L’épilepsie est plurielle par ses formes et ses conséquences. De très nombreuses causes et la multiplicité des syndromes épileptiques font d’elle une maladie complexe. Elle touche de manière chronique 1 % de la population. Dans deux tiers des cas, elle peut être équilibrée par des traitements médicamenteux. La problématique est souvent celle d’un diagnostic tardif en raison de la non-identification des symptômes, parfois attribués à d’autres pathologies.

Témoignage de Jérémy, 36 ans

Mon épilepsie a débuté lorsque j’étais enfant, mais il a fallu presque quinze ans avant que le diagnostic ne soit établi. Durant ma scolarité au primaire, j’ai été considéré comme un enfant hyperactif. Mes parents ont consulté le médecin car l’enseignante se plaignait de mon comportement agité, qui perturbait la classe : je me levais à tout moment, je montais sur les tables… On m’a donné un traitement à base de plantes, qui n’a rien changé. Du plus loin que je me souvienne, c’est vers l’âge de 7 ou 8 ans que j’ai commencé à avoir de drôles d’impression de « déjà-vu » qui se répétaient plusieurs fois par jour, avec en même temps une boule à l’estomac et des nausées. J’en parlais avec mes mots d’enfant, et mon entourage me disait que ça arrivait à tout le monde de ressentir cela. À l’âge de 15 ans, j’ai perdu connaissance dans une boulangerie, sans raison apparente. On a pensé à un banal malaise, j’ai repris rapidement mes esprits et je suis rentré chez moi. Cela s’est reproduit plusieurs fois, jusqu’à ce qu’au cours d’un de ces « malaises », vers l’âge de 18 ans, je sois pris de convulsions et emmené aux urgences. C’était le ­lendemain d’une fête bien arrosée et je n’avais pas beaucoup dormi. Les médecins ont mis ça sur le compte de mes abus de la veille et m’ont fait la leçon. Mais cela s’est reproduit, sans aucune raison particulière. Il a fallu, « par chance » si l’on peut dire, qu’au cours d’une crise particulièrement violente, je me fracture une vertèbre pour qu’un neurochirurgien établisse le lien avec les épisodes précédents et me fasse décrire mes symptômes et mon ressenti. Il m’a alors orienté vers un neurologue. À partir de là, le diagnostic d’épilepsie est tombé, et on a su m’expliquer que j’en souffrais depuis des années sans qu’elle n’ait jamais été diagnostiquée auparavant.

Témoignage d’Angélique, 35 ans

Tout a commencé par des pertes de connaissance à l’adolescence, entre 14 et 16 ans. Le médecin disait que c’était de la spasmophilie. Avec la maternité, à l’âge de 25 ans, ces épisodes sont revenus, pluriquotidiens, avec des fourmillements, une impression de chaud et froid qui m’envahissait. Au début, le médecin a diagnostiqué des crises d’angoisse, puis une dépression. Il m’a prescrit des anxiolytiques, ce qui n’a rien réglé et a même amplifié les crises. Il a augmenté le dosage, ce qui m’a obligée à arrêter, contre mon gré, l’allaitement de ma fille. Le médecin m’a alors dit que ces « crises d’angoisse » étaient liées à un baby-blues. Emmenée aux urgences après une première crise tonicoclonique sur mon lieu de travail, j’ai passé un scanner et, le mois suivant, une première IRM, qui a confirmé le diag­nostic d’épilepsie. J’ai compris que j’avais vécu toutes ces années avec une épilepsie que j’ignorais totalement et les médecins aussi.
Commentaire du Pr Fabrice Bartolomei, neurologue et membre du conseil d’administration d’Épilepsie France
L’épilepsie est aujourd’hui la deuxième maladie neurologique chronique la plus fréquente, derrière la migraine, avec un nombre de patients diagnostiqués qui avoisine les 650 000 en France. Ce chiffre ne tient pas compte de tous ceux qui n’ont pas été dépistés, notamment en raison de symptômes moins évocateurs et beaucoup plus subtils que la classique crise convulsive. Comme il s’agit d’une pathologie qui touche le cerveau, elle s’accompagne souvent, de façon plus ou moins prononcée, d’autres signes d’atteinte cérébrale eux aussi très variables. L’épilepsie s’exprime sous des formes diverses et parfois complexes. Le diagnostic est ainsi fréquemment retardé. Certains symptômes sont attribués à d’autres pathologies : dépression, spasmophilie, maladie psychologique… et les patients reçoivent des traitements inappropriés, avec parfois pour conséquence d’exacerber leur épilepsie.
Contrairement aux idées reçues, les symptômes de l’épilepsie ne se résument pas à des crises généralisées avec perte de connaissance et convulsions.
Le cerveau – par analogie avec le cœur, dont le fonctionnement est bien sûr beaucoup plus simple – est un organe bioélectrique. Les épilepsies sont des maladies provoquées par une activité électrique anormale au niveau du cortex cérébral (dysrythmie cérébrale). Il existe des crises focales naissant d’une région corticale et des crises généra­lisées dont le départ est simultané aux deux hémisphères. Les causes et syndromes épileptiques sont différents dans ces deux types de crise.
Lors des crises, les rythmes électriques cérébraux deviennent anormaux, ce qui perturbe les fonctions cérébrales (la pensée, la conscience, la motricité, le langage, la mémoire, les perceptions sensorielles…) et fait apparaître des signes cliniques transitoires. Ainsi peut-on observer dans les crises focales et de façon transitoire des troubles subjectifs (ressentis par le patient comme des modifications émotionnelles, des troubles de la mémoire, des troubles de la perception comme des hallucinations) et des signes objectifs (observés par l’entourage), comme la perte de conscience, la chute, les signes moteurs, les activités automatiques… Les crises généralisées sont principalement des crises tonicocloniques (crises convulsives classiques), des absences épileptiques (rupture transitoire du contact avec l’entourage) et des crises myocloniques (caractérisées par des secousses musculaires involontaires).
Au quotidien, l’épilepsie s’accompagne de nombreuses répercussions : troubles de l’humeur, anxiété, troubles de la mémoire, difficultés d’apprentissage, troubles cognitifs, troubles du sommeil... avec un fort impact sur la qualité de vie du patient. Certaines formes d’épilepsie apparaissent à la période néonatale ou dans l’enfance, et certaines peuvent disparaître avec l’âge. D’autres ne surviennent qu’au cours de la vie adulte, avec un pic après 50 ans. Une majorité d’épilepsies perdure toute la vie du sujet. Elles constituent des maladies chroniques nécessitant une prise en charge au long cours avec une transition enfant-adulte structurée.
L’épilepsie bénéficie de nombreux traitements permettant dans la majorité des cas d’équilibrer la maladie. Les effets indésirables peuvent être difficiles à supporter, en particulier en polythérapie (fatigue, somnolence, problèmes d’élocution, dépression, gain ou perte de poids...). Dans un tiers des cas, les épilepsies ne répondent pas aux traitements médicamenteux et sont dites pharmacorésistantes. Le recours à la chirurgie est alors parfois possible, consistant en la localisation puis l’ablation de la zone épileptogène. Des techniques palliatives de neurostimulation peuvent également être utilisées, comme la stimulation du nerf vague. 

Encadre

En chiffres

On dénombre actuellement près de 50 syndromes épileptiques.

Environ 50 % des épilepsies débutent avant l’âge de 10 ans.

Les erreurs diagnostiques concernent environ 10 % de la population épileptique générale : crises non reconnues comme épileptiques, ou manifestations non épileptiques considérées à tort et traitées comme de l’épilepsie.

Le risque de mortalité est 2 à 3 fois supérieur à celui de la population générale.

La dépression touche 23 % des patients.

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Faire bouger les lignes

« La vie d’abord », devise d’Épilepsie France, association nationale des patients et des aidants, reflète le cœur de son action : se centrer sur le patient et l’amélioration de sa qualité de vie dans tous ses aspects (prise en charge médicale, insertion scolaire, professionnelle et sociale).

Son objectif est d’informer, accompagner, sensibiliser, défendre les droits des patients avec un réseau d’antennes en régions.

Association nationale de patients épileptiques reconnue d’utilité publique, Épilepsie France est agréée au titre de la représentation des usagers au sein des instances de santé depuis 2009. Elle est membre fondateur du Comité national de l’épilepsie (CNE), qui regroupe l’ensemble des acteurs de la communauté de l’épilepsie en France : associations, professionnels de santé, chercheurs, établissements et services médicosociaux.

Depuis octobre 2021, l’association a lancé un plan d’actions autour du slogan « L’épilepsie, parlons-en », avec une déclinaison de conférences à destination du grand public et de communications autour de six thèmes clés définis par les patients comme étant représentatifs de leurs principales préoccupations : diagnostic et parcours de soins ; scolarité ; emploi ; mobilité ; activités physiques et de loisirs ; isolement et liens sociaux.

Dans la continuité de ce plan d’action, un livre blanc de l’épilepsie, présenté officiellement lors du 2e Sommet national de l’épilepsie, le 25 novembre 2022, dresse un état des lieux des problématiques de l’épilepsie et présente des propositions de mesures concrètes pour améliorer la prise en charge globale de la maladie.

www.epilepsie-france.com/

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