une maladie de Lesch-Nyhan. Une maladie génétique du métabolisme des purines dont les symptômes principaux sont un taux d’acide urique très élevé, une dystonie extrême et une compulsion à l’automutilation.

Témoignage de Christine

Notre fils Arnaud, qui a aujour­d’hui 18 ans, est né avec une ma­ladie génétique rare, la maladie de Lesch-Nyhan. Cette maladie neuromus­culaire a une particularité qui oblige l’entourage à avoir sur l’enfant une attention de tous les instants : l’automutilation compulsive.La plupart des malades commencent à avoir ce genre de comportement à l’âge de 2 ou 3 ans. Ils se mordent les lèvres et/ou les doigts. Il est très déstabilisant pour les familles de se sentir impuissantes pour aider ces enfants. Heureusement, Arnaud a eu la chance d’être bien suivi dans un centre d’action médicosociale précoce, jusqu’à ses 3 ans, puis par un service d’éducation spécialisée et de soins à domicile en plus de l’école maternelle. Les ergothérapeutes nous ont aidés à trouver des systèmes de protection afin qu’il ne se fasse pas trop mal : des attelles de bras renforcées pour éviter qu’il plie les bras (il ne peut donc plus atteindre ses doigts), des gouttières au niveau des dents pour que les morsures soient moins profondes ; ces gouttières sont faites sur mesure en milieu hospitalier et le moulage doit parfois être fait sous anesthésie générale ! Certains enfants ne ­supportent pas ces gouttières et les parents sont alors obligés de prendre la terrible décision de faire extraire toutes les dents.
Les automutilations ne s’arrêtent pas là : il faut à tout prix éviter que des objets tranchants tombent sous leurs mains puisqu’ils vont s’en emparer pour se faire mal. De même, il faut être extrêmement vigilant au niveau des portes, que ce soit à l’intérieur de la maison ou dans la voiture car ils vont essayer de mettre leurs doigts dedans.
Au niveau du lit, ces patients doi­vent se sentir au maximum en ­sécurité afin de dormir paisiblement ; des barrières, des coussins doivent être disposés tout autour du lit afin d’éviter toute chute ou possibilité de se faire mal ; certains doivent même être sanglés pour se sentir en sécurité.
En fait, le jeune doit sans cesse être rassuré par des mesures de protection pour éviter de se faire du mal.
L’automutilation peut aussi se manifester différemment : si nous proposons à Arnaud d’aller dans un restaurant qu’il adore, au ­moment de partir il dit qu’il est trop fatigué et ne veut plus y aller ; ou il insulte copieusement son ­interlocuteur en choisissant son point faible afin de se faire punir, et cela peut aussi être assimilé à de l’automutilation.
Ces comportements qui peuvent faire peur ou rebuter ne sont absolument pas volontaires et il n’est pas toujours simple de l’expliquer aux personnes qui ne les connaissent pas.
Cette maladie se manifeste donc de façon très handicapante pour les personnes atteintes et cela contraint l’entourage à être très à l’écoute du moindre signe précurseur qui peut être différent suivant les personnes. Arnaud parle (ce qui n’est pas le cas de tous les malades) et il peut exprimer ses besoins et ses souffrances pour qu’on l’aide au mieux.

Commentaire de l’Association LNA

Le témoignage de la mère d’Arnaud met en valeur l’un des symptômes de la maladie de Lesch-Nyhan, l’automutilation. Ce symptôme n’est pas présent dans toutes les formes de la maladie et il n’apparaît pas tout de suite, cependant il permet souvent de remettre en question un diagnostic de paralysie cérébrale. Le diagnostic est alors orienté par une autre caractéristique de la ­maladie qui est un taux élevé d’acide urique ; ce taux devra être contrôlé par un médicament comme l’allopurinol pour diminuer le risque de formation de calculs.
Le symptôme neuromoteur prin­cipal est une dystonie extrême, avec impossibilité de se tenir assis ou debout tout seul, et donc de ­marcher. Pour la dystonie, des traitements sont proposés, avec des résultats très insuffisants : traitements médicamenteux, injection de toxine botulique, stimulation cérébrale profonde. Pour accompagner ces symptômes, les patients sont suivis en kinésithérapie, ­ergothérapie, psychomotricité et orthophonie.
Mais qu’en est-il des traitements pour l’automutilation ? Ils n’existent pas.
Pour empêcher le patient de se faire du mal physiquement, une présence constante à son côté est indispensable ; une présence « à portée de bras », car les patients sont très rapides dans leurs gestes : impossible de s´éloigner tant qu’ils ne sont pas entièrement protégés d’eux-mêmes par leurs gouttières, attèles, attaches, velcros et autres astuces souvent inventées par les familles. Les besoins varient beaucoup d’un enfant à l’autre et ils évoluent avec le temps ; les solutions sont souvent du « sur-mesure ».
Mais que faire pour les empêcher de se faire du mal par leurs comportements, comme de refuser le dessert préféré ou saboter une sortie très désirée ? Les familles sont encore plus démunies face à ces situations, qui sont d’autant plus compliquées que la plupart des enfants ne parlent pas et n’arrivent pas à exprimer « ce qui ne va pas » au ­moment de la crise.
Les familles et les différentes personnes qui entourent les enfants au quotidien ne savent comment réagir : doivent-elles céder, punir, distraire, ignorer ? Elles finissent par trouver des astuces toutes seules, en essayant intuitivement différentes réponses aux crises des enfants.
Elles auraient besoin de conseils professionnels, de la part de pédo­psychiatres, neuropédiatres, psychologues spécialistes du comportement ou neuropsychologues, des conseils fondés sur l’observation des situations qui déclenchent l’automutilation et les réponses possibles, car on ne sait pas encore expliquer le lien entre le défaut ­génétique et ces comportements.
Des études dans les domaines de la neuropsychiatrie pourraient-elles permettre de comprendre le mécanisme de ce symptôme comportemental et chercher des moyens de le contrôler ? 

Encadre

Maladie de Lesch-Nyhan

La maladie de Lesch-Nyhan est une maladie métabolique d’origine génétique qui fait partie des nombreuses maladies orphelines, méconnues et tardivement diagnostiquées. En France, environ 100 cas sont enregistrés. Elle est due à un déficit de l’hypoxanthine phosphoribosyl transférase (HPRT) qui intervient dans le métabolisme des purines. C’est une maladie récessive liée au chromosome X (sur lequel est localisé le gène HPRT). Seuls les garçons sont atteints par cette maladie, et les mères sont, le plus souvent, conductrices saines.

L’absence d’HPRT fonctionnelle favorise la formation d’acide urique qui précipite dans les reins (lithiase) et dans les articulations (goutte). Des troubles neurologiques de sévérité variée apparaissent dès la première année de vie. Les patients souffrent d’un handicap moteur important avec des mouvements anormaux (dystonie), des troubles du tonus (hypotonie axiale) ainsi que des troubles du comportement, sous forme d’auto-agressivité et d’automutilation compulsive survenant généralement après l’âge de 1 an.

Créée en 1995, l’association française Lesch-Nyhan Action Maladie Génétique (LNA) s’efforce d’apporter un soutien aux familles concernées par cette maladie. Sa mission principale est de dynamiser la recherche médicale qui est très rare et repose sur peu de spécialistes éparpillés dans le monde.

Plus d’informations sur : https://www.lesch-nyhan-action.org/

La maladie de Lesch-Nyhan est rattachée à la filière de Maladies rares G2M (maladies héréditaires du métabolisme). Celle-ci coordonne en France 7 centres de référence, 11 centres constitutifs et 47 centres de compétences. http://www.filiere-g2m.fr/filiere/

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