Un syndrome de Prader-Willi. Une maladie complexe dont le retentissement somatique et psychologique est associé à des troubles cognitifs, avec en conséquence un impact sur l’adaptation et l’intégration sociale. Prendre en compte la personne dans sa globalité physique et mentale est une nécessité absolue.
Témoignage de Martine, la mère de Marc
Notre fils, Marc, âgé de 33 ans, est atteint du syndrome de Prader-Willi. À côté des troubles du comportement alimentaire, qu’il contrôle de mieux en mieux, il a des troubles du comportement, avec en particulier des difficultés à gérer les émotions, les frustrations et les imprévus. Dans un environnement défavorable et/ou lors de moments anxiogènes tel qu’une situation nouvelle ou incompréhensible pour lui, il peut faire des colères parfois très violentes. Celles-ci peuvent être évitées dès le début par une attitude adaptée des accompagnants.
Il a besoin d’un cadre ferme mais bienveillant, de cohérence entre tous ceux qui l’accompagnent, d’être valorisé dans ses réussites. Il aime marcher, faire du vélo, danser, être dans l’eau… mais il est fatigable, a besoin de repos et de s’isoler.
À cause de ses troubles du comportement, Marc a connu au cours de sa vie plusieurs exclusions : de l’école maternelle d’abord, puis à l’âge de 10 ans de l’institut de rééducation psychothérapique où il était pris en charge. À l’époque, ni la commission d’éducation spéciale (ancêtre de la maison départementale des personnes handicapées [MDPH] pour les enfants), ni les services de pédopsychiatrie de notre département ne nous ont proposé d’aide ou de solution alternative. Le syndrome de Prader-Willi était alors très mal connu. Dans un département voisin, un service accueillant des enfants déficitaires nous a proposé de le prendre en charge. Ce fut une décision très difficile mais nous étions épuisés et sentions notre famille en danger. L’hospitalisation, qui pour nous ne devait durer que quelques semaines, s’est prolongée pendant 21 ans. Nous n’avons jamais cessé de chercher un lieu de vie adapté, mais en vain. Son traitement neuroleptique était très lourd mais n’empêchait pas les crises de violence. Il y avait toutefois des périodes fastes, celle du body surf en particulier où, pendant 18 mois au moins, Marc ne fit aucune colère. Nous remarquions déjà qu’il était différent selon l’environnement, selon les professionnels qui l’entouraient. À cette même époque, des bénévoles de l’association Prader-Willi France (PWF) sont venus faire au sein du centre hospitalier spécialisé une première formation sur le syndrome. De notre côté, grâce aux connaissances acquises par l’Association PWF et par le centre de référence du syndrome de Prader-Willi, nous comprenions de mieux en mieux cette maladie si complexe et apprenions comment la gérer et éviter les crises.
Depuis 2013, Marc fait un séjour annuel au centre de référence de l’hôpital Marin-de-Hendaye. Il a perdu 30 kg et va globalement mieux. En 2018, il a pu enfin intégrer une maison d’accueil spécialisé.
Nous nous disons souvent que, si nous-mêmes et les professionnels qu’il a pu rencontrer dans sa vie avions mieux connu ce syndrome, son parcours aurait été moins difficile.
La formation des professionnels et des familles est essentielle. Les séjours en psychiatrie sont parfois nécessaires mais pour de courtes périodes. Quand ils sont prolongés, ils deviennent des impasses.
Commentaires des Drs Denise Thuilleaux et Fabien Mourre
Le syndrome de Prader-Willi est une maladie génétique rare touchant le chromosome 15, entraînant un dysfonctionnement hypothalamique avec une dysrégulation de la satiété et des émotions.
Le retentissement somatique et psychologique, associé à des troubles cognitifs, explique la complexité de la maladie, son impact sur l’adaptation et l’intégration sociale, et la nécessité absolue de prendre en compte la personne dans sa globalité physique et mentale grâce à une approche pluridisciplinaire.
Les troubles du comportement alimentaire se traduisent par une véritable addiction à l’alimentation avec une pensée obsédante pour la nourriture, une pulsion irrépressible qui submerge le sujet et des stratégies ingénieuses pour s’en procurer. Ils aboutissent, si on les laisse évoluer, à une obésité morbide avec son cortège de retentissements somatiques et psychologiques.
L’autonomie alimentaire est souvent illusoire et la personne doit être protégée vis-à-vis de ses tentations alimentaires tout au long de la vie.
La nourriture ne doit jamais être une récompense ou un moyen de pression. Il est fondamental aussi de « nourrir » la personne avec d’autres centres d’intérêt en s’appuyant sur ses compétences et ses goûts, et de respecter l’épanouissement de sa vie affective garantissant son équilibre.
Les troubles de la personnalité et du comportement représentent le deuxième axe de difficultés rencontrées. Il existe en effet une labilité émotionnelle majeure, une rigidité mentale, une intolérance à la frustration, une difficulté dans la compréhension des codes sociaux. Cela entraîne des comportements impulsifs et des conduites d’auto- ou d’hétéro-agressivité, revêtant tous les niveaux de gravité. L’agressivité ciblée a valeur de langage adressé à la personne visée. Le comportement violent non ciblé représente l’évacuation d’une tension et dans ses paroxysmes aboutit à une crise clastique. Il est important d’éliminer les facteurs déclenchants car, s’il est encore possible d’intervenir dans la phase d’amorçage ou d’ascension, il est illusoire de pouvoir le faire en phase d’explosion de ces crises.
Il est capital d’établir des liens suivis avec la psychiatrie à titre préventif pour ne pas la solliciter uniquement en situation de crise, mais comme partenaire potentielle tout au long des trajectoires de ces patients.
Un travail institutionnel autour de la relation thérapeutique est indispensable avec une formation approfondie des professionnels sur le syndrome et les situations concrètes auxquelles ils sont confrontés. Il doit aboutir à une volonté consensuelle d’adapter l’institution aux « patients » et non les « patients » à l’institution.
C’est à cette mission de formation incontournable que s’attachent le Centre de référence du syndrome de Prader-Willi (Toulouse coordonnateur-Paris-Hendaye), l’association PW France et les Équipes relais handicaps rares régionales (ERHR).
Apprendre à ne pas laisser survenir la crise
La disparité dans les manifestations du syndrome de Prader-Willi est très importante d’une personne à l’autre. Les points communs se retrouvent autour de l’absence de satiété et dans la gestion des émotions. Si elle n’est pas anticipée, les débordements émotionnels peuvent dégénérer en comportements difficilement maîtrisables.
Ces difficultés sont parfois à l’origine de rejet de la part des établissements avec bien souvent un retour en famille et les difficultés que cela comporte surtout lorsque le patient avance en âge.
L’importance pour les professionnels est de ne pas laisser survenir la crise. C’est un point de vigilance que les établissements qui accueillent des personnes atteintes du syndrome de Prader-Willi doivent acquérir, depuis le directeur jusqu’aux professionnels qui agissent au plus près de ces personnes.
Nous savons également que l’activité physique peut apporter un mieux-être à ces patients. Nous nous appuyons sur les observations du centre de ressources médicosocial (Cermes) de Dombasle-sur-Meurthe qui arrive à maintenir un équilibre auprès des 10 personnes accueillies. La prise de poids est parfois problématique mais, au Cermes, celle-ci tend à diminuer.
Dans les situations les plus compliquées, des personnes sont écartées des établissements sociaux et médicosociaux et orientées vers des hôpitaux psychiatriques, alors que ce type de prise en charge ne leur est pas adapté quand l’hospitalisation se prolonge.
Nous savons que la prise en charge des personnes avec des comportements problématiques est difficile mais aussi que, lorsqu’elle est mise en place par des professionnels compétents, avec un bon esprit d’équipe, une attitude anticipatrice et bienveillante, le résultat est au rendez-vous.
Des établissements en France ont mis en œuvre une attitude qui leur permet d’obtenir de bons résultats. PWF peut accompagner les établissements qui le souhaitent.
Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire !