une hypercholestérolémie familiale. Entre 225 000 et 270 000 personnes sont atteintes d’hypercholestérolémie familiale en France, dont 30 000 à 50 000 enfants. Sans prise en charge dès le plus jeune âge, le risque de maladie cardiovasculaire est très élevé. Tout l’enjeu est donc de dépister tôt pour traiter tôt et éviter la survenue d’événements cardiovasculaires précoces.
Témoignage de Véronique L., 59 ans
Dans ma famille, j’ai toujours entendu parler de cholestérol ; on considérait que ce n’était pas grave, qu’il fallait juste faire un régime alimentaire. Sachant qu’il y avait ce problème familial, j’ai été attentive dès que j’ai eu des enfants. J’ai quand même été surprise lorsque le pédiatre a découvert, chez deux de mes trois enfants, un taux élevé de cholestérol. Un traitement leur a été prescrit, mais il entraînait des effets indésirables assez lourds, ce qui nous a contraints à rechercher d’autres solutions thérapeutiques. J’ai donc interrogé plusieurs médecins, dont des cardiologues ; tous étaient assez désemparés face à cette situation. À l’adolescence de mes enfants, nous avons consulté un endocrinologue, qui a effectué une enquête familiale. C’est à ce moment-là que nous avons pris conscience que mes enfants souffraient d’hypercholestérolémie familiale (HF), une pathologie génétique, mais sans savoir, pour autant, qu’il y avait un risque mortel attaché à cette maladie. Puis mon fils a commencé des études de médecine. Il était tellement absorbé et stressé qu’il s’est mis à fumer et à considérer son traitement comme secondaire. Nous pensions qu’une fois le concours passé il reprendrait son traitement et arrêterait de fumer. Il a réussi son concours et passé ses vacances à faire de la randonnée. À son retour, il a eu des symptômes cardiovasculaires. Il s’est rendu à l’hôpital ; au regard de son jeune âge, une crise d’angoisse a été diagnostiquée, alors qu’il faisait une crise cardiaque. Cette erreur de diagnostic lui a été fatale quinze jours plus tard, le soir de sa rentrée en 2e année.
Dans notre famille, la prise de conscience des risques de l’HF a donc été très violente et a donné lieu à un dépistage général. Nous avions banalisé l’hypercholestérolémie. Dans la population générale, c’est toujours le cas aujourd’hui. Si je parle de cholestérol, on ne me prend pas au sérieux. En revanche, si je dis que j’ai perdu un enfant de 20 ans, alors là, on m’écoute.
Il y a toujours un immense besoin d’information des familles et de formation des médecins, que ce soient les pédiatres, les gynécologues (bilan lipidique des jeunes femmes avant la prise d’un contraceptif), les cardiologues et les médecins généralistes. Le réflexe du dépistage et la prise en charge des malades avec le bon traitement n’est pas acquis pour une grande partie du corps médical. Toutefois, le développement de nouveaux traitements a beaucoup fait progresser la prise en charge des malades. Et je déplore que l’accès à des solutions thérapeutiques comme les anti-PCSK9, reste encore restreint.*
Mais l’urgence reste le dépistage précoce : un enfant dépisté et bien traité a une espérance de vie comparable à celle de tout autre enfant.
Commentaire du Pr Sophie Béliard-Lasserre, endocrinologue, membre du conseil scientifique de l’ANHET.f
L’hypercholestérolémie familiale est l’une des maladies héréditaires autosomiques dominantes les plus fréquentes, avec une incidence de 1/311 dans sa forme hétérozygote et de 1/300 000 dans sa forme homozygote.1 Elle est caractérisée par des taux de cholestérol plasmatique élevés dès la naissance, entraînant une exposition des artères à l’hypercholestérolémie tout au long de la vie ; on parle du « fardeau du cholestérol » ou « cholesterol burden ».
La forme hétérozygote est associée à un risque de maladies coronariennes 13 fois plus élevé que dans la population générale, avec un âge de survenue des événements cardiovasculaires souvent deux décennies plus tôt, entre 40 et 50 ans. Le dépistage de l’hypercholestérolémie familiale associé à la mise en place d’un traitement dans l’enfance permet de prévenir ou de ralentir l’évolution de la maladie cardiovasculaire.2 Tout l’enjeu est de dépister tôt pour traiter tôt et éviter la survenue d’événements cardiovasculaires précoces. Le traitement hypolipémiant est simple et fait appel à des statines, toutes génériquées, peu coûteuses (moins de 4 euros/mois) et en général très bien tolérées. Malheureusement, cette pathologie est très largement sous-diagnostiquée, sous-traitée, méconnue du grand public comme des professionnels de santé.
Le retard thérapeutique est une réelle perte de chance pour ces patients, dont le risque de présenter un événement cardiovasculaire avant l’âge de 50 ans est de 50 % chez les hommes en l’absence de traitement, et de 30 % chez les femmes non traitées avant 60 ans. Le professionnel de santé doit penser à l’hypercholestérolémie familiale devant tout taux de LDL-cholestérol supérieur à 1,9 g/L associé à des antécédents familiaux d’hypercholestérolémie, d’autant plus s’il y a des antécédents cardiovasculaires précoces associés. Le diagnostic de certitude est apporté par le dépistage génétique, qui permet de mettre en évidence une mutation sur un des trois gènes impliqués dans le catabolisme du LDL-cholestérol (LDLR, APOB, PCSK9). Actuellement, le dépistage génétique ne peut être réalisé que dans un centre hospitalier universitaire (CHU).
La forme homozygote, plus rare mais plus sévère, répond mal aux traitements hypolipémiants usuels et est caractérisée par un risque majeur de maladies cardiovasculaires avant l’âge de 20 ans en l’absence de diagnostic précoce et de traitement approprié.3 Les patients sont généralement diagnostiqués entre 5 et 20 ans, souvent par le pédiatre et/ou le médecin traitant, sur des dépôts cutanés visibles de cholestérol (xanthomes), plus rarement devant une hypercholestérolémie sévère et connue des deux parents ou lors de la mort subite d’origine cardiaque d’un autre enfant non diagnostiqué. Le traitement comprend des séances de LDL-aphérèse à partir de l’âge de 5 ans (épuration extracorporelle des lipoparticules LDL durant trois à quatre heures, hebdomadaires ou tous les quinze jours) associées à des biothérapies. Ces séances de LDL-aphérèse sont très contraignantes pour les patients et nécessitent un aménagement du temps scolaire et/ou du temps de travail.
* NDLR : les indications de la biothérapie par anti PCSK9 concernent les patients dès l’âge de 10 ans avec hypercholestérolémie familiale hétérozygote ou homozygote, en 3e intention en complément des mesures hygiéno-diététiques et en association à un traitement oral hypolipémiant optimisé sous condition. Son initiation n’est possible que par un médecin cardiologue, endocrinologue, neurologue, vasculaire, interniste ; son renouvellement est possible par tout médecin. Le remboursement est soumis à l’accord préalable du service médical de l’Assurance Maladie.
Promouvoir un dépistage systématique dans l’enfance
Depuis dix ans, ANHET.f est la seule association française de patients atteints d’hypercholestérolémie familiale et de lipoprotéine(a). Indépendante, elle est gérée par des bénévoles concernés par ces pathologies génétiques et soutenue par un conseil scientifique composé d’experts bénévoles.
L’association a différentes missions :
– apporter une aide technique et morale aux familles confrontées à l’hypercholestérolémie familiale et la lipoprotéine(a) ;
– faire connaître et reconnaître ces deux maladies génétiques silencieuses ;
– communiquer sur l’évolution des connaissances scientifiques et de la recherche médicale ;
– informer le public, le corps médical et les autorités sanitaires sur les risques de ces deux pathologies pour faciliter et améliorer le diagnostic dès le plus jeune âge ;
– favoriser l’accès aux traitements adaptés à chacun.
Une journée annuelle permet des rencontres entre patients, et de nombreuses informations sont diffusées sur différents réseaux sociaux (Facebook : https://www.facebook.com/Association.Anhet.f ; Twitter : Anhet.f ; YouTube : Anhet.f).
Actuellement, le combat de l’association ANHET.f est d’alerter les pouvoirs publics sur l’enjeu de santé publique que représente l’hypercholestérolémie familiale, maladie asymptomatique totalement silencieuse jusqu’à la survenue d’un infarctus ou d’un accident vasculaire cérébral précoce ! Elle défend donc un dépistage systématique dès l’enfance.
1. Hu P, Dharmayat KI, Stevens CAT, Sharabiani MTA, Jones RS, Watts GF, et al. Prevalence of familial hypercholesterolemia among the general population and patients with atherosclerotic cardiovascular disease: A systematic review and meta-analysis. Circulation 2020;141(22):1742-59.
2. EAS Familial Hypercholesterolaemia Studies Collaboration (FHSC). Global perspective of familial hypercholesterolaemia: A cross-sectional study from the EAS Familial Hypercholesterolaemia Studies Collaboration (FHSC). Lancet 2021;398(10312):1713-25.
3. Tromp TR, Hartgers ML, Hovingh GK, Vallejo-Vaz AJ, Ray KK, Soran H, et al. Worldwide experience of homozygous familial hypercholesterolemia: Retrospective cohort study. Lancet 2022;399(10326):719-28.
site ANHET.f : https://www.anhet.fr/
site FH Europe : https://fheurope.org