Encore trop de temps perdu avant le diagnostic, ce qui met en jeu le pronostic vital du patient.

Témoignage de Barbara, 53 ans

En 2015, on m’a diagnostiqué une amylose AL cardiaque et rénale. C’est une maladie rare et sérieuse qui doit être traitée le plus vite possible. Au moment du diagnostic, mes organes étaient déjà sérieusement atteints.
Les premiers symptômes se sont manifestés fin 2014, je me sentais fatiguée et avais des œdèmes aux membres inférieurs. Les médecins consultés (généraliste, phlébologue, cardiologue) n’ont, alors, rien trouvé d’anormal. En juin 2015, j’ai dû être hospitalisée. Devant l’ensemble des résultats d’analyses (prise de poids importante, syndrome néphrotique sévère, cardiomyopathie hypertrophique, épanchements ­péricardiques et pleuraux, gamma­pathie monoclonale et chaînes légères lambda très élevées, embolie pulmonaire), l’équipe médicale a tout de suite soupçonné une amylose, qui a été confirmée par une preuve tissulaire après une ponction-biopsie rénale.
Malheureusement, mon histoire n’est pas unique, et l’errance diag- nostique est un vrai problème dans cette maladie.
J’ai eu la chance de répondre au traitement (9 cures de Velcade, melphalan, dexaméthasone) et suis en rémission complète hématologique depuis 2016 ! En revanche, pas d’amélioration notable concernant les dépôts d’amyloïde dans mes ­organes, et c’est bien le problème de cette maladie !
Cette maladie a un impact réel dans ma vie quotidienne. Avant, j’étais très active et j’ai dû apprendre à ­ralentir mon rythme et à vivre avec les atteintes d’organes.
La maladie me rend plus fragile et je me fatigue vite. Par moments, je suis essoufflée au moindre effort. C’est un handicap invisible, et parfois on se heurte à l’incompréhension des collègues et des proches pour qui rémission signifie guérison.
Je suis professeure dans un lycée. Après un arrêt de travail de 15 mois, j’ai repris mon travail, d’abord en mi-temps thérapeutique, puis avec un petit allègement de service. La méconnaissance de la pathologie génère des difficultés administratives. Pour la suite, je serai sans doute obligée de travailler à temps partiel à mes frais.
L’amylose nécessite une prise en charge pluridisciplinaire. Je suis ­suivie dans trois hôpitaux différents de l’AP-HP : tous les 3-6 mois en hématologie, cardiologie et néphrologie.
Mes médecins sont formidables, mais la communication passe essentiellement par moi, patiente. Mon médecin traitant ne reçoit pas systématiquement les comptes-rendus de consultation ! L’incertitude par rapport à l’évolution de la maladie est source d’angoisse. La plupart des patients rechutent.
Pour moi, le contact avec l’association des patients est crucial pour rompre l’isolement face à cette maladie rare encore trop peu connue par les soignants. Le contact avec d’autres patients me semble important. L’association me permet également de suivre l’évolution de la recherche. J’ai parfois la chance d’assister aux congrès et journées des centres de référence.
Être informé permet de rester ­acteur de son parcours de soins.

Commentaires du Pr Sophie Georgin-Lavialle et du Dr Sebastian Marciano

Les médecins généralistes sont ­parfois confrontés au cours de leur carrière à la suspicion vis-à-vis de la prise en charge ou du suivi de ­patients atteints de maladies rares.
Le Plan national maladies rares français a favorisé la création de centres de référence de maladies rares pour assurer une prise en charge spécifique de ces patients, mais ce plan implique peu le médecin traitant.
Les premières manifestations cliniques des amyloses sont variées, mais sont majoritairement peu spécifiques, comme l’asthénie, la perte d’appétit, les œdèmes des membres inférieurs, la dyspnée, ce qui rend leur diagnostic difficile, et entraîne un retard au diagnostic fréquent.
Dans le cadre de sa thèse de médecine générale, Sebastian Marciano a mené une enquête prospective ­durant l’hiver 2017-2018 auprès des médecins généralistes référents de patients suivis pour une amylose et installés en ville. Cette enquête, menée en France métropolitaine et outre-mer, avait pour objectif de décrire les connaissances des mé­decins traitants sur l’amylose, le suivi des patients atteints de cette maladie rare en médecine de ville et la qualité de la relation entre ces médecins généralistes et les centres de référence maladies rares.
Ainsi, 83 questionnaires ont été envoyés, et 54 % des médecins traitants ont répondu. La moitié ne connaissaient pas le centre de référence de leur patient, et un tiers ont qualifié leur relation avec le centre de référence de médiocre. Plus de deux tiers des médecins interrogés déclaraient ne jamais avoir eu ou reçu d’infor­mation simple sur le diagnostic, la prise en charge et le suivi des ­amyloses. La majorité des médecins interrogés (64,4 %) déclaraient avoir appris l’amylose au cours de leurs études, mais 50 % des médecins nés avant 1960 déclaraient ne pas l’avoir étudiée ; elle ne figure au programme des Épreuves classantes nationales que depuis quelques années. Seuls 31 % des médecins connaissaient le type d’amylose de leur patient (parmi les trois plus fréquentes : AA, AL ou ATTR). Plus de la moitié ne connaissaient pas le traitement de leur patient concernant l’amylose.
Plusieurs solutions pour remédier au manque de formation des médecins sur les amyloses ont été envisagées : des formations de développement ­personnel continu sur ce thème ; une information sur l’amylose sous la forme d’un triptyque didactique qui serait associé au compte-rendu hos­pitalier des patients diagnostiqués afin de créer un lien avec le médecin traitant ; l’intégration systématique du médecin traitant dans l’ensemble des correspondances ; le dévelop­pement d’une plateforme d’aide à la consultation en médecine de ville sur les maladies rares incluant les amyloses.
Nous pensons indispensable de travailler sur ces solutions en étroite ­collaboration avec l’Association française contre l’amylose afin d’améliorer le diagnostic et la prise en charge des amyloses en France, maladies rares mais graves et qui bénéficient d’avancées thérapeutiques majeures. 

Encadre

Une enquête nationale en partenariat avec quatre centres référents maladies rares

 

L’Association française contre l’amylose a conduit une grande enquête nationale en partenariat avec les quatre centres référents concernés par l’amylose.

Les objectifs de cette enquête étaient d’identifier les étapes du parcours de soins, du diagnostic de la maladie jusqu’à la prise en charge médicale ; d’étudier la relation avec les soignants, médecins, infirmières (information, qualité de la relation) ; d’étudier les difficultés administratives (maison départementale des personnes handicapées...), notamment pour l’ouverture de droits ; d’analyser le vécu de la maladie et son retentissement sur la vie quotidienne.

Elle a bénéficié d’une participation exceptionnellement importante pour des maladies rares, avec plus de 600 patients répondants d’une moyenne d’âge de 65 ans.

Toutes formes d’amylose confondues, l’errance diagnostique est en moyenne de 28 mois, et quatre spécialistes sont consultés à plusieurs reprises sur cette période. Pour les amyloses AL, forme qui évolue rapidement, un tel délai obère le pronostic vital du patient.

La réduction de l’errance diagnostique représente un enjeu majeur dans le parcours de soins des patients. Le rôle des médecins généralistes et spécialistes de ville est crucial dans la suspicion d’une pathologie rare, même si la confirmation du diagnostic est en général établie par les spécialistes hospitaliers.

Le niveau de satisfaction des patients sur les conditions d’annonce du diagnostic est important aussi bien sur le temps dédié à l’annonce que sur le niveau d’écoute et de réponses à leurs questions.

Le suivi est assuré à l’hôpital, et les patients sont très satisfaits des conditions de consultations, malgré de nombreux examens et des hospitalisations pour la moitié d’entre eux au moins une fois dans l’année.

Néanmoins, cette enquête a mis en lumière un point d’amélioration sur le suivi entre consultations. Dans ces périodes, les médecins traitants pourraient avoir rôle important.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés