Le médecin peut être un soutien privilégié pour les parents comme pour l’entourage.
Témoignage de Vanessa, 48 ans
« Demain existe. » Dite par quelqu’un d’autre, cette phrase m’aurait indignée. Mais mon collègue en a la légitimité. Lui aussi a perdu un enfant.
D’autres mots m’ont permis de renouer les fils de la vie. Ceux des parents que j’ai rencontrés aux groupes de parole organisés par l’association Naître et Vivre.
Ces échanges avec des personnes qui connaissent le même chagrin, la même douleur m’ont aidée à apprivoiser l’absence de mon enfant. Il en est de même des mots que je pose avec la psychothérapeute qui m’accompagne depuis sept ans maintenant.
L’importance des mots… parfois réconfortants, parfois destructeurs.
Quand la blessure est infligée par un proche, cela ajoute de la colère à la peine. Quand la parole blessante est prononcée par un professionnel de santé, elle est sidérante. Elle l’a été pour moi car, on me l’a appris, on ne s’oppose pas à un médecin.
Deux phrases restent tapies au fond de moi : « Oh, vous ne l’avez connu que trois mois, ça va passer ! » ; « Quand vous vous rappellerez les moments difficiles passés avec votre bébé, c’est que vous serez guérie. »
Que répondre à ces phrases prononcées par un médecin généraliste ? Celui qui a suivi votre grossesse ? Celui vers qui vous vous tournez au moment du décès de votre enfant ?
Rien. Je n’ai rien répondu et, aujourd’hui, ces mots résonnent encore en moi.
Quand on ne sait pas quoi dire, on se tait.
De toute façon, il n’y a pas de mot suffisamment puissant pour qualifier la mort d’un enfant. Il n’y en aura jamais.
Dans mon parcours, j’ai heureusement croisé des professionnels de santé épatants. Je pense d’abord au jeune généraliste qui a succédé au mien. Il n’a pas cherché à trouver les mots justes à chaque fois que l’on se voyait. Il n’a pas eu peur de me montrer son émotion. Et puis il avait un outil extraordinaire, au-delà des mots : l’hypnose. Ensemble, lui et moi, nous avons cheminé jusqu’à ce que je reprenne mon autonomie. Jusqu’à ce que je remonte dans le carrousel de la vie duquel j’avais été éjectée, pour reprendre une jolie image utilisée par le psychiatre qui m’a également suivie.
Ces deux professionnels de santé ont gagné à mes yeux leur légitimité. Ils m’ont accueillie comme j’étais alors, dans la détresse et le chagrin, sans chercher à tout prix à combler par des mots violents le vide laissé par la mort de mon bébé.
Commentaire du Dr Élisabeth Briand-Huchet, Médecin-conseil de l’association Naître et Vivre
Il est rare que le médecin traitant soit appelé au domicile au moment de la découverte du décès, ou que l’enfant soit amené en urgence au cabinet médical par la personne qui le gardait. Dans ces situations, les manœuvres immédiates de réanimation sont effectuées et l’appel au 15 déclenche la prise en charge adaptée. Le médecin urgentiste, peut-être plus habitué aux annonces difficiles en urgence, explique le décès et la proposition de prise en charge hospitalière.
Le plus souvent, le médecin traitant apprend le décès de l’enfant dans un second temps : prévenu par téléphone par le pédiatre du centre de référence, ou par les parents eux-mêmes. Parfois c’est en recevant le père ou la mère en consultation, sans avoir été mis au courant préalablement. Il peut lui-même, à juste titre, ressentir cette annonce comme un choc, et peut se poser des questions de responsabilité médicale ou encore hésiter sur l’attitude à adopter.
Car il faut être très précautionneux. Les premiers mots prononcés par le médecin vont marquer les parents de façon souvent indélébile, surtout s’ils sont maladroits. Devant un tel drame, il est totalement impossible de « consoler », et toute parole cherchant à aller dans ce sens risque d’accroître le sentiment d’incompréhension et de révolte. Chaque parent endeuillé entend des phrases qui se veulent bienveillantes, mais qu’il va ressentir comme « assassines », venant de son entourage personnel, familial, professionnel… Évitons que ce soit de la part d’un médecin, dont ils attendent du soutien ! Les seules paroles entendables sont celles qui authentifient la brutalité de l’événement, leur souffrance, et qui proposent de l’écoute et de la disponibilité. Une présence silencieuse et éventuellement un geste de rapprochement peuvent aussi être appropriés, selon la relation antérieurement établie avec la personne.
Il est important que les médecins généralistes prennent connaissance des recommandations de la Haute Autorité de santé sur la prise en charge des morts inattendues du nourrisson (MIN), et de l’existence d’un cahier des charges des centres de référence MIN.
Tout au long du parcours de deuil de ces parents, le médecin peut être un soutien privilégié : permettre l’expression de leur souffrance, soulager des symptômes physiques, réexpliquer les résultats des examens pratiqués post mortem, après l’entretien au centre de référence... L’orientation vers un psychologue compétent dans ce domaine est parfois utile. De même, la connaissance du réseau associatif de soutien au deuil est précieuse et permet d’orienter la famille de manière adaptée.
Le médecin traitant peut aussi être très aidant pour la fratrie : si les enfants aînés posent des questions lors de consultations, ou dans la vie familiale. Souvent démunis, les parents demandent conseil pour y répondre. À plus long terme, lors d’une nouvelle grossesse, un suivi médical attentionné sera rassurant, et si besoin en lien avec l’équipe médicale qui avait pris en charge l’enfant décédé.
La relation avec le médecin traitant est ainsi un des points d’appui pour la famille dans ce parcours de deuil.
Association Naître et Vivre
Parce que le deuil d’un enfant est insurmontable…
Créée en 1979 et reconnue d’utilité publique en 1991, Naître et Vivre, association nationale loi de 1901, a pour mission première d’accompagner les personnes en deuil d’un tout-petit, en cours de grossesse et jusqu’aux premières années de vie.
Parce que la brutalité de la disparition d’un bébé rend le deuil très difficile et long, parce que le sentiment de culpabilité est intense et parce que les parents se sentent isolés du reste de la société, il est nécessaire qu’ils puissent trouver une aide adaptée et spécifique pour les accompagner dans leur chemin de deuil.
L’association Naître et Vivre a plusieurs manières d’accueillir les parents qui ont perdu un bébé – mais aussi leurs proches (amis, fratrie, famille élargie).
Elle assure tout d’abord une ligne d’écoute disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, au 01 47 23 05 08. Une équipe de trois bénévoles se relaie en permanence.
Depuis plusieurs années, l’accueil des parents se fait dans le cadre de rencontres régulières organisées à Paris et Nantes via des groupes de parole. Depuis 2018, un groupe de parole à distance en visioconférence a été mis en place.
L’association organise aussi environ tous les deux mois des réunions à thème sur des sujets tels que « Les étapes du deuil », « L’enfant suivant » ou encore « Le deuil des grands-parents ».
Mais Naître et Vivre a aussi, parmi ses missions, la prévention de la mort inattendue du nourrisson (MIN). Elle élabore et diffuse des supports de prévention et participe aux rassemblements professionnels.
Enfin, l’association, qui compte près de 500 adhérents, soutient la recherche visant à identifier les causes de la MIN, qui est la première cause de décès post-natal et touche encore environ 300 bébés par an (Observatoire national des MIN). Ce nombre était en forte régression depuis les années 1990 – on est passé de 1 500 à 300 décès par an grâce à la prévention – et stagnait depuis plusieurs années. Mais il accuse une nouvelle hausse depuis 2022, rendant urgent le renforcement de la prévention.
Prise en charge en cas de mort inattendue du nourrisson (moins de 2 ans). Recommandations professionnelles de la Haute Autorité de santé. Février 2007 : ces recommandations de prise en charge seront en principe réactualisées en 2023-2024. https://vu.fr/CvUl
Cahier des charges national des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson, Direction générale de l’offre de soins : https://www.omin.fr/
Association Naître et Vivre : accompagnement des parents en deuil d’un tout-petit, prévention de la MIN, soutien à la recherche médicale. https://naitre-et-vivre.org/
Collectif deuils : regroupe différentes associations d’aide aux endeuillés. https://collectifdeuils.fr/