le syndrome d’Ondine. Une maladie génétique rare, grave et incurable à ce jour, entraînant un risque vital permanent lié à des phases d’arrêt de la ventilation nocturne.
Témoignage de la maman de Maëlysse, 5 ans
Quand Maëlysse s’endort, son cerveau oublie de respirer et je dois alors, chaque soir, la brancher à une machine qui respire à sa place pour pouvoir la garder en vie. Mon mari et moi veillons à tour de rôle à côté d’elle toute la nuit pour la rebrancher lorsqu’elle se débranche par accident, vérifier que son niveau d’oxygène est bon ainsi que son rythme cardiaque, réaliser des aspirations bronchiques dans sa canule de trachéotomie lorsqu’elle est un peu malade ou encombrée… Mon mari et moi sommes les seuls capables de prendre en charge notre enfant et de faire en sorte que la nuit ne lui soit pas fatale.
Quand Maëlysse est née, même si c’était mon premier enfant, j’ai rapidement trouvé que quelque chose n’était pas normal : elle dormait beaucoup, elle avait alors un vilain teint un peu bleu gris que je ne voyais pas chez les autres bébés autour de moi et elle transpirait beaucoup. J’ai alerté les médecins, mais ils m’ont dit que j’étais trop stressée, que mon bébé allait bien et qu’il ne fallait pas que je me fasse de souci. Une fois rentrée à la maison, la situation a rapidement empiré, Maëlysse semblait vraiment en souffrance, mais les médecins que j’ai consultés me disaient que tout allait bien. Finalement, c’est le médecin de la Protection maternelle et infantile qui m’a envoyé aux urgences pédiatriques pour prendre en charge Maëlysse. Elle a alors été hospitalisée en réanimation et intubée… notre vie, à mon mari et à moi, a totalement basculé.
Les médecins ont fait différentes analyses génétiques à Maëlysse, car les imageries par résonance magnétique et autres tests fonctionnels n’avaient rien donné, ils ne comprenaient pas ce qu’il se passait et pourquoi Maëlysse n’arrivait pas à respirer correctement. Au bout de 2 semaines, on nous a finalement annoncé que Maëlysse souffrait d’une maladie génétique rare appelée syndrome d’Ondine : elle s’arrête de respirer quand elle s’endort. C’était à la fois très stressant de se retrouver confrontés à cette maladie rare et très peu connue, mais aussi rassurant de savoir finalement ce qu’avait notre fille et comment nous allions pouvoir la prendre en charge. Maëlysse a subi une trachéotomie à l’âge de 6 semaines, puis elle a passé encore 5 mois en réanimation, et les médecins nous ont formés pour que nous puissions la ramener à la maison : comment la brancher à sa machine quand elle s’endort ou qu’elle est fatiguée, comment nettoyer et changer sa canule de trachéotomie, comment réaliser une aspiration bronchique, comment agir rapidement en cas de détresse respiratoire, etc., des gestes médicaux très invasifs pour lesquels nous n’étions pas formés, mais nous avons appris !
Aujourd’hui, Maëlysse a 5 ans et, malgré le risque vital permanent, elle se porte plutôt bien : elle va à l’école en présence d’une auxiliaire de vie scolaire (AVS) formée à la maladie et aux soins, elle commence à parler, ce qui est un vrai défi du fait de la canule de trachéotomie. Cependant, nous n’oublions jamais le risque vital permanent : lorsque Maëlysse s’endort, lorsqu’elle est malade ou fatiguée, alors son cerveau oublie qu’il doit respirer, et son niveau d’oxygène descend très rapidement. Il faut tout de suite la brancher à sa machine et parfois lui rajouter de l’oxygène, sans quoi elle fait un malaise qui pourrait aboutir à un arrêt cardiaque. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons confier Maëlysse à personne : seuls mon mari et moi sommes formés et capables de la prendre en charge, ainsi que depuis peu l’AVS sur le temps scolaire. Et nous savons qu’en l’état actuel de la recherche Maëlysse aura besoin durant toute sa vie d’une personne à ses côtés, au moins la nuit, pour veiller à la rebrancher à sa machine en cas de débranchement et pallier le risque vital permanent. C’est difficile pour nous d’accepter de vivre avec ça tous les jours, et d’imaginer que notre fille ne pourra jamais être indépendante d’une tierce personne, mais nous savons aussi que la recherche française est très performante, que les choses avancent, et nous gardons espoir.
Commentaire de Xénia Proton de la Chapelle, présidente d’AFS Ondine
Le syndrome d’Ondine (ou hypoventilation alvéolaire centrale congénitale) est une maladie génétique rare, grave et incurable à ce jour qui se manifeste par des phases d’arrêt de la ventilation nocturne et des phases d’hypoventilation diurne en cas de fatigue, d’infection, de concentration forte, etc. Il n’existe pas de traitement à ce jour, et les patients sont pris en charge par une ventilation mécanique vitale administrée via une trachéotomie ou le port d’un masque. De nombreux patients ont des troubles associés : troubles du rythme cardiaque, de la régulation de la glycémie, de la digestion, de la température, de la transpiration, troubles oculaires et 20% souffrent de la maladie de Hirschprung. Ils doivent faire l’objet d’un suivi extrêmement rigoureux par des médecins spécialisés et formés à cette pathologie très particulière.
Une maladie très désocialisante pour la famille
Les nourrissons et enfants atteints du syndrome d’Ondine ont besoin en permanence d’une personne formée à leurs côtés pour s’assurer de la qualité de leurs soins et en particulier de leur ventilation. Dans la très grande majorité des cas, ce sont les parents qui mettent une partie de leur vie de côté pour s’occuper de leur enfant. Les structures qui acceptent de prendre en charge un enfant avec un risque vital permanent sont encore très rares et, généralement, l’un des deux parents arrête de travailler pour s’occuper de son enfant à la maison. Les premières années sont extrêmement difficiles et fatigantes car, chez le très jeune enfant, les épisodes de désaturation sont nombreux : nuit, sieste, repas, digestion, infection… un certain nombre d’enfants sont ventilés 24 heures sur 24 pendant les deux premières années de vie, le sevrage de la ventilation diurne intervenant petit à petit. Les parents sont alors totalement épuisés, ils n’ont souvent personne pour prendre le relais, et c’est toute la cellule familiale qui en pâtit.
Un risque vital omniprésent dans une maladie souvent invisible
Comme dans toute maladie, le panel de sévérité est variable d’un patient à un autre. Cependant une majorité de patients atteints du syndrome d’Ondine grandissent de façon relativement « normale » : ils vont à l’école, font des études, fondent une famille malgré les difficultés liées à la maladie. En grandissant, ils prennent petit à petit de l’indépendance : ils commencent à prendre en charge seuls une partie de leurs soins et surtout ils n’ont plus envie d’avoir en permanence une personne à leurs côtés. L’adolescence est une période complexe où le risque vital lié à la prise d’indépendance est très présent, car il est extrêmement contraignant de devoir systématiquement tout faire avec un adulte à ses côtés. Les adolescents ont tendance à oublier la gravité de leur maladie, ils la cachent même à leurs amis, et nous avons eu des décès de patients qui se sont endormis sans se brancher à leur machine. C’est tout le paradoxe de cette maladie souvent invisible chez les patients qui n’ont pas de trachéotomie : le patient peut aller très bien et mettre sa vie en jeu en quelques minutes s’il s’endort sans sa machine. À la différence des apnées du sommeil, les patients atteints du syndrome d’Ondine n’ont pas de chémorécepteurs centraux permettant de détecter les périodes d’hypoventilation et d’hypercapnie. Ils ne ressentent pas physiquement la sensation d’anxiété liée à l’étouffement comme dans les apnées, et ne se réveillent donc pas. C’est la raison pour laquelle ils ne peuvent dormir sans surveillance car ils ne se réveillent pas au manque d’oxygène, ni d’ailleurs au bruit des alarmes sonores de leur ventilation mécanique dont ils ont trop pris l’habitude depuis toujours.
Des centres de référence et de compétences à disposition des patients pour un suivi médical de qualité
La France offre une prise en charge de qualité aux patients atteints du syndrome d’Ondine grâce à la présence de deux centres de référence à Paris et de sept centres de compétences en région. Le centre de référence « enfants » est géré par le Dr Ha Trang à l’hôpital Robert-Debré, le centre de référence « adultes » est géré par le Pr Christian Straus à La Pitié-Salpêtrière. De nombreuses villes possèdent un centre de compétences avec un médecin formé au diagnostic, à la prise en charge et au suivi des patients : Lille, Strasbourg, Dijon, Lyon, Nantes, Montpellier et Bordeaux. Il est important que les patients réalisent tous les ans un bilan approfondi car une mauvaise ventilation peut avoir de nombreux impacts sur la qualité de vie à plus ou moins long terme, en particulier en termes de développement cognitif mais pas seulement. Ainsi, il est souvent recommandé au patient de se ventiler non seulement la nuit mais aussi en période d’infection, en période de concentration en classe ou au moment des devoirs de fin de journée, en période d’examens… La ventilation reste un acte contraignant nécessitant l’utilisation et le transport de machines souvent lourdes et volumineuses, toutefois les appareils sont aujourd’hui beaucoup plus petits, légers, maniables qu’il y a quelques années (environ 5 kg pour une machine « life-support » aujourd’hui), et l’impact est tel sur le développement et la santé à long terme du patient qu’elle doit faire partie du quotidien du patient.