un vitiligo. Le vitiligo est loin de n’être qu’un désagrément esthétique. La souffrance morale peut être lourde à porter. Cette maladie peut conduire à s’isoler pour échapper au regard des autres. Une prise en charge spécialisée est utile. L’arrivée future de nouvelles thérapeutiques est porteuse d’espoir.

Témoignages recueillis pendant la permanence de l’association

« Mon fils sort de chez le médecin, en larmes, après ce diagnostic : “Vous avez un vitiligo, il n’y a pas de traitement...” »
« Chaque fois qu’une personne me regarde, je sais qu’elle regarde ma peau dépigmentée, mes taches. »
« J’ai du vitiligo depuis plus de trente ans. Je travaille avec des enfants et je me maquille chaque jour pour le cacher. Je crains de faire peur, je me trouve monstrueuse. »
« Connaissez-vous un médecin qui pourrait expliquer sa maladie à mon ami ? Il ne comprend pas, on lui a dit qu’il n’y a rien à faire... »
« Ma fille de 5 ans a un vitiligo. Je suis très inquiète pour elle, on se moque d’elle à l’école. »
« Mon conjoint a du vitiligo sur les parties génitales, il a honte. »
« Un bébé de 9 mois peut-il avoir du vitiligo ? Peut-il être soigné ? »
« Le vitiligo est-il contagieux ? A-t-il une origine génétique ? »
« Pourquoi est-ce que cela m’arrive à moi ? »
« Mes proches ne comprennent pas que cela me pourrit la vie : à qui pourrais-je en parler ? »

Commentaire de Nicolle Maquignon, administratrice de l’Association française du vitiligo (AFV)

Vivre avec le vitiligo, c’est tout cela ! Douter, se poser ces questions : ma dépigmentation va-t-elle évoluer ? vais-je repigmenter ? pourquoi moi ? le médecin me donne-t-il le bon traitement ? comment le cacher ? Et bien d’autres encore...
De nouveaux traitements arrivent, un espoir qui, après tant d’années, se concrétise enfin, provoquant néanmoins impatience et inquiétude de la part des malades : quel en sera le prix, le remboursement ? sera-t-il prescrit pour tous les malades ? en connaît-on les effets indésirables ?
On entend encore trop souvent dire : « Le vitiligo, ce n’est rien, c’est seulement un désagrément esthétique. » Dans certains pays européens, le vitiligo n’est toujours pas reconnu comme une véritable maladie, mais seulement comme un préjudice esthétique. Et c’est encore le cas en France, chez certains professionnels du monde médical, qui manquent souvent d’empathie ou négligent d’écouter et d’informer le malade.
Un autre discours peut faire très mal : « Le vitiligo ne fait pas souffrir, il faut vivre avec, vous n’en mourrez pas... » Certes ! S’il est vrai que le vitiligo n’entraîne pas forcément des douleurs physiques – parfois quelques irritations ou démangeaisons –, la douleur morale est bien là. Si l’on se réfère à la définition du mot souffrance : « fait d’éprouver des douleurs physiques ou morales », alors, oui, le vitiligo fait souffrir, et cette souffrance morale est trop souvent minimisée, par certains médecins, et aussi parfois par l’entourage de la personne malade qui comprend mal ou sous-évalue cette souffrance. L’impact psychologique est énorme et doit être pris en compte dans le parcours de soins.
Grâce à la détermination des experts et chercheurs, qui s’associent au niveau mondial pour améliorer la vie des malades, cette souffrance aujourd’hui porte un nom, très significatif : le « fardeau » (burden en anglais) et, grâce à leurs travaux, ce fardeau est reconnu et fait l’objet de nombreuses études et recommandations. C’est bien en effet d’un fardeau qu’il s’agit, lourd à porter, que l’on soit enfant, adolescent ou adulte.
Vivre avec le vitiligo, c’est aussi s’isoler, pour ne pas se montrer, ne pas subir le regard des autres. De nombreuses personnes publiques, sportives, politiques, acteurs ou actrices, ont décidé d’assumer leur dépigmentation et ne se cachent plus comme Winnie Harlow, mannequin canadienne. Même Barbie et Ken ont du vitiligo... De beaux exemples d’acceptation qui ne dissimulent en rien la foule des anonymes qui affichent plutôt leur désarroi, leur inquiétude et leur mal de vivre au quotidien avec cette maladie.
Une récente étude publiée dans le Journal of the American Medical Association rapporte que plus de 40 % des personnes interrogées estiment que le vitiligo influence fortement leur santé émotionnelle, affecte leur estime de soi, handicape leurs relations personnelles et intimes, et leur cheminement professionnel. Outre cette perte de confiance en soi, cette qualité de vie bouleversée au quotidien, plus de la moitié reconnaissent avoir été diagnostiquées victimes de troubles de la santé mentale : anxiété (30 %), dépression (25 %) pouvant conduire au suicide.
Vivre avec le vitiligo, c’est aussi, pour des enfants ou adolescents, être harcelé à l’école, traité de « vache », ou entendre « Tu as encore du dentifrice autour de ta bouche », ne pas oser se mettre en maillot de bain à la piscine, refuser d’aller à l’école ou au collège. Et combien il est difficile de commencer une relation amoureuse avec le vitiligo, montrer son corps, avec appréhension, peur du rejet ou de moqueries.
Les adultes ne sont pas en reste, et même chez certains hommes politiques qui se targuent de donner l’exemple, les « blagues » abjectes tenues à l’encontre de leurs pairs ne sont pas rares et rejaillissent sur toutes les autres personnes qui vivent avec cette maladie. Être traité de « panda délavé » ou de Frankenstein n’est pas sans conséquence...
Être parent d’un enfant avec le vitiligo, c’est aussi souffrir à sa place tout en se sentant impuissant, souvent maladroit en voulant rassurer, ou coupable : « C’est ma tare », dit un papa traumatisé d’avoir « donné » le vitiligo à son enfant, et d’en faire « un enfant pas comme les autres ».
Car vivre avec le vitiligo, c’est aussi craindre de transmettre cette maladie à ses enfants, à tel point que certaines femmes, malgré leur désir profond de maternité, y renoncent.
Vivre avec le vitiligo, c’est aussi, parfois, ne plus vouloir… vivre !

Commentaire du Dr Emmanuelle Moirand, membre du comité scientifique de l’AFV

Alors que je discute avec une collègue dans le centre dans lequel je travaille, je réalise qu’elle a des taches de dépigmentation sur les mains et sur le visage. Je ne peux m’empêcher de lui demander depuis quand elle a son vitiligo. Elle est surprise que je connaisse la maladie, et ajoute immédiatement qu’elle sait qu’il n’y a rien à faire, et que, ce qui l’angoisse le plus, c’est la transmission possible à sa fille… Je lui réponds ce que je sais, et je lui décris l’Association française du vitiligo, en expliquant son rôle et en donnant des exemples de ce qu’elle fait pour soutenir et accompagner les personnes atteintes. Et surtout je lui cite des interlocuteurs privilégiés, au courant des dernières recherches encourageantes sur des traitements à venir. Enfin, je peux la rassurer avec la seule phrase : « Le vitiligo, maintenant, ça se soigne. » Ma collègue reste dubitative.
Elle accepte tout de même le contact avec l’Association française du vitiligo, et prend rendez-vous avec un médecin spécialiste de la maladie. Quelques mois plus tard, elle me raconte qu’il lui a été proposé différents traitements, et elle me sourit en me parlant de son parcours. Je la sens nettement plus détendue concernant l’évolution de la maladie.
Par rapport à la prise en charge, elle conclut que c’est dommage que la plupart des médecins ne la connaissent pas, qu’ils minimisent son impact sur la qualité de vie, et qu’ils ne sachent ni évoquer l’Asso­ciation française du vitiligo ni adresser à des spécialistes.
Lors de son rendez-vous avec un spécialiste du vitiligo, elle s’est sentie écoutée, a eu des informations claires sur les différents traitements possibles, et surtout elle se sent libre aujourd’hui de choisir ce qui lui conviendrait le mieux. Elle dit être dans une phase d’acceptation et de résilience.
Si elle devait prodiguer un conseil aux jeunes patients, elle leur dirait de consulter un spécialiste sans attendre, et de se rapprocher de l’Asso­ciation française du vitiligo.
Elle a compris que la prise en charge dès le plus jeune âge est essentielle et bénéfique. Elle est plus détendue vis-à-vis de sa fille.
La recherche fait parfois des bonds impressionnants, et ce n’est pas toujours facile pour les médecins non spécialisés d’être au courant des progrès réalisés dans des domaines très spécifiques. Le relais peut se faire grâce aux associations de malades, souvent au courant des dernières innovations.
Aujourd’hui, il n’est plus possible pour un médecin d’affirmer que le vitiligo n’est pas si grave, que c’est une maladie sans conséquences, et qu’il n’y a pas grand-chose à faire. L’impact sur la qualité de vie a été bien étudié, et l’influence du stress sur la maladie est bien connue.
Il est primordial que le médecin prenne le temps de rassurer son patient, et de lui indiquer les bons contacts pour appréhender la maladie. 
Encadre

Une BD pour un partage d’expériences

L’Association française du vitiligo (AFV), créée en 1991, a une activité grandissante depuis plus de trente ans. Les missions qu’elle s’est données restent les mêmes : informer, accompagner et soutenir, représenter, encourager la recherche.

Informer grâce à un site actualisé, une newsletter, des rencontres annuelles avec son comité scientifique. Accompagner et soutenir les malades et leur famille lors d’une permanence téléphonique hebdomadaire (les mercredis de 14 à 17 h au 01 45 26 15 55), des ateliers maquillage correcteur, des groupes de parole destinés aux jeunes, les réponses aux courriels. Représenter et être le porte-parole des malades lors des congrès médicaux, auprès des instances politiques et institutionnelles, en France et à l’international. Encourager la recherche en s’impliquant dans les essais cliniques, en participant financièrement à des projets…

Toutes les informations diffusées par l’AFV, soutenue par un comité scientifique pluridisciplinaire très engagé à ses côtés, sont validées.

Des campagnes d’affichage grand public, une activité régulière sur les réseaux sociaux permettent également de faire connaître la maladie et de porter des messages positifs comme « Ne restez pas seul(e) » ou bien « Le vitiligo, maintenant cela se soigne ».

Une bande dessinée, Le Vitiligo et nous…, destinée aux jeunes de 17 à 25 ans, vient de paraître, elle est téléchargeable sur le site. Elle met en images 28 situations de la vie quotidienne pour mieux comprendre l’enjeu d’une maladie affichante.

Encadre

Sites utiles

Association française du vitiligo (AFV) : https://www.afvitiligo.com/

Avec un courriel pour poser des questions : courrier@afvitiligo.com

Fédération française de la peau : https://www.francepeau.com

Elle regroupe des associations et des organisations de personnes souffrant d’altérations de la peau.

Cure Vitiligo : https://www.cure-vitiligo.com

Ce site informe sur les traitements du vitiligo et les recherches menées par l’équipe Inserm du Pr Thierry Passeron au CHU de Nice.

Vitiligo-Bordeaux : https://vitiligo-bordeaux.org/

Ce site d’information du service de dermatologie du CHU de Bordeaux, coordonné par le Pr Julien Seneschal, répond à de nombreuses questions des patients.

Dossier Inserm : https://www.inserm.fr/dossier/vitiligo/

Le site de l’Inserm contient un dossier : « Le vitiligo, une maladie bénigne à l’impact psychologique souvent considérable ».

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés