Pour la majorité des femmes atteintes, la maladie est compliquée à gérer : douleurs fortes, troubles digestifs, urinaires, douleurs durant les rapports sexuels et fatigue chronique invalident le quotidien. Et comme si la douleur physique ne suffisait pas, elles se heurtent à l’incompréhension de leur entourage familial et professionnel.
Témoignage de Stéphanie, atteinte d’endométriose.
Commentaires de l’association Endofrance
,

Stéphanie, 30 ans, préparatrice en pharmacie

Je travaille dans le domaine de la santé. Or il est difficile pour des patients de concevoir qu’un professionnel de la santé puisse être malade. Me voyant assise sur un haut tabouret, les patients se posent des questions et peuvent me mettre mal à l’aise avec certaines remarques ou questions comme : « Vous avez mal au dos ? ».
Oui, c’est très difficile de rester debout 8 heures durant pour une femme atteinte d’endométriose avec un kyste de l’ovaire de 7,5 cm. Je serre les dents chaque fois que j’ai mal, davantage en fin de journée. Malgré cela, je dois rester à l’écoute et conseiller au mieux les patients.
Comment adapter le poste d’une préparatrice qui consiste à faire de nombreuses fois par jour les 400 pas pour aller chercher une boîte de paracétamol ou le tube de crème qui se trouve au fond de la pharmacie. Comment porter des caisses pleines de médi- caments pour les ranger en rayon ?
Bien évidemment, l’incompatibilité entre ma pathologie et mon poste de travail engendre des arrêts de travail au moins une fois par mois. Mes absences perturbent le fonctionnement de la pharmacie et réduisent l’effectif du personnel, ce qui met mes employeurs dans l’embarras. Nombreuses sont les réflexions décourageantes auxquelles j’ai été confrontées au sein monde du travail : « Comment pouvez-vous être fatiguée, vous n’avez pas d’enfant ? » ou « Une fois opérée, ça ira mieux au travail ».
Est-il possible de concevoir un avenir professionnel adapté à notre pathologie à la fois invalidante et invisible ?

Commentaire de l’association EndoFrance

Extrait du livre Les Idées reçues sur l’endométriose, dirigé par Yasmine Candau (association EndoFrance et le Pr Charles Chapron (service de gynécologie-obstétrique, hôpital Cochin, Paris).
« Le témoignage de Stéphanie illustre ce que vit au quotidien la majorité des femmes atteintes d’endométriose. Elles apprennent à vivre en fonction de leur cycle et de leurs douleurs dans un contexte où les incapacités d’agir sont les principaux points de repère et deviennent des critères de décision.
Et comme si la douleur physique ne suffisait pas, elles se heurtent à l’incompréhension de l’entourage familial et professionnel. Le manque d’énergie, la fatigue, les douleurs jusqu’à l’évanouissement parfois, le fait de se sentir mieux en position couchée, les absences au lycée ou au travail, les rendez-vous médicaux qui s’enchaînent… comment peut-on croire une personne quand même le gynécologue de ville ou le médecin de famille ne trouvent rien ?
Comment ne pas cataloguer ces femmes qui ont une maladie que personne ne connaît, qui ne se voit pas ? Rares sont les employeurs, les collègues qui se montrent compréhensifs. Et quand bien même, la conjoncture économique ne laisse pas de place au sentimentalisme, nombreuses sont celles qui ne peuvent plus assurer des postes où il faut être debout souvent et/ou demandant des déplacements fréquents.
Si certaines peuvent stabiliser l’endométriose grâce à un traitement dont le dosage leur convient, d’autres n’auront pas cette chance et devront réduire leur temps de travail volontairement ou, d’arrêt en arrêt, verront une remplaçante arriver. Ainsi, à un moral en berne, s’ajoutent des soucis financiers. La maladie invisible isole. Même la famille ne comprend pas.

Un parcours du combattant

Pour toutes les femmes vivant avec l’endométriose, le parcours de soins est vécu comme semé d’embûches. Tout d’abord le doute des médecins qui ne connaissent pas la pathologie, les examens qui se succèdent, parfois humiliants car menés sans respect de la femme. Sans parler des examens « normaux » qui feront dire au médecin : « C’est dans votre tête, allez consulter ». Comment une douleur chronique, qui anéantit, plus forte qu’un accouchement sans péridurale peut-elle être psychique ? Au terme de plusieurs années d’errance médicale, certaines finiront par ne plus consulter et serrer les dents plus fort.

Une maladie d’acceptation

L’acceptation vient après le renoncement… bon nombre de femmes ont renoncé à tant de choses ! Renoncer à un poste à responsabilités, renoncer à un sport, renoncer à une vie sociale, renoncer à une relation de couple car le conjoint n’aura pas eu la force de rester, renoncer à être mère car la maladie a été diagnos- tiquée trop tardivement, renoncer à aimer ce corps qui fait mal, renoncer à cette taille de guêpe… alors pour ne pas renoncer à la vie, il faut accepter. Accepter d’être malade, accepter d’avoir moins de résistance physique, accepter la douleur comme compagne de route, accepter sa nouvelle image dans le miroir, accepter de perdre certains « amis » qui ne comprennent pas, accepter les chirurgies mutilantes et parfois multiples.
Quand enfin le diagnostic est posé, la femme atteinte d’endométriose est presque soulagée et se sent reconnue dans son statut de malade. « Ça n’était pas dans ma tête », m’a dit un jour une jeune femme en pleurant, à l’occasion d’un groupe de parole.
Pourtant, au regard de la société, cette maladie n’en est pas une : pas de reconnaissance « officielle » en tant que maladie chronique, des délais de rendez-vous avec les chirurgiens trop longs, pas assez de place en « centre d’évaluation et de traitement de la douleur », pas de prise en charge en affection de longue durée (ALD), au moins pour les cas sévères. Gardons à l’esprit que, dans ses formes les plus sévères, l’endométriose nécessite des gestes chirurgicaux identiques à ceux pratiqués dans le cadre du cancer colorectal. Elles ont souvent moins de 30 ans et apprennent la vie avec une stomie pendant plusieurs mois. D’autres moins chanceuses devront se sonder à vie car leur vessie aura été abîmée. Sans parler des cures de ménopause artificielle où l’on doit accepter de voir son humeur et son corps changer sous l’influence des hormones. Endo- métriose rime avec handicaps invisibles aux yeux de tous, mais c’est la triste réalité de beaucoup de femmes atteintes d’endométriose.
Ironie du sort, une reconnaissance de la maladie existe : quand une femme atteinte d’endométriose remplit un dossier d’assurance en vue de l’obtention d’un prêt bancaire, il est écrit noir sur blanc que l’assurance-crédit ne sera pas octroyée en cas de traitement ou de chirurgie pour endométriose ! »
* Idées reçues sur l’endométriose.
Une femme sur 10 est diagnostiquée atteinte d’endométriose. Pourtant on estime que la maladie concernerait 2 femmes sur 10, soit plus de 180 millions de femmes dans le monde.
Sur 10 femmes atteintes d’endométriose, 3 ou 4 souffriront d’infertilité.
La Fondation mondiale de recherche sur l’endométriose a publié en avril 2012 une étude indiquant que le coût moyen par femme et par année serait de 9 579 € (coûts directs relatifs aux soins : 3 113 €, et 6 298 € de perte de productivité pour l’employeur). Les coûts relatifs aux soins proviennent principalement de la chirurgie (29 %), d’examens (19 %), de l’hospitalisation (18 %) et des consultations (16 %). Si on évalue le coût par pays sur la base de 10 % de femmes en âge de procréer atteintes par la maladie, le coût total en France pourrait être évalué à près de 15 milliards d’euros pour une population estimée à 3 ou 6 millions de femmes touchées.
Bien que l’endométriose ne figure pas sur la liste des affections de longue durée (ALD) prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie, il est possible d’obtenir une reconnaissance selon certains critères spécifiques.
En effet, nombreuses sont les femmes qui obtiennent l’ALD
en fonction de leur dossier médical (parcours, suivi, chirurgie). C’est donc une demande individuelle à porter par la patiente elle-même avec l’appui de son médecin traitant.
Le médecin traitant et la médecine du travail sont des alliés pour la mise en place d’un dossier de demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) à envoyer à la maison départementale du handicap (MDPH).
Cette reconnaissance officielle permet d’ouvrir un dialogue avec l’employeur qui est tenu d’employer à plein temps ou à temps partiel des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l’effectif total de l’entreprise. Avec l’appui de la médecine du travail, elle peut conduire à un aménagement de poste. Une difficulté résiduelle demeure : cette incapacité réelle ne résultant pas d’un handicap visible, sa prise en compte par les collègues ou la hiérarchie n’est pas naturellement acquise.
* Idées reçues sur l’endométriose.
Encadre

L’endométriose en quelques chiffres

Une femme sur 10 est diagnostiquée atteinte d’endométriose. Pourtant on estime que la maladie concernerait 2 femmes sur 10, soit plus de 180 millions de femmes dans le monde.Sur 10 femmes atteintes d’endométriose, 3 ou 4 souffriront d’infertilité.La Fondation mondiale de recherche sur l’endométriose a publié en avril 2012 une étude indiquant que le coût moyen par femme et par année serait de 9 579 € (coûts directs relatifs aux soins : 3 113 €, et 6 298 € de perte de productivité pour l’employeur). Les coûts relatifs aux soins proviennent principalement de la chirurgie (29 %), d’examens (19 %), de l’hospitalisation (18 %) et des consultations (16 %). Si on évalue le coût par pays sur la base de 10 % de femmes en âge de procréer atteintes par la maladie, le coût total en France pourrait être évalué à près de 15 milliards d’euros pour une population estimée à 3 ou 6 millions de femmes touchées.

Encadre

Une voie de reconnaissance : la qualité de travailleur handicapé

Bien que l’endométriose ne figure pas sur la liste des affections de longue durée (ALD) prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie, il est possible d’obtenir une reconnaissance selon certains critères spécifiques. En effet, nombreuses sont les femmes qui obtiennent l’ALD en fonction de leur dossier médical (parcours, suivi, chirurgie). C’est donc une demande individuelle à porter par la patiente elle-même avec l’appui de son médecin traitant.Le médecin traitant et la médecine du travail sont des alliés pour la mise en place d’un dossier de demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) à envoyer à la maison départementale du handicap (MDPH). Cette reconnaissance officielle permet d’ouvrir un dialogue avec l’employeur qui est tenu d’employer à plein temps ou à temps partiel des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l’effectif total de l’entreprise. Avec l’appui de la médecine du travail, elle peut conduire à un aménagement de poste. Une difficulté résiduelle demeure : cette incapacité réelle ne résultant pas d’un handicap visible, sa prise en compte par les collègues ou la hiérarchie n’est pas naturellement acquise.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés