Objectifs
Connaître les différents types de violences interpersonnelles, épidémiologie, dépistage.
Savoir dépister des situations de violences interpersonnelles.
Améliorer les connaissances sur les violences inhérentes au soin médical et les violences institutionnelles.

Violences interpersonnelles 

Définition des violences interpersonnelles (rang A)

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la violence comme « l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fort d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un mauvais développement ou une carence ». Cette définition englobe les violences interpersonnelles, les violences auto-infligées ou les violences collectives ainsi que leurs conséquences. Les violences interpersonnelles recouvrent une large gamme d’actes et de comportements infligés par un individu ou un petit groupe d’individus. Elles peuvent avoir lieu dans le cadre domestique et familial, sur la voie publique, à l’école, au travail ou dans les milieux de soins, par exemple. Si les violences physiques sont de mieux en mieux prises en compte, les violences sexuelles, psychologiques, les négligences ou les privations manquent encore de visibilité. L’ensemble de ces violences sont interdites par la loi française.

Principaux types de violences interpersonnelles (rang A)

La violence domestique correspond à toute forme de violence, ou de menace de violence, lorsqu’il y a, ou il y a eu, un lien émotionnel entre l’auteur et la victime. Les violences domestiques au sein du couple sont détaillées dans le chapitre dédié.
La violence scolaire correspond à toute forme de violence, ou de menace de violence, contre un élève. Elle peut être le fait d’autre(s) élève(s) mais aussi du personnel encadrant et se produire aux abords ou au sein des établissements scolaires. Ces violences sont multiformes : verbales, physiques, sexuelles, sociales (exclusion ou invisibilisation), matérielles et plus récemment prennent la forme de cyberviolences.
Les cyberviolences sont particulièrement préoccupantes, notamment en milieu scolaire. L’auteur est parfois anonyme et il est difficile d’agir sur des contenus repris largement. La cyberviolence recouvre plusieurs violences : sexuelles (diffusion de photographies à caractère sexuel ou modifiées), physiques (« happy slapping » : actes de violences provoqués puis diffusés) et psychologiques (menaces, insultes, diffamation...).
La violence au travail correspond à toute forme de violence, ou de menace de violence, contre une personne dans le cadre de son travail quel que soit son statut (salarié, apprenti, stagiaire). Ses manifestations sont là encore multiples, allant de comportements irrespectueux à des violences physiques ou sexuelles. Le harcèlement moral au travail constitue un délit spécifique, qui se manifeste par des violences psychologiques répétées : communications intempestives, retrait de mission ou modification d’un poste sans justification... De manière générale, les violences au travail peuvent avoir lieu entre professionnels ou de la part d’un usager. Certaines professions semblent plus à risque, notamment celles accueillant du public (pharmaciens, médecins, policiers, service de sécurité, commerçants...).

Prévalence des violences interpersonnelles (rang B)

En raison du caractère polymorphe des violences interpersonnelles, peu de données chiffrées sont disponibles et elles sont vraisemblablement sous-estimées.
Au niveau mondial, les dernières données disponibles sont issues du Rapport mondial sur la violence et la santé publié par l’OMS en 2002. La prévalence des violences interpersonnelles y est évaluée notamment par le nombre d’homicides (520 000 décès en 2000). Les hommes jeunes sont plus touchés et les homicides sont deux fois plus fréquents dans les pays à faibles revenus. Par ailleurs, l’OMS estime qu’une femme sur quatre subit au cours de sa vie la violence d’un partenaire intime et qu’un enfant sur trois est exposé à des violences interpersonnelles, qu’elles qu’en soient leurs formes.
En Europe, le rapport de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux de 2012 (rapport FRA 2012), fondé sur des entretiens avec 42 000 femmes, estime que 33 % des femmes ont été victimes de violence physique et/ou sexuelle depuis l’âge de 15 ans, quel que soit l’auteur. Par ailleurs, 12 % des femmes interrogées rapportent avoir subi une forme d’abus ou de violence sexuelle perpétré par un adulte avant l’âge de 15 ans. Ce chiffre est de 27 % pour les violences physiques et de 10 % pour les violences psychologiques.
Aucune donnée mondiale ou européenne n’est disponible concernant spécifiquement les violences faites aux hommes, les violences scolaires ou celles au travail.
En France,les données émanent du système judiciaire ou des enquêtes dites de victimisation, menées le plus souvent par téléphone en population générale. En 2021, 149 200 Français de 15 ans et plus ont déposé plainte pour des faits de violences interpersonnelles, sans compter les violences sexuelles (75 800) ou intrafamiliales (157 500). Ces chiffres sont en augmentation depuis plusieurs années. Concernant les violences scolaires, elles toucheraient près d’un élève sur dix, surtout des collégiens, le plus souvent dans des établissements dits « moins favorisés ». Les incidents sont commis surtout par des élèves de sexe masculin, sur des victimes de sexe masculin. Concernant les violences au travail, elles toucheraient tous les ans près d’une personne sur cinq (20 % des femmes et 15,5 % des hommes).

Conséquences des violences interpersonnelles (rang C)

Les conséquences des violences interpersonnelles sur la santé des individus victimes ou exposés sont multiples et difficiles à estimer.
En France, les données judiciaires indiquent que les victimes d’homicide représentent environ 1 000 morts par an (1 026 en 2021). Près des deux tiers sont des hommes, la classe d’âge la plus représentée est celle des 30-44 ans. Il existe une disparité régionale, avec des taux d’homicides par habitant significativement plus élevés en Corse et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les auteurs présumés sont majoritairement des hommes (84 %), jeunes (18-29 ans).
En dehors des décès, les conséquences sur la santé touchent à la fois les personnes directement victimes, les personnes exposées et la société. Les personnes victimes souffrent des conséquences physiques liées aux blessures mais aussi des conséquences psychologiques : état de stress aigu, trouble de stress post-traumatique, trouble d’usage de substance(s)... Les personnes victimes de violences ou y ayant été exposées pendant l’enfance seraient également plus à même d’en commettre. On note l’augmentation récente des suicides et tentatives de suicide chez les enfants/adolescents, souvent en contexte de violences scolaires. Les violences interpersonnelles entraînent également des conséquences sociétales : dépenses de santé, absentéisme au travail, interventions des services de police et de gendarmerie ou des services judiciaires et pénitentiaires.

Dépistage des violences interpersonnelles (rang A)

Au vu de leur prévalence et de la multiplicité des formes qu’elles peuvent prendre, les violences interpersonnelles présentes et passées doivent être dépistées de manière systématique lors de l’entretien, par exemple lors du recueil des antécédents. Ce dépistage cible les différents types de violences décrits ci-dessus. Il peut être facilité par la présence en salle d’attente ou de consultation d’affiches de prévention. Il faut également être particulièrement attentif pour des patients avec des facteurs identifiés comme à risque de violences, notamment les vulnérabilités de tout type (physique, psychologique, lié à l’âge, économique...). Si un dépistage systématique est capital, la question des violences doit également être abordée lors de toute consultation pour un motif flou ou peu clair ou, bien sûr, devant le constat de lésions traumatiques.

Prise en charge des violences interpersonnelles (rang C)

En dehors des soins à apporter aux blessures physiques, une attention particulière doit être portée à l’état de santé psychologique des victimes. Le praticien veille notamment à dépister tout symptôme évoquant un risque suicidaire et nécessitant une prise en charge urgente. Toute consultation ayant porté sur des violences doit faire rédiger un certificat médical initial (CMI) descriptif, mentionnant à la fois les faits allégués, les doléances et les constatations objectives physiques et psychologiques. La victime doit être orientée vers les services de police ou de gendarmerie, afin de bénéficier d’une prise en compte judiciaire et d’un examen médico-légal si nécessaire. Si elle ne souhaite pas porter plainte, un signalement judiciaire avec son accord peut être réalisé par le praticien. Certaines situations dispensent le médecin de l’accord de la victime, notamment lorsqu’elle est mineure. Le signalement et ses conséquences doivent être expliqués. La victime doit être orientée vers les associations, qui proposent souvent des conseils juridiques, des groupes de parole et des séances d’échanges.
Devant des violences survenues par le fait ou à l’occasion du travail, la victime doit informer son employeur dans les vingt-quatre heures afin qu’il déclare l’accident du travail. Le médecin doit remplir le certificat médical d’accident du travail/maladie professionnelle et le remettre à la victime. Il peut également se mettre en lien avec le médecin du travail, sous réserve de l’accord de la victime.

Spécificités des violences au sein du couple

Les violences au sein du couple, ou violences conjugales, correspondent à des violences entre deux personnes ayant, ou ayant eu, une relation sentimentale. Plusieurs formes de violences sont fréquemment intriquées : elles peuvent être psychologiques (insultes, humiliations, menaces), physiques ou sexuelles. Certaines formes de violences accentuent la dépendance de la victime : violences sociales (isolement familial et amical forcé de la victime), économiques (privation de ressources) ou administratives (confiscation de document d’identité). Les actes violents se déroulent le plus souvent au domicile de la victime, sur une durée longue, avec une augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes de violences au cours du temps.

Prévalence des violences au sein du couple (rang B)

Au niveau mondial, les dernières données disponibles issues du rapport de l’OMS en 2002 indiquent qu’une femme sur quatre subit au cours de sa vie la violence d’un partenaire intime.
En Europe, le rapport FRA 2012 montre qu’une femme sur cinq est victime de violences physiques ou sexuelles au sein du couple au cours de sa vie, et que 43 % des femmes sont victimes de violences psychologiques dans le même contexte.
La France fait partie des pays où le pourcentage de violences physiques ou sexuelles relevé est le plus élevé (26 %). Les formes de violences physiques les plus rapportées sont des bousculades et des gifles. Les formes de violences psychologiques les plus constatées sont l’humiliation et le rabaissement en privé. Les statistiques sont néanmoins différentes en fonction des enquêtes. Les données de l’enquête Cadre de vie et sécurité (CVS) de 2019 estiment que chaque année, sur la période 2011-2018, 295 000 personnes âgées de 18 à 75 ans ont été victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles en France métropolitaine. Parmi ces victimes, 72 % sont des femmes et moins de 20 % portent plainte. D’après l’enquête Violences et rapports de genre (Virage), 6 % des femmes françaises seraient victimes de violences au sein du couple au cours de leur vie (physiques, sexuelles ou psychologiques).
Les données concernant les hommes sont peu nombreuses. S’ils semblent moins touchés, ils seraient également moins susceptibles de signaler ces violences aux autorités.
Les données judiciaires relatent une augmentation des victimes enregistrées par les forces de sécurité en 2021, avec un total de 157 500 victimes de 15 ans et plus, dont 87 % de femmes.

Conséquences des violences au sein du couple (rang B)

En France en 2021, 143 morts violentes au sein du couple ont été recensées : 122 femmes et 21 hommes. Ces violences au sein du couple ont également entraîné le décès de 12 enfants.
Selon l’enquête CVS, entre 2012 et 2019, 64 % des femmes victimes de violence au sein du couple font état de blessures physiques et 66 % de dommages psycho­logiques « plutôt ou très importants ». Dans le rapport FRA 2012, les femmes ayant subi des violences physiques et/ou sexuelles au sein du couple déclarent des symptômes psychologiques plus marqués que celles ayant subi des violences par une autre personne. Elles rapportent une perte de confiance en elles, un sentiment de vulnérabilité et d’anxiété, des symptômes dépressifs, des troubles du sommeil et des difficultés sur le plan relationnel. Ces symptômes entraînent des perturbations dans la vie quotidienne, notamment dans le cadre professionnel, perturbations rapportées par 56 % des victimes de l’enquête CVS. Elles ont également des conséquences sur les enfants présents au domicile.
Toujours selon le rapport FRA 2012, 73 % des mères victimes de violences physiques et/ou sexuelles au sein du couple indiquent qu’au moins un de leurs enfants avait conscience de ces violences. Si tous les enfants ne sont pas affectés de la même manière, les conséquences de cette exposition précoce à la violence peuvent être multiples. Différentes études ont mis en évidence des prévalences plus élevées de troubles cognitifs, de difficultés académiques et de symptômes anxieux et dépressifs chez ces enfants. Ces difficultés peuvent également se poursuivre à l’âge adulte, avec des troubles d’usage de substance(s) et une prévalence plus élevée de violences au sein du couple. En France, les enfants témoins de violences au sein du couple sont considérés comme victimes, et non plus simples témoins, depuis le décret n° 2021-1516 du 23 novembre 2021.

Dépistage des violences au sein du couple (rang B)

Le dépistage des violences au sein du couple par les professionnels de santé est capital et peut débuter dès la salle d’attente où des brochures et affiches de prévention peuvent être visibles (violentomètre, par exemple). La question des violences doit systématiquement être abordée en consultation, même en l’absence de signe d’alerte. Certaines périodes de la vie d’une femme sont à risque, notamment la grossesse et le post-partum. Les sages-femmes et professionnels de santé prenant en charge des femmes enceintes ou souhaitant une interruption volontaire de grossesse doivent donc être particulièrement vigilants.

Prise en charge des violences au sein du couple (rang B)

Lors de la révélation d’une situation de violences au sein du couple, le soignant doit garder une attitude empathique, bienveillante et à l’écoute. Il recherche tous les types de violences, les signes de gravité (accélération de la fréquence ou de l’intensité des épisodes de violences, retentissement physique et psychologique des violences, violences sur les enfants, danger immédiat) et l’intensité de l’emprise. L’emprise se caractérise par la domination intellectuelle et morale. Un vade-mecum rédigé par le Conseil de l’Ordre national des médecins et disponible sur internet propose des critères d’évaluation du danger immédiat et de l’emprise (« Secret médical et violences au sein du couple », vade-mecum de la réforme de l’article 226-14 du code pénal).
En cas de signes de gravité, il est nécessaire de mettre la victime (et ses enfants) à l’abri, soit chez un proche de confiance, soit via le 115. Il est également essentiel que la victime majeure dépose plainte. Si elle ne le souhaite pas, le praticien peut proposer à la victime de réaliser un signalement judiciaire avec son accord. Un signalement judiciaire doit être réalisé sans accord si des violences sont rapportées sur les enfants mineurs, si la victime elle-même est mineure, ou qu’elle est majeure mais que le praticien « estime en conscience que les violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences ». Dans tous les cas, l’accord au signalement judiciaire doit être recherché. S’il n’est pas obtenu, le signalement doit être expliqué à la victime. Différentes mesures judiciaires peuvent être prises, notamment l’éloignement du conjoint violent, la délivrance en urgence d’une ordonnance de protection, la mise en place d’un bracelet antirapprochement ou l’attribution à la victime d’un téléphone grand danger.
En l’absence de signe de gravité, la prise en charge d’une victime de violence au sein du couple nécessite une approche globale et la mobilisation d’un réseau de professionnels. En dehors des soins médicaux et psychologiques, la victime doit être informée de ses droits, du caractère illégal des violences, des démarches à accomplir pour un dépôt de plainte et des différentes ressources à sa disposition. Elle doit être orientée vers les associations spécialisées (notamment le référent départemental pour les violences conjugales), l’unité médico-judiciaire du secteur et/ou la maison des femmes en fonction des spécificités locales de fonctionnement de ces dispositifs. Les numéros d’urgence et d’écoute (115, 112, 114 par SMS, 3919...) doivent lui être remis. Un certificat médical initial (CMI) doit être rédigé à chaque consultation afin de documenter les violences alléguées et leurs conséquences. Ces certificats peuvent être conservés par le praticien pour remise ultérieure.

Spécificités des mutilations sexuelles féminines

Généralités (rang B)

Les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont également traitées dans l’item 12 « Violences sexuelles ». Elles sont définies par l’atteinte, l’ablation partielle ou totale de tout ou d’une partie des organes sexuels externes à des fins autres que thérapeutiques. Il est estimé que 200 millions de femmes adultes et mineures ont subi une MSF dans le monde et que 125 000 femmes adultes concernées vivraient en France. En France, le fait de commettre une MSF est criminel, et le fait d’inciter une mineure à s’y soumettre est délictuel. La loi française s’applique pour des faits commis à l’étranger, sous réserve que la victime soit française ou réside habituellement en France. Pour les femmes ayant été victimes de MSF à l’âge adulte, le délai de prescription est de trente ans. Pour les mineures, ce délai court jusqu’à l’âge de trente-huit ans. Une demande d’asile peut être déposée pour une mineure exposée à un risque de MSF dans son pays d’origine via l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). Les demandeurs doivent produire un certificat médical constatant l’absence de MSF de l’enfant. Ce certificat doit être délivré par un médecin légiste exerçant dans une unité hospitalière référencée par arrêté.

Mode de détection et de prévention (rang B)

La Haute Autorité de santé (HAS) propose des recommandations de bonnes pratiques : « MSF : comment repérer et aborder la question ».
Pour les mineures, certains signaux doivent alerter : modification du comportement, difficultés physiques dans les déplacements ou pour uriner, refus d’un examen médical, absentéisme inattendu ou prolongé… Il est conseillé aux professionnels d’aborder le sujet en utilisant un vocabulaire adapté et accessible, de rassurer l’enfant et de déculpabiliser.
En cas de révélation ou de découverte de MSF chez une mineure, un signalement judiciaire est impératif, ainsi qu’un examen des autres filles de la fratrie.
En cas de suspicion de risque de MSF, un signalement ou une information préoccupante peut être réalisé, en fonction du degré d’urgence.
Certaines patientes majeures ne savent pas qu’elles ont été victimes de MSF. Cette découverte peut se faire lors d’un examen gynécologique, à l’occasion d’une grossesse, par exemple. Il est impératif d’informer la patiente du diagnostic ainsi que de l’orienter vers une prise en charge globale, psychologique et associative.

Violences et soins de santé

Violences inhérentes au soin (rang A)

Certains actes médicaux constituent des atteintes à l’intégrité corporelle d’un patient, notamment un toucher vaginal ou rectal. Ils doivent être justifiés médicalement. Afin d’en limiter l’impact, il est nécessaire d’expliquer à la fois la nécessité de l’acte sur le plan médical, son déroulement, sa finalité, les éventuels risques liés à sa réalisation mais aussi d’écouter les craintes et les appréhensions du patient afin de le rassurer. Ces éléments peuvent faire l’objet d’une consultation préalable et permettent d’obtenir un consentement éclairé. Même si ces conditions sont réunies, un acte ou un soin peut être perçu comme violent. Cette perception peut être liée à la douleur physique ou morale engendrée, ou à un caractère invasif ou inattendu. La maladie en elle-même peut également entraîner des souffrances, physiques et/ou morales ; les modalités d’annonce sont traitées dans l’item 1 « La relation médecin-malade ».

Situations conflictuelles dans les lieux et relations de soin occasionnant des violences (rang A)

Les lieux et les relations de soins génèrent des émotions et des angoisses, pouvant se traduire par une tension et parfois des actes violents qui peuvent concerner des personnes ou des biens. Selon le rapport 2020 de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), les personnels soignants seraient les plus touchés (82 %), notamment les infirmiers, suivis des patients (11 %) et des agents de sécurité (3 %). Ces violences sont majoritairement le fait de patients (70 %) ou d’accompagnants (18 %), parfois sous l'emprise manifeste d’alcool ou de stupéfiants ou atteints de troubles neuropsychiques. Les motifs de violences sont dominés par des reproches liés à une prise en charge, un refus de soin et un temps d’attente jugé excessif. Ces violences sont liées à des facteurs humains propres aux personnes concernées mais sont également à mettre en lien avec la violence institutionnelle.
En cas de violences au travail, la victime doit faire une déclaration d’événement indésirable et déclarer l’accident du travail. Elle peut également bénéficier d’une prise en charge via la médecine du travail de son établissement et d’un accompagnement psychologique. Il est souhaitable de déposer plainte et de déclarer l’incident sur la plateforme internet des signalements de l’ONVS. Une situation de violence peut également faire l’objet d'une réunion exceptionnelle du comité social et économique (CSE) qui a repris les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) depuis le 1er janvier 2020, afin d’en comprendre les raisons et de pouvoir prévenir des situations similaires.

Violences institutionnelles et systémiques (rang A)

La violence institutionnelle correspond à la violence inhérente au mauvais fonctionnement d’une institution, quelle qu’elle soit. Cette violence peut concerner aussi bien les usagers de l’institution que le personnel qui y travaille. Elle est en général liée à trois types de facteurs : les facteurs humains, les facteurs organisationnels et les facteurs architecturaux. Les établissements de soin peuvent engendrer des violences institutionnelles. Ces violences sont liées le plus souvent à des facteurs organisationnels (manque de personnel ou de formation pour l’accueil des patients) et architecturaux (locaux inadaptés, mauvaise gestion des flux de patients). Ces facteurs peuvent se traduire par des maltraitances ou des négligences (notamment en établissements médico-­sociaux), des souffrances pour le personnel de ces établissements et des violences. La violence institutionnelle peut notamment inclure les violences obstétricales, des négligences ou maltraitances sur des personnes vulnérables en établissements médico-sociaux (maison de retraite ou de repos, foyers d’enfants...) ou une organisation du travail génératrice de souffrance sur les professionnels.
Encadre

Feux rouges

Les menaces de violences, les négligences et les privations constituent des violences.

En France, les enfants témoins de violences conjugales sont considérés comme victimes depuis un décret de novembre 2021.

Si la victime est mineure ou majeure vulnérable, ou s’il s’agit de violences conjugales avec un danger vital immédiat et une situation d’emprise, le praticien n’a pas besoin de l’accord de la victime pour réaliser un signalement mais doit l’en informer. En dehors de ces situations, si la victime ne souhaite pas déposer plainte, un signalement peut être réalisé par le médecin avec son accord.

Dans un certificat descriptif, les allégations de la victime sont retranscrites au conditionnel.

La découverte d’une mutilation sexuelle chez une mineure doit conduire à un signalement.

Points forts
Violences et santé

POINTS FORTS À RETENIR

Les violences interpersonnelles sont multiformes et regroupent les violences domestiques, les violences scolaires, les cyberviolences, les violences au travail ou encore les violences institutionnelles. Leurs conséquences peuvent être physiques, psychologiques et sociétales.

Selon l’OMS, une femme sur quatre subit au cours de sa vie des violences par un partenaire intime et un enfant sur trois serait exposé à des violences quelle qu’en soit la nature. En Europe, on estime que 33 % des femmes ont subi des violences physiques ou sexuelles depuis l’âge de 15 ans.

Le dépistage des violences doit être réalisé systématiquement, au même titre que le recueil des antécédents. Des affiches de prévention ou des brochures peuvent être mises à disposition en salle d’attente. Certaines situations doivent faire rechercher spécifiquement des situations de violences : motif de consultation flou, grossesse, post-partum et interruption volontaire de grossesse, lésions traumatiques, etc. Le praticien doit rédiger un certificat médical initial et orienter la victime vers le dépôt de plainte ainsi que vers les structures dédiées (associations, maisons des femmes, unité médico-judiciaire).

Pour limiter les violences inhérentes au soin, il est capital d’expliquer la nature, le déroulement et la finalité d’actes médicaux pouvant constituer des atteintes à l’intégrité corporelle ainsi que de recueillir un consentement éclairé.

La violence institutionnelle est inhérente au mauvais fonctionnement d’une institution. Dans un établissement de soins, elle peut entraîner des conséquences sur les usagers (maltraitances, négligences) et être à l’origine de souffrances chez les professionnels.

Message auteur

Violences et santé

Sur l’item 11 à proprement parler, on peut envisager des questions isolées (QI) portant sur les définitions des différents types de violences interpersonnelles, sur les données épidémiologiques et les éléments de repérage de ces situations. Un mini-dossier progressif est également envisageable en associant par exemple des éléments de l’item 57 : cas d’une femme victime de violence conjugale qui consulte avec son enfant également victime de maltraitance.

• ECN 2018 : cas d’une mineure victime d’une agression sexuelle récente par un inconnu. L’essentiel du dossier était axé sur la conduite à tenir en urgence sur le plan du signalement, des prélèvements médico-légaux et sur le plan thérapeutique. La seconde partie du dossier portait sur l’information médicale et les particularités lorsqu’il s’agit d’un mineur.

• ECN 2020 : cas d’une mère de famille qui consulte au décours d’une chute dans l’escalier. Il était demandé de repérer les signes permettant d’évoquer une violence conjugale, de détecter les répercussions psychologiques. La seconde partie du dossier portait sur la prise en charge sur le plan médico-légal de rapports sexuels forcés (prélèvements médico-légaux, dépôt de plainte, détermination de l’incapacité totale de travail).des sillons interdigitaux ou des nodules scabieux sur les organes génitaux externes.

✓ Le prurit est un item qui peut s’intégrer aux dermatoses prurigineuses, comme dans le cas de la gale, et donc se référer à un item spécifique, en plus de l’item prurit.

✓ Le prurit pourrait aussi faire l’objet d’un dossier en lui-même, avec un patient se présentant pour un prurit isolé, ce qui amènerait à faire un bilan clinique puis paraclinique et identifier une cause générale. Le traitement symptomatique pourrait être demandé, en plus du traitement étiologique de la maladie diagnostiquée.

Pour en savoir plus
Beck F, Cavalin C, Maillochon F, Robert-Bobée I, Mahieu R. Violences et santé en France : état des lieux. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. 2010, mis à jour en 2021. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-statistiques-2006-2016/violences-et-sante-en-france-etat-des-lieux
Brown E, Debauche A, Hamel C, Mazuy M. Violences et rapports de genre. Virage, enquête sur les violences de genre en France. Institut national d’études démographiques. 2015. https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/30810/dossier_presse_virage_final.fr.pdf
Krug EG, Dahlberg LL, Mercy JA, Zwi AB, Lozano R. Rapport mondial sur la violence et la santé (World Report on Violence and Health). Organisation mondiale de la santé (World Health Organization). 2002. https://apps.who.int/iris/handle/10665/42495
Vade-mecum du Conseil national de l’Ordre des médecins. Secret médical et violences au sein du couple. 2020. https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/secret-medical-violences-couple

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