Un syndrome de Rett. Dès les premières années de vie, le syndrome de Rett induit un polyhandicap sévère dont l’expression varie d’un enfant à un autre. Dans l’attente d’un traitement spécifique, la mobilisation coordonnée de l’ensemble des acteurs concernés vise à préserver les acquis le plus longtemps possible.

Témoignage de Julien, père de Louise, 12 ans

Notre fille Louise est atteinte du syndrome de Rett (RTT). Cette maladie génétique, qui frappe quasi exclusivement les filles, est aujourd’hui un point focal de sa vie. Dans le cas de Louise, de sa naissance jusqu’à 3 ans, il n’était pas possible de la déceler. En effet, tous les apprentissages de cette période se sont déroulés normalement, jusqu’à la marche et aux premiers mots.
À partir de 3 ans, les premiers signes sont apparus : difficultés à pointer et d’élocution, stéréotypies. Le premier diagnostic posé sur Louise a été celui d’autisme, puis, ses difficultés motrices s’aggravant, une recherche génétique a permis de poser le diagnostic définitif : syndrome de Rett. Cette annonce a été un choc car elle a immédiatement fait passer notre petite fille d’un être en construction difficile (autisme) à un enfant qui deviendra polyhandicapé à court terme.
Aujourd’hui, neuf ans après, Louise est une enfant polyhandi­capée, avec d’importants troubles respiratoires et de sérieuses difficultés motrices qui l’empêchent de se déplacer seule et dont la mobilité assistée est particulièrement lourde. La marche est un combat de chaque instant pour Louise, et aucune autonomie dans les gestes quotidiens ne lui est accessible.
Soutenir Louise et l’assister chaque jour remplit la vie de ses parents dont elle rythme l’organisation et le planning. Louise est au centre de notre vie, et le syndrome de Rett est au centre de la sienne. Rien n’est plus vrai que le terme « envahissant » de la catégorisation générale de la maladie : « trouble envahissant du développement ».
Malgré ce tableau qui pourrait sembler très noir, Louise est une petite fille heureuse dont les capacités cognitives nous étonnent tous les jours et dont la force physique pour lutter contre ses difficultés motrices est impressionnante. Le regard que lui porte sa famille est, j’en suis convaincu, déterminant dans l’acceptation de sa propre maladie.
La solidité de notre structure familiale est également mise à rude épreuve car cette maladie rebat toutes les cartes et modifie tous les scénarios de vie imaginés. Mais elle apporte également d’autres expériences qu’il faut savoir identifier et accueillir : le milieu associatif dédié est aussi fort que la maladie est envahissante. Il permet de tisser des liens d’amitié plus solides que jamais, en raison de ce rapprochement dicté par le hasard de la génétique. Ces rencontres n’auraient jamais eu lieu sans Louise.
Enfin, le principal carburant du quotidien tient au fait que rien n’est écrit à l’avance. Toutes les évolutions sont possibles ; le lien entre le phénotype et le génotype est particulièrement complexe, laissant toute sa place à une évolution positive. Par ailleurs, la recherche médicale avance vite : un traitement du syndrome de Rett est possible et semble à portée de main !

Commentaire de l’Association française du syndrome de Rett

Première cause de polyhandicap d’origine génétique en France chez les filles, le syndrome de Rett est très peu connu du grand public et jusqu’à présent relativement méconnu par les professionnels de santé entourant la petite enfance.

Un diagnostic précoce pour orienter les familles

Le diagnostic génétique est déterminant, et sa généralisation a permis de mieux comprendre ce syndrome. La population aujourd’hui non diagnostiquée doit l’être au plus vite afin d’améliorer notre connaissance de cette maladie.
Mais le diagnostic génétique est aussi un tournant brutal dans la vie des parents. Le recul du généticien, indispensable à son travail, est souvent vécu comme une douleur supplémentaire ; l’accompagnement de cette annonce par des psychologues est indispensable. Le franchissement de ce cap critique se doit aussi d’être accompagné afin d’orienter l’enfant et sa famille dans la bonne direction pour cette nouvelle vie qui s’offre à eux.
Si le diagnostic précoce est très important, c’est aussi le cas du diag­nostic tardif, pour les adultes qui n’ont pas bénéficié du dépistage ­génétique dans leur enfance.

Une maladie imprédictible

Les enfants atteints par le syndrome de Rett et leur entourage se voient, malheureusement encore aujour­d’hui trop souvent, opposer un fatalisme dans la prise en charge, qui peut être délétère. Or le diagnostic génétique ne traduit pas un pronostic de vie. Il n’y a pas de parallélisme ­direct entre génotype et phénotype. La répartition et l’expression du gène malade sont complexes, et il existe autant de tableaux cliniques que ­d’enfants porteurs de cette maladie.
La prise en charge individualisée est capitale et ne doit pas se réduire au plus petit commun dénominateur de toutes les personnes affectées par ce syndrome.

Une nécessaire bienveillance

La prise en charge des patients nécessite une vision pluridisciplinaire et un programme de stimulation et de traitement individualisé. Des solutions adaptées et des parcours de soins personnalisés sont nécessaires pour mettre en place ce programme de rééducation fonctionnelle, afin d’essayer de maintenir les acquis le plus longtemps possible.
Tous les professionnels, qu’ils soient médicaux ou paramédicaux, doivent se retrouver autour de ces enfants, qui ont besoin de toutes les connaissances et de toutes les bienveillances.
Nous sommes tous absorbés par notre quotidien et manquons parfois de recul. Nous le constatons en tant qu’association de parents : que ce soit en cabinet ou en milieu hospitalier, l’enchaînement des rendez-vous ainsi que la charge administrative annexe éloignent certains praticiens de l’attention qu’attendent les parents lors des consultations. Elles sont une épreuve organisationnelle, une singularité dans l’emploi du temps particulièrement rythmé des familles mais surtout une espérance forte du binôme patient-aidant vis-à-vis de son médecin.
Ainsi il est important, pour vous, praticiens, de prendre le temps d’accueillir ces enfants si rares, ainsi que leur famille, et de leur offrir une synthèse de ce qui a fait votre engagement dans ce si beau métier : la bienveillance. 

Encadre

2017 : premier protocole national de diagnostic et de soins

Le syndrome de Rett (RTT) est une maladie génétique rare qui se développe chez le très jeune enfant, principalement la fille. Il provoque un handicap mental et des atteintes motrices sévères. En France, il s’agit de la première cause de polyhandicap d’origine génétique chez les filles. Cette maladie est liée à une anomalie du gène MECP2, situé sur le chromosome X.

À partir d’un prélèvement sanguin, l’analyse moléculaire permet d’identifier l’anomalie, ou mutation, présente sur un seul des deux gènes MECP2 de l’enfant atteinte, l’autre gène étant normal. Le RTT est donc considéré comme une maladie dominante liée au chromosome X.

De façon exceptionnelle, la mutation peut affecter le garçon, qui possède un seul gène MECP2. Le tableau clinique est alors différent, avec une encéphalopathie néonatale sévère responsable d’un décès précoce.

Dans le parcours de soins des enfants atteints du syndrome de Rett et dans celui de leur famille, le neuropédiatre se trouve souvent à la croisée de quatre missions :

– établir le diagnostic ;

– mettre en place et coordonner les soins ;

– identifier les troubles comportementaux non spécifiques et les interpréter ;

– accompagner les familles tant sur le plan psychologique que social.

La prise en charge des épilepsies, qui entraînent une dégradation rapide du tableau clinique, est délicate.

En 2017, la Haute Autorité de santé (HAS) a validé et diffusé le premier protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) concernant le syndrome de Rett et apparentés.

L’objectif de ce document est d’expliciter, pour les professionnels concernés, la prise en charge diagnostique et thérapeutique optimale actuelle et le parcours de soins d’une personne atteinte du syndrome de Rett. Il est nécessaire d’harmoniser la prise en charge, en mutualisant les bonnes pratiques aux niveaux national et international.

Pour en savoir plus : https://afsr.fr/

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