Témoignage de Martine, 42 ans
L’hôpital a fait partie de ma vie pendant de nombreuses années : j’ai subi plusieurs opérations à différents âges pour réparer mon corps. Je me souviens que je pleurais souvent quand j’étais à l’hôpital car mes parents n’étaient pas avec moi le soir. Enfant, j’avais peur des enfants brûlés alors que je l’étais moi-même…
J’ai acquis cependant une capacité à supporter la douleur physique ainsi que la souffrance psychologique. Le regard des autres et leurs questions étaient pour moi un calvaire : l’épreuve de la piscine à l’école me tétanisait.
La période de l’adolescence durant laquelle l’aspect physique est important a été très difficile et j’ai déployé beaucoup d’ingéniosité pour cacher mes cicatrices.
À 13 ans, j’ai dit stop à mes parents : stop à l’hôpital, stop aux opérations, je ne les supportais plus ! Je voulais sortir avec des amis, faire des études, je voulais vivre comme une ado de mon âge. Lorsque quelqu’un voyait mes cicatrices, j’expliquais brièvement et je changeais de sujet…
J’ai rejeté cette partie de mon histoire pendant de nombreuses années, ayant ma vie de femme, de mère et une activité professionnelle.
À 40 ans, j’ai ressenti le besoin d’être bénévole à l’hôpital Trousseau auprès des enfants et des parents qui sont confrontés à la même tragédie afin de leur apporter de l’espoir.
Témoignage de Francis, 61 ans
Petit à petit, j’ai pris conscience de mon état : mon visage, mes mains, mon torse étaient atteints.
L’étape suivante a été le centre de rééducation où j’ai porté des vêtements compressifs et un masque transparent sur ma « peau de chagrin ».
Mon épouse est venue me voir régulièrement mais pas mes enfants : ils étaient trop jeunes.
J’ai subi plusieurs interventions et fait des allers-retours entre l’hôpital et le centre de rééducation.
Ma vie s’est arrêtée et celle que j’entrevoyais me paraissait bien sombre. J’étais là pour les miens mais avais-je le droit de leur imposer mon état ?
J’ai eu à cette époque un voisin de chambre atteint encore plus gravement que moi ; il m’a transmis son dynamisme et sa rage de s’en sortir.
Mes enfants sont venus me rendre visite… La plus petite ne m’a pas reconnu physiquement mais ma voix lui a été familière. Je suis parti ensuite en cure thermale, ce qui a soulagé le prurit.
Les années ont passé, j’ai toujours mes « stigmates » mais je vis bien ma différence. Mes enfants ont été très protecteurs par rapport aux regards curieux qui me suivaient.
J’ai repris un travail et je suis maintenant à la retraite. Je me suis investi dans les courses de vélo dans ma région où l’on me connaît bien. J’ai la peau sèche et je dois l’hydrater régulièrement car elle est fragile et s’écorche facilement. J’ai des ostéomes mais tout va bien.
Commentaire du Pr Marc Chaouat, unité fonctionnelle de chirurgie des brûlés, hôpital Saint-Louis, Paris
La prise en charge pluridisciplinaire spécialisée dans les centres de brûlés comprend des chirurgiens, des médecins réanimateurs, des infirmiers, des aides-soignants, des kinésithérapeutes, des psychologues, des assistantes sociales et beaucoup d’autres corps de métiers.
Après la prise en charge aiguë, le parcours de soins s’inscrit dans la continuité. Il comprend le séjour en centre de rééducation spécialisé, les cures thermales et le suivi médical. La confrontation aux autres patients brûlés et à l’entourage social et familial est une étape cruciale dans l’acceptation des séquelles. Les associations de patients comme l’Association des brûlés de France (ABF) sont une aide précieuse pour aider, informer et mettre en relation ces patients.
Après la cicatrisation, tout reste à reconstruire. C’est le départ d’une autre étape de la vie : il y a un avant et un après. La réinsertion sociale et professionnelle nécessite l’acceptation de la situation et la volonté de se tourner vers l’avenir. Le choix de Martine de dire stop aux interventions démontre sa volonté que la brûlure et ses séquelles arrêtent de dicter son avenir et ses choix. Ces deux témoignages sont touchants et optimistes : une vie heureuse et riche est possible après une brûlure grave et cela dépend du patient. Les soignants et les associations sont des accompagnants pour les aider à reprendre le cours de leur vie.
Si le patient présentant une brûlure étendue avec parfois un risque vital est systématiquement hospitalisé dans un centre spécialisé, la brûlure profonde de petite surface doit également bénéficier de soins adaptés. Tout retard de diagnostic et de soins d’une brûlure profonde est une perte de chance pour le patient.Chaque région en France dispose d’un centre de traitement des brûlés regroupant des professionnels qui peuvent conseiller le patient et le médecin traitant et les prendre en charge si nécessaire. Ainsi les soins, la décision chirurgicale, le type de greffe, sa réalisation, le parcours de soins et la prise en charge à moyen et long terme constituent un ensemble coordonné et regroupé au sein d’une même structure.
En tant que chef de service chirurgical du centre de traitement des brûlés à l’hôpital Saint-Louis à Paris et secrétaire général de la Société francophone de brûlologie, j’ai pour mission, avec tous les soignants impliqués, de promouvoir la prise en charge optimale des patients brûlés.
Une douzaine d’antennes régionales au plus près des victimes de brûlures
L’Association des brûlés de France (ABF) a été créée en 1983 et est reconnue d’utilité publique depuis 2012. Elle est titulaire d’un agrément national du ministère de la Santé qui permet à ses bénévoles de siéger comme représentants des usagers dans les structures hospitalières.
L’ABF est organisée en une douzaine d’antennes régionales animées par 30 bénévoles qui assurent soutien, écoute et information auprès des victimes de brûlures et de leur famille en tenant des permanences dans la plupart des centres de soins, des centres de rééducation (soins de suite et de réadaptation) et des centres de cures thermales.
Le lien n’est pas rompu avec les brûlés après leur sortie des centres car, depuis 1995, un service de soutien psychologique gratuit leur est proposé grâce au financement de l’Assurance maladie (caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France [Cramif]) qui subventionne également un service de maquillage et de bien-être depuis 2010.
Devant les difficultés des victimes à faire des démarches juridiques, l’ABF a obtenu une autre subvention de la Cramif pour créer, dès 1998, un service juridique de conseils gratuits animé par des avocats spécialisés dans la reconnaissance des préjudices corporels liés à la grande brûlure.
L’ABF a des liens étroits avec la Société francophone de brûlologie et est présente à chacun de ses congrès.
Au sein de l’ABF, le service de prévention mène des actions pour attirer l’attention sur les accidents domestiques qui entraînent 70 % des brûlures, en particulier chez les enfants en bas âge.
Des manifestations sportives et dans d’autres domaines sont régulièrement organisées en faveur de l’ABF.
Martine Nel-Omeyer, présidente de l’Association des brûlés de France
Société francophone de brûlologie : www.sfb-brulure.com