L’arthrose peut impacter la vie personnelle et professionnelle. Si l’adaptation du poste de travail, dans le cadre ou non d’une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, n’est qu’un outil parmi d’autres pour limiter le retentissement des douleurs, le maintien en emploi contribue à la santé physique, psychique et sociale.

Témoignage de Nadine

J’ai 55 ans et j’ai commencé à avoir de l’arthrose dès l’âge de 18 ou 20 ans.
J’ai d’abord souffert de douleurs lombaires, qui se sont aggravées et étendues, aux niveaux cervical et dorsal, dans différentes circonstances (port de charges lourdes, grossesse) et à cause d’accidents, avec des crises inflammatoires.
Les séances de kinésithérapie, que je fais chaque année pour soulager ces douleurs cervicales, dorsales et surtout lombaires (favorisées par la station debout ou l’immobilité prolongée, le piétinement, la posture penchée ou l’accroupissement…), les séances de balnéothérapie et une cure, en 2014, ont permis d’atténuer et de stabiliser mon état quelque temps, mais les douleurs ont toujours fini par revenir progressivement. Elles sont devenues de plus en plus chroniques et permanentes.
Depuis 2010, je consulte un rhumatologue tous les six mois pour suivre l’évolution de mon arthrose, qui a été diagnostiquée par des radio­graphies et confimée par une IRM. Depuis 2021, j’ai commencé à avoir de fortes douleurs au genou gauche, à cause d’une gonarthrose. Pour la soulager, j’effectue aussi des ­séan­ces de kinésithérapie. Tous ces problèmes retentissent sur ma vie personnelle et professionnelle.
Au niveau professionnel, sur le conseil d’un médecin thermal, j’ai déposé une demande de reconnaissance en qualité de travailleur handicapé (RQTH), que j’ai obtenue en septembre 2014.
Dès 2006, grâce au médecin de prévention de mon administration, j’avais déjà été équipée d’un siège ergonomique avec têtière et d’un repose-pied pour mes problèmes de dos.
Généralement, je déclare mon handicap au service médical et aux ressources humaines de mon administration pour obtenir une adaptation du poste de travail, mais j’évite d’informer mon responsable pour la simple et bonne raison que chacun a le droit à la discrétion sur son état de santé. Se taire ne revient pas à renoncer aux droits liés à la reconnaissance du statut de travailleur handicapé, mais cela limite les risques de discrimination à l’emploi, notamment dans l’évolution de la carrière, même si les salariés sont protégés par les lois de lutte contre les discriminations.
Si ma hiérarchie était au courant de mon statut, je doute qu’elle accepte de mettre à ma disposition « un canapé pour m’allonger » quand je suis fatiguée en fin de journée et surtout en période de crise d’arthrose. La douleur et la fatigue peuvent parfois altérer ma concentration et mes ­performances professionnelles, mais travailler me permet de rester active tout en prenant en charge mes symptômes car aucun traitement n’existe à ce jour pour ralentir l’évolution de mon arthrose.

Commentaires de Laurent Grange, président de l’AFLAR

En France, l’arthrose atteint 10 millions de personnes, dont 6 à 7 millions sont symptomatiques. Les ­prévisions sont à la hausse et alarmantes : 23 % de la population serait en effet concernée en 2030. L’arthrose, maladie articulaire la plus répandue, entraîne des douleurs et un handicap majeur, avec une perte de mobilité. Deuxième cause d’invalidité en France, elle multiplie par 1,5 le risque de décès. Elle constitue le 5e élément du syndrome dysméta­bolique. En effet, être moins mobile entraîne un surpoids qui, lui-même, peut conduire entre autres à un diabète insulinorésistant. De plus, l’obésité est une grande pourvoyeuse d’arthrose ; elle provoque non seulement de fortes contraintes mécaniques mais contribue également à la destruction de cartilage en favorisant un état inflammatoire chronique et en diffusant de façon excessive des cytokines pro-inflammatoires qui orientent le chondrocyte, seule cellule présente dans le cartilage, vers le catabolisme et la chondrolyse.
Les quatre principales causes d’ar­throse (vieillissement, origine métabolique, traumatismes et génétique) permettent de s’orienter vers une médecine plus personnalisée. À défaut d’innovation, une combinaison de traitements, pharmacologiques ou non, permet de soulager chaque patient, notamment dans la gonarthrose, et d’améliorer sa qualité de vie. Le volet médicamenteux des recommandations 2020-2021 de la Société française de rhumatologie pour la prise en charge de la gonarthrose a été construit avec des médecins spé­cialistes en médecine générale. Le volet non médicamenteux inclut quant à lui :
– l’activité physique adaptée (APA), traitement le plus efficace sur la douleur et la fonction, avec le renforcement musculaire à sec et/ou en milieu aquatique, ciblant les membres inférieurs (objectif : 6 000 pas par jour ou 30 minutes par jour ou 30 à 60 minutes trois fois par semaine). Il est recommandé qu’elle soit initialement supervisée, par exemple par un kinésithérapeute, pour être ensuite pratiquée en autonomie. Les mobilisations articulaires doivent être intégrées au programme, notamment pour lutter contre le raidissement ;
– l’éducation thérapeutique du patient (ETP), ou l’information ;
– une perte de 10 % du poids qui améliore de 25 % la qualité de vie des ­patients gonarthrosiques obèses. Elle doit être progressive et encadrée par un professionnel de santé, si ­possible associée à l’APA ;
– la kinésithérapie antalgique et ­dynamique de renforcements mus­culaires ;
– les aides techniques (chaussures, ­semelles à renforcement latéral et ­absorbantes, canne controlatérale, ­orthèses des mains, genouillères…) et les adaptations de l’environnement, des lieux et conditions de travail (surélévation des sièges, rampes, aménagement des escaliers, des sanitaires, etc.) ;
– les cures thermales, intégrant l’éducation thérapeutique et l’activité physique, qui visent à réduire la consommation d’antalgiques et ­d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans l’année qui suit ;
– l’acupuncture qui peut être pro­posée en cas d’échec des autres ­thérapeutiques. 

NDLR : Compte tenu de la diversité des affections ostéoarticulaires, il nous a paru indispensable de leur consacrer plusieurs articles de la rubrique « Vivre avec… », en sollicitant l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR).

Encadre

Des pistes de progrès en cinq points

Les résultats de la deuxième grande enquête sur l’arthrose « Stop-Arthrose II », lancée en septembre 2019 à l’initiative de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR) et de la Fondation arthrose belge, montre notamment un immobilisme dans la prise en charge des patients arthrosiques et un manque criant de gestion de la douleur.

Cinq axes d’amélioration permettraient de répondre aux attentes des patients.

1. Améliorer la prise en charge médicale par la formation primaire et continue des professionnels de santé ;

2. Consacrer plus de moyens à la recherche sur les molécules prometteuses et l’accélérer ;

3. Informer les patients que leur maladie n’est pas une fatalité et qu’ils peuvent devenir acteurs de leur santé ;

4. Mettre en place une véritable politique de prise en charge des douleurs arthrosiques en France :

– il est urgent d’instaurer un parcours de soins organisé. Un patient atteint de douleurs arthrosiques sur quatre a moins de 40 ans. Il est nécessaire, notamment pour les 40-50 ans, de prendre le « virage ambulatoire », pour qu’ils puissent profiter d’une seconde partie de vie en bonne forme. La douleur ne doit pas s’installer, se pérenniser, se chroniciser ;

– il faut avancer sur l’ensemble des modalités de prise en charge :

l le traitement médicamenteux de la douleur (des progrès dans l’arsenal thérapeutique sont attendus, avec une meilleure utilisation du paracétamol et des AINS et une meilleure information du malade au maniement des antalgiques) ;

l le traitement non médicamenteux (les patients sont adressés trop tardivement au kinésithérapeute, alors qu’une rééducation précoce et progressive est souhaitable) ;

l les actions du patient lui-même (il s’agit de l’accompagner dès le diagnostic, lui donner confiance, lui apprendre à gérer sa douleur et à pratiquer une activité physique adaptée pour qu’il devienne acteur de sa santé).

5. Enfin, conduire une réelle politique de prévention, notamment par le maintien d’une activité physique de loisirs régulière tout au long de la vie, la lutte contre la surcharge pondérale et le traitement correct des traumatismes proches des articulations.

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