La sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot est toujours incurable. Son expression initiale est variable. La personne atteinte est rapidement en situation de polyhandicap avant d’arriver à une paralysie totale, ses muscles ne répondant plus. Son corps est une prison, seuls son cerveau et ses capacités intellectuelles restent intacts. Une surveillance rapprochée et une adaptation continue de la prise en charge sont nécessaires.

Témoignage de Leah, 30 ans

En janvier 2019, cela fait quelques semaines que je ressens une faiblesse musculaire, en particulier au niveau des pieds. Comme je suis sportive, cela m’ennuie, sans pour autant m’inquiéter. Je prends rendez-vous chez mon médecin, laquelle, après examen, m’adresse à une neurologue. Je ne comprends pas et laisse passer un peu de temps puis m’y résous. Après un électromyogramme, la sentence tombe en mars : à 26 ans, je suis atteinte de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot.
Face à cette annonce, tout bascule, il y a tellement de choses à gérer qu’il est difficile de savoir vers qui et vers où se tourner. Certes, la famille, les amis sont là, mais ils ne peuvent pas comprendre toutes les pertes, tous les changements que la maladie suppose, et, dans un sens, tant mieux.
Au départ, j’ai voulu faire semblant que tout allait bien, ce qui, d’un côté, était le cas : je sortais, je travaillais, je voyageais. Mais lorsque la maladie a pris plus d’ampleur (passage au fauteuil roulant, interruption de mon travail), j’ai décidé de m’engager pour mieux faire connaître cette pathologie et montrer qu’elle touche aussi les jeunes.
En effet, lorsque j’ai commencé à fréquenter les hôpitaux, dans la salle d’attente du service de neurologie je ne parvenais pas à m’identifier aux personnes présentes, je me rappelle avoir demandé s’il y avait des patientes avec qui je pourrais échanger, même si je sais qu’il est compliqué de partager ce genre d’informations. Seule, je lisais ici et là des articles en ligne avec des thématiques qui m’étaient totalement étrangères, par exemple « Comment parler de la SLA avec ses petits-enfants ». Or, moi, j’étais au tout début de ma carrière professionnelle, je venais d’emménager avec mon compagnon, j’étais très loin de savoir si je voulais ou pas des enfants. Bref, je ne me retrouvais dans aucun profil. En outre, entendre régulièrement que j’étais un cas particulier a été la raison pour laquelle je me suis, les premiers temps, isolée.
Nous sommes tous à la recherche de réponses pour affronter une situation qui nous dépasse, essayer de comprendre ce que nous traversons et ce qui nous attend.
Si les médecins nous aident sur certains aspects de la maladie, ils ne la vivent cependant pas dans leur quotidien, dans leur intimité. C’est important que tous les professionnels de santé soient à notre écoute, car je pense qu’il y a une tendance à uniformiser les patients atteints de SLA : il faut faire ceci, cela, cocher des cases sur une liste, etc. Finalement, ils oublient que si nous avons la même maladie, nous la vivons différemment, avec des attentes et besoins qui sont propres à chaque individu. Alors, oui, cela leur demande beaucoup plus de temps, mais l’aspect humain est essentiel.

Commentaire du Pr Claude Desnuelle, vice-président de l’ARSLA

La sclérose latérale amyotrophique est une dégénérescence des neurones moteurs (centraux et spinaux), incluant les axones, dont la disparition laisse place à un tissu sclérosé des faisceaux qui cheminent dans la partie latérale de la moelle perdant ainsi leur rôle moteur sur le tissu musculaire et donc celui sur la trophicité des muscles.
Cette pathologie répond aux critères des maladies rares : 4 500 à 6 000 personnes sont atteintes de la SLA en France, avec une incidence annuelle proche de 2,5 pour 100 000 habitants.
Apparaissant de façon insidieuse et progressive, elle touche différentes parties du corps (formes bulbaire, spinale, thoracique). Au déficit moteur s’ajoutent des manifestations de souffrance des neurones centraux. Des troubles cognitifs peuvent également survenir (formes SLA/DFT : démence fronto-temporale). Elle peut également entraîner une labilité émotionnelle marquée, des troubles du comportement (activités obsessionnelles stéréotypées, désinhibition, apathie).
En pratique, malgré une grande hétérogénéité dans sa présentation clinique, le diagnostic de SLA doit être for­tement suspecté dans l’une des situations suivantes (par ordre de fréquence) : début insidieux et indolore d’une faiblesse et atrophie musculaire ; troubles isolés de la parole et de la déglutition ; déficit respiratoire restrictif inexpliqué suggérant un déficit de force diaphragmatique ; chute de la tête avec faiblesse du tronc et de la musculature paraspinale. Dans tous les cas, une recherche de réflexes vifs s’impose.
Ce n’est qu’après dix à douze mois d’errance en moyenne que le diag­nostic est posé. Au fil du temps, la maladie entraîne un état de poly­handicap nécessitant une surveillance rapprochée et une adaptation continue de la prise en charge.
Après quelques mois, le tableau clinique s’uniformise chez les malades avec des atteintes plus ou moins marquées de tous les territoires ainsi qu’une aggravation de la dépendance justifiant des aides humaines et techniques. Dans un contexte palliatif, le recours à une ventilation assistée non invasive tout comme une gastrostomie peuvent s’avérer nécessaires. Le décès, souvent par insuffisance respiratoire, survient entre trois et cinq ans après l’apparition des premiers signes. Il existe toutefois des formes prolongées jusqu’à 15 ou 20 ans.
La forme de SLA la plus fréquente (85 %), sans origine spécifique, avec un pic entre 60 et 65 ans, est dite « sporadique ». Pour les 15 % restants, la cause est génétique par mutation transmissible dans un des quarante gènes répertoriés ; les quatre fréquemment identifiés dans les populations occidentales représentent près de 60 % des formes familiales, qui peuvent toucher des sujets jeunes.
Le bilan initial s’intéresse aux arguments cliniques susceptibles d’aider au diagnostic (examen neurologique), à éliminer une autre affection, à identifier des éléments de gravité. L’examen de référence est l’électroneuromyogramme. La recherche par biologie moléculaire d’une des mutations connues est fondamentale, son identification permettant d’explorer les proches. Le bilan biologique standard se concentre sur la révélation d’autres éléments associés. Des biomarqueurs permettraient d’identifier la maladie de façon précoce et certaine. L’étude des potentiels évoqués moteurs par stimulations magnétiques et l’imagerie par résonance magnétique peuvent également aider au diagnostic différentiel.
La SLA nécessite une prise en charge multidisciplinaire coordonnée, au mieux à partir d’un centre expert SLA (7 centres de référence maladies rares [CR-MR] et 12 centres de ressources et de compétences [CRC] dont la liste est disponible sur https://portail-sla.fr/centres-de-prise-en-charge/).
Les thérapeutiques symptomatiques sont multiples. Le riluzole (Rilutek et génériques) est la seule spécialité ayant une autorisation de mise sur le marché dans cette indication. L’édaravone (Radicut) bénéficie d’une autorisation d’accès compassionnel. Le tofersen est disponible pour les formes génétiques liées à une mutation du gène SOD1 en procédure d’accès compassionnel. D’autres molécules adjuvantes au riluzole pourraient être autorisées par l’Agence européenne du médicament dans les mois à venir : phénylbutyrate de sodium et taurursodiol (Relyvrio), masitinib (Alsitek), ILT-101. 
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Éclats de juin autour de la Journée internationale de la SLA

Le 21 juin est la journée internationale de la SLA. Pour la seconde édition de la campagne de sensibilisation nationale de l’Association pour la recherche sur la SLA (ARSLA) intitulée « Éclats de juin, un mois pour défier la SLA », Leah et son mari Hugo incarnent le combat des personnes atteintes de la maladie de Charcot. Pendant tout le mois de juin, des événements ont lieu dans toute la France pour soutenir les personnes malades, leurs proches et pour faire connaître leur combat et ce qu’est la maladie de Charcot. https://eclatsdejuin.arsla.org/

Afin d’alerter les autorités et les Français, un colloque de l’ARSLA s’est déroulé le 12 avril 2023, avec pour objectif de lancer une réflexion collective et d’amorcer des actions dans le but d’améliorer la prise en charge de la SLA en France, ce qui nécessite un engagement politique, tout autant que d’informer et sensibiliser le grand public sur la maladie et sur ses impacts individuels et collectifs.

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Pour en savoir plus

• La Filière de santé maladies rares SLA et maladies du neurone moteur (FilSLAN) rassemble tous les acteurs de la prise en charge des maladies du neurone moteur. Elle regroupe également les laboratoires de biologie moléculaire, les unités de recherche Inserm et CNRS ainsi que le milieu associatif. https://portail-sla.fr/

• L’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (ARSLA), créée en 1985, est le premier financeur privé de la recherche sur la SLA. Elle accompagne aussi les personnes malades et leurs proches. www.arsla.org

En chiffres

• 5 nouveaux cas et 5 décès chaque jour en France.

• 3 à 5 ans d’espérance de vie après le diagnostic.

• 20 % d’augmentation prévue du nombre de malades d’ici 2040.

• 2 000 personnes environ diagnostiquées par an (soit autant que pour la maladie de Parkinson, et plus que pour la sclérose en plaques).

• 1/300, c’est le ratio de risque à vie de développer une SLA pour chaque personne.

19 centres-experts en France

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