Témoignage de Lindsay, 37 ans
Je vis cette maladie comme un coup de massue. Le poids des fibromes et les douleurs deviennent insupportables à vivre au quotidien ; ils sont palpables et visibles. J’ai le ventre d’une femme enceinte de cinq ou six mois. Je sens comme un poids qui comprime ma vessie en permanence avec de plus en plus de difficultés à uriner. J’ai peur pour mes reins, mon foie, mon estomac. Je ne sais plus quoi faire pour combattre ces fibromes. Je suis complètement perdue : il n’y a aucun traitement médicamenteux, à ce jour, efficace pour venir à bout de la maladie. Le fibrome est une maladie hormonodépendante pour laquelle il n’existe pas de traitement curatif.
La préconisation d’hystérectomie faite par mon chirurgien m’achève ; cela signifie pour moi qu’il n’y a plus d’espoir. Je la vis comme une double peine. Quelque chose en moi s’éteint. J’ai 37 ans, je suis célibataire et je n’ai pas d’enfant. À ma souffrance physique s’ajoute la souffrance morale. Je suis à bout de forces et je commence à me résigner, même si je n’accepte pas l’hystérectomie. Dans cette épreuve, j’ai la chance de pouvoir compter sur mes proches. Le soutien inconditionnel de ma mère et de l’association Fibrome Info France me donne la force de ne pas sombrer et le courage de dire que je ne veux pas qu’on m’enlève l’utérus, sauf si mon pronostic vital est engagé. Mon chirurgien a entendu ma détresse et est revenu sur sa préconisation. J’ai eu une myomectomie par laparotomie en octobre 2022. Ma deuxième opération en l’espace de trois ans !
Aujourd’hui, je suis soulagée d’avoir été entendue et comprise par le corps médical. J’avais besoin qu’on me laisse un espoir, même minime, de porter un enfant. Je suis également soulagée de savoir que ma fonction rénale n’a pas été altérée. Il est nécessaire d’alerter et de sensibiliser les femmes et les soignants sur le fait que les signes cliniques des fibromes ne se limitent pas aux règles abondantes.
Commentaire du Pr Jean-Luc Brun, comité scientifique de Fibrome Info France
– l’évolution lentement progressive avec des signes cliniques frustes : alopécie liée à l’hyposidérémie, y compris en l’absence de saignements anormaux – jamais décrits par la patiente –, déformation du ventre, qui peut être détectée par un simple examen clinique abdominal même sans faire de toucher vaginal, signes compressifs extra-gynécologiques vésicaux et probablement digestifs – bien que non évoqués –, changement de l’image corporelle et conséquences psychologiques. Les patientes ne décrivent pas toujours spontanément leurs symptômes si on ne leur pose pas la question car elles n’associent pas forcément les signes compressifs aux fibromes utérins, contrairement aux ménorragies et aux douleurs (nécrobiose) ;
– l’errance médicale et la prise en charge inappropriée : au-delà du retard au diagnostic et au traitement chirurgical, il faut évoquer les difficultés des médecins à gérer les récidives, amenant à des propositions aberrantes telles qu’une hystérectomie chez une femme de moins de 40 ans n’ayant pas débuté un projet parental. Il est vrai qu’il n’y a pas de référentiel médical pour le traitement des récidives. Mais des alternatives interventionnelles sont décrites et réalisées en France depuis plus de vingt ans telles que l’embolisation des artères utérines et, plus récemment, les techniques de destruction (myolyse) par radiofréquence ou ultrasons focalisés.
Les symptômes du fibrome utérin sont souvent réduits à tort aux ménorragies. La réalité de la pathologie fibromateuse, fréquente, est pourtant bien plus complexe. Ainsi, derrière cette maladie qualifiée de bénigne, se cache souvent de multiples symptômes pouvant handicaper au quotidien la vie des femmes : règles hémorragiques, ménométrorragies, anémie, asthénie, douleurs pelviennes, dyspareunie, fausses couches. Les signes compressifs du fibrome utérin restent peu identifiés, notamment en cas de pollakiurie, nycturie ou dysurie, ou en cas de difficultés à digérer, de remontées acides liées à la compression de l’estomac ou de l’intestin grêle par un fibrome. Des colopathies fonctionnelles peuvent survenir en cas de compression du rectum ou de blocage du côlon, occasionnant une constipation chronique. La survenue de troubles locomoteurs lorsque des ligaments de la colonne vertébrale sont comprimés provoque des lombalgies et des cruralgies, ou des œdèmes, jambes lourdes, varices pelviennes, syndrome de congestion pelvienne ou de Cockett, lorsqu’une veine est comprimée.
Fibrome et fertilité
Les fibromes sont une cause rare d’infertilité. Leur impact sur la fertilité est toujours débattu. Un nombre important de grossesses protègent les femmes du développement de fibromes. Les patientes infertiles étant souvent nullipares, il est difficile de distinguer si les fibromes sont la cause ou une conséquence de l’infertilité. Il est néanmoins reconnu que certaines localisations peuvent avoir un lien avec l’infertilité. Les fibromes sous-muqueux sont associés à des taux de grossesses, d’implantations et d’accouchements plus faibles chez les femmes bénéficiant d’une fécondation in vitro par rapport aux femmes infertiles sans fibromes. Ils sont associés à une augmentation du taux de fausses couches chez les femmes qui procréent spontanément. La résection des fibromes sous-muqueux améliore les taux de grossesses et d’accouchements d’autant plus lorsque les fibromes sont le seul facteur de risque d’infertilité retrouvé. Concernant les fibromes interstitiels, l’impact négatif sur l’implantation, le taux de grossesses et de naissances vivantes est controversé, de même que leur prise en charge chirurgicale. Cependant, les centres d’assistance médicale à la procréation recommandent l’exérèse des fibromes intramuraux lorsque leur taille excède 4 cm et qu’ils provoquent une distorsion de la cavité utérine. Les fibromes sous-séreux n’ont pas d’impact.
Approche globale et pluridisciplinaire
Fibrome Info France est la première association française agissant pour l’amélioration de la prise en charge et de la qualité de vie des femmes qui souffrent de fibromes utérins. Fondée en janvier 2011, elle est née du déficit de sensibilisation des femmes et du grand public à cette maladie féminine. Fibrome Info France milite pour une approche inclusive, globale et pluridisciplinaire du fibrome utérin et se donne une triple mission : l’information et la sensibilisation du grand public au fibrome utérin, l’accompagnement des patientes et la mise en place d’actions visant à améliorer la recherche, la prévention et le diagnostic de la maladie.
Fibrome Info France a mis au coeur de son action en 2021, les enjeux sanitaires et sociétaux du fibrome utérin, afin de sensibiliser le grand public et les professionnels de santé à cette maladie et ses retentissements sur la qualité de vie, la sexualité et la santé reproductive des femmes, pour que les saignements anormaux induits par les fibromes ne soient plus assimilés à de simples règles abondantes et les douleurs menstruelles ou pelviennes considérées comme normales ou relevant de l’imagination féminine.
Depuis 2021, le mois de juin est dédié à la sensibilisation au fibrome utérin. Le 9 juin 2023, Fibrome Info France a organisé le premier Congrès français du fibrome utérin.
L’action de Fibrome Info France s’appuie sur une vision globale et non partisane de la pathologie fibromateuse, enrichie par les savoirs expérientiels des patientes expertes de l’association et complétée par l’expertise de partenaires médicaux spécialistes de la pathologie.
Pour en savoir plus
Sites utiles
• https://fibrome-info-france.org/
• www.mon-fibrome.fr Outil d’aide à la prise de décision réalisé par l’ARS Île-de-France en collaboration avec Fibrome Info France.
Livre
Isabelle Lévy, Sang & Encre, Fauves Éditions, 2019.
Livre témoignage écrit par une patiente sur le vécu de la maladie.