Les données du ministère de la Santé et du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), entre autres, témoignent d’un phénomène de violences envers les soignants toujours plus inquiétant. Près de 20 000 signalements sont faits chaque année, selon l’Observatoire national des violences en milieu de santé, ce qui représente environ 30 000 atteintes aux personnes et 5 000 atteintes aux biens par an. Des données recueillies en 2023 par l’Observatoire de la sécurité des médecins du Cnom font état d’une augmentation de 23 % des incidents et agressions signalées par les médecins auprès de leurs conseils départementaux en 2022, par rapport à l’année antérieure. La majorité des médecins déclarant ces faits étaient des généralistes.
Le Cnom estime que le phénomène est sous-déclaré et les chiffres réels sont largement supérieurs. Enfin, trop peu de médecins portent plainte : en 2022, seul un tiers des 1 244 médecins ayant fait une déclaration au Cnom ont porté plainte.
Face à ce fléau, un « plan pour la sécurité des professionnels de santé » avait été présenté en 2023 par le ministère. De ce plan découle la proposition de loi, qui en traduit le volet pénal. Déposée le 23 janvier 2024 par le député Philippe Pradal (Horizons), elle a été adoptée le 14 mars en première lecture à l’Assemblée.
Dépôt de plainte facilité
Le texte ouvre la possibilité à l’employeur d’un professionnel de santé de déposer plainte à sa place, avec son accord écrit, pour certaines infractions.
Si cette mesure concerne pour le moment les directions des établissements de santé et des secteurs médicaux et médico-sociaux et les employeurs des cabinets médicaux et paramédicaux, pharmacies ou laboratoires, elle s’appliquera également aux professionnels de santé libéraux. Pour ces médecins qui sont leur propre employeur, un décret en cours d’élaboration avec Ségur précisera l’organisme représentatif autorisé à porter plainte (ce pourrait être, par exemple, l’Ordre, les syndicats professionnels ou les URPS).
De plus, ce volet a été enrichi par un amendement, travaillé avec le Cnom, qui autorise tout professionnel de santé qui porte plainte à déclarer comme domicile l’adresse de son ordre professionnel ou du commissariat ou de la gendarmerie. En effet, la peur des représailles et de la révélation de leur adresse personnelle est aujourd’hui un frein au dépôt de plainte pour certains.
Peines aggravées en cas de violences ou de vol en milieu de santé
Le code pénal prévoit déjà des circonstances aggravantes en cas d’agression des professionnels de santé « dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions », mais ce texte va plus loin, en réprimant les violences contre tous les personnels et dans tous les secteurs de la santé.
Il aggrave les sanctions en cas de violences commises dans les locaux des hôpitaux ou des cliniques ou contre le personnel non-médical de ces établissements, ainsi qu’en cas de violences commises dans l’enceinte ou contre le personnel des cabinets médicaux ou paramédicaux, des centres de santé et maisons de santé et de naissance, des services et établissements sociaux et médico-sociaux, des pharmacies et des laboratoires. Sont visées les violences les plus graves (ayant entraîné la mort sans intention de la donner…) et les violences ayant entraîné une interruption totale de travail (ITT).
En cas d’ITT de plus de 8 jours, l’agresseur risquera jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Création d’un délit d’outrage sur les professionnels de santé
Cette proposition de loi crée un délit d’outrage spécifique qui s’appliquera aux outrages (insultes…) visant tous les professionnels de santé, qu’ils exercent à l’hôpital ou en ville. (Aujourd’hui, le délit d’outrage n’est réprimé que lorsqu’il concerne certains professionnels de santé, en tant qu’ils exercent une mission de service public.)
L’outrage sera puni d’une amende de 7 500 euros maximum et une circonstance aggravante est prévue lorsqu’il a lieu à l’intérieur d’un établissement ou d’une structure de santé (peine maximum de 6 mois de prison et de 7 500 euros d’amende).
À lire aussi :
Angély C. Violences envers les médecins : record du record… Rev Prat Med Gen 2024;38(1084);55.