes... Les photos de femmes sont si nombreuses sur ce site (en comparaison des photos d’hommes) qu’on pourrait penser, en le consultant, que boire du vin est une activité essentiellement féminine2
Un ciblage qui vient de prendre une direction encore plus préoccupante avec la campagne récente du lobbyste en direction des femmes enceintes. Le but allégué est de promouvoir « par précaution, zéro alcool pendant la grossesse », ce qui permet de leur parler sans complexe du vin en jouant par un visuel assumé sur la similitude entre le verre de vin et l’arrondi du ventre des femmes enceintes : « Un bon vin peut bien attendre 9 mois ». Cette méthode (inventée par l’industrie du tabac) qui consiste à éveiller le désir en ciblant un interdit est bien connue. Vin & Société fait même appel à Poussine, désignée sans complexe comme une blogueuse-influenceuse, pour renforcer ses messages grâce à la création prétexte « d’une breloque en forme de cœur accueillant une petite feuille de vigne » censée (moyennant 35 euros) être portée pendant la grossesse pour rappeler l’interdit ! Mais au-delà du gadget, il est terrifiant de lire ce qu’écrit Krystel Lepresle, la déléguée générale du lobbyste : « Nous ne remplacerons jamais les professionnels de santé, ce n’est pas notre rôle. En revanche, nous sommes les mieux placés pour donner le bon mode d’emploi de notre produit » et surtout : « Nous avons toute une vie pour nous faire plaisir, mais pendant la grossesse, et en l’absence d’études concordantes [souligné par nous], il est recommandé de ne pas consommer d’alcool ».3 Une phrase d’une gravité exceptionnelle : comment est-il possible qu’un lobbyiste puisse affirmer en toute impunité qu’on ne se sait pas finalement au juste si l’alcool est vraiment dangereux pendant la grossesse ! Une telle désinformation ne tombe-t-elle pas sous le coup de la loi ? Il faut dire que la loi Evin ne fait pas peur à Vin & Société : « Aujourd’hui, en dépit de sa complexité et des difficultés d’interprétation qu’elle pose quotidiennement aux opérateurs, la loi Évin est relativement équilibrée, notamment grâce à la clarification de 2016. Cette dernière a en effet permis de sécuriser l’information œnotouristique et journalistique en la distinguant de la publicité». Pourquoi, en effet, dans ces conditions se gêner ! 
1. Deleuze J. Les enfants ne doivent pas être la cible du lobby viticole ! Rev Prat 2019;69:351.
2. https://www.vinetsociete.fr/
3. https://www.vinetsociete.fr/un-bon-vin-peut-bien-attendre-9-mois-campagne-zero-alcool-pendant-la-grossesse