Témoignage de Thierry, 65 ans
Les jours passent. Toujours ces ballonnements et nausées. Un soir, il m’est difficile de dîner ; je ressens pour la première fois une contraction dans les intestins. Sujet aux prostatites, les symptômes sont ressemblants. Mais le lendemain, les choses « s’arrangent ».
Je débute une croisière le 19 juillet 2011 pour dix jours sur la mer Baltique. À peine arrivé sur le bateau, je ressens un spasme du côté gauche, accompagné de nausées. Mais cette fois-ci, rien ne s’améliore. Sans appétit, je finis par consulter le médecin de bord. Pas de fièvre, la tension est normale. Il redoute (plus pour lui que pour moi) une gastroentérite, drame sur un navire. Il souhaite me mettre en quarantaine dans ma chambre. J’y échappe ! Les symptômes se développent, faisant penser à une prostatite : tremblements, urines foncées. Je prends de l’ofloxacine, qui ne me quitte jamais ; il me semble y avoir un mieux, mais je reste toujours sans appétit.
De retour à la maison, je consulte le 2 août un médecin généraliste qui stoppe l’antibiotique et prescrit un examen de sang et une analyse d’urine sous dix jours. Le 5 août, en début d’après-midi, des tiraillements intestinaux insupportables m’incitent à appeler le 15 ; SOS Médecins intervient. Le médecin est dubitatif. En relation avec le médecin du SAMU, il conclut sur la possibilité d’une colite infectieuse. Les douleurs spontanées s’estompent, mais le ventre est très sensible à la moindre pression.
Le 10 août, je consulte de nouveau le médecin généraliste, qui me prescrit un scanner. Le résultat n’étant pas immédiat, il me rappelle le soir même pour me dire : « Ce que vous avez est grave ! Il s’agit d’une thrombose de la veine porte. Vous devez aller aux urgences de l’hôpital immédiatement. » Je ne sais pas si j’ai été traumatisé par l’annonce du diagnostic ou soulagé par le fait, qu’enfin, mon mal avait été identifié. J’étais sur des rails, ignorant à ce moment-là ma destinée.
Du 13 au 18 août, j’ai été hospitalisé et mis sous héparine. Et un matin, sans que je ne sache pourquoi, la vie est revenue ! J’avais faim ! Premier repas avec appétit depuis début juillet. J’avais perdu 10 kg.
Mis en relation avec le centre de référence des maladies vasculaires du foie de l’hôpital Beaujon, j’ai bénéficié d’examens méticuleux et d’explications utiles à la compréhension de ma maladie. Sous fluindione d’abord, l’étude RIPORT m’a permis de bénéficier d’un médicament de substitution : le rivaroxaban. Terminées les prises de sang à répétition pour contrôler l’INR (International Normalized Ratio) !
Néanmoins, en juin dernier, à la suite d’une chute à vélo ayant entraîné une fracture du col du fémur, j’ai pu en mesurer les inconvénients. Le médecin m’avait pourtant prévenu des effets indésirables sans que je ne les comprenne vraiment, mais j’ignorais qu’il me faudrait attendre trois longs jours avant de pouvoir être opéré de la hanche.
Commentaire du Dr Aurélie Plessier, présidente du conseil scientifique de l’AMVF
La route vers le diagnostic a été semée d’embûches. Les symptômes ont d’abord été déroutants, entraînant des consultations médicales multiples avant que le diagnostic ne soit finalement posé. Les maladies vasculaires du foie représentent un groupe de pathologies peu fréquentes et souvent méconnues, ce qui a rendu la recherche de réponses d’autant plus difficile pour Thierry.
Une maladie vasculaire du foie est une affection complexe touchant les vaisseaux sanguins du foie, engendrant divers symptômes tels que douleurs abdominales, fatigue chronique et complications hépatiques, dont certaines présentations sont une urgence vitale. Pour Thierry, l’annonce du diagnostic a déclenché de multiples émotions, de l’incertitude à la solitude, en passant par l’incompréhension. Face à une pathologie rare et peu médiatisée, le sentiment d’isolement est souvent une réalité pour les patients.
La vie quotidienne de Thierry a été profondément altérée. Les défis physiques auxquels il fait face au quotidien sont accompagnés d’une charge émotionnelle considérable. Les restrictions imposées par la maladie ont entraîné des changements majeurs dans sa vie, affectant ses activités sociales et professionnelles.
Dans cette quête pour trouver des réponses et de l’aide, Thierry a trouvé du soutien auprès de professionnels de santé experts dans ces pathologies. Cependant, il met également en lumière le besoin crucial d’améliorer la prise en charge des patients atteints de maladie vasculaire du foie. Le rôle du médecin dans ces circonstances est primordial, non seulement pour poser un diagnostic précis mais aussi pour accompagner le patient dans cette épreuve. Thierry souligne la nécessité d’une sensibilisation accrue à destination des praticiens afin d’améliorer le dépistage précoce et la prise en charge adéquate de ces maladies rares. Les maladies vasculaires du foie représentent un défi diagnostique complexe nécessitant une collaboration étroite entre divers spécialistes médicaux. Parmi eux, le radiologue joue un rôle essentiel dans l’identification des affections vasculaires et hépatiques, le plus souvent au départ, avec l’interprétation objective d’un scanner abdominal. Son interprétation minutieuse des images est cruciale pour un diagnostic précis.
Les maladies vasculaires du foie sont souvent caractérisées par des douleurs abdominales intenses, récurrentes et associées à un syndrome inflammatoire marqué. Par ailleurs, si le patient est atteint d’une maladie prothrombotique, il faut savoir y penser. Le rôle du médecin traitant dans l’étape initiale est capital, car il est souvent le premier à interagir avec les patients. L’intensité des douleurs récurrentes, un syndrome inflammatoire associé, des tests hépatiques perturbés sont autant d’éléments clés devant orienter vers des investigations plus approfondies en urgence, comme la réalisation d’un scanner abdominal. Afin d’optimiser les chances de diagnostic, le radiologue doit être informé des symptômes exacts du patient et, dans la mesure du possible, de ce qu’on recherche. D’où l’importance d’une communication précise entre les professionnels de santé qui demandent l’examen et les radiologues, permettant d’établir un diagnostic tôt dans la maladie et de limiter les examens redondants.
En cas de suspicion de thrombose vasculaire hépatique, le démarrage en urgence d’un traitement anticoagulant est indispensable, idéalement dans les vingt-quatre heures suivant les premiers symptômes. Si ce traitement s’avère inefficace, des alternatives thérapeutiques comme la recanalisation des vaisseaux par voie radiologique doivent être envisagées dans des centres spécialisés. Une transmission précoce des informations médicales vers ces centres experts est capitale pour établir un diagnostic précis et un traitement adapté.
De surcroît, il est décisif d’identifier et de traiter la cause sous-jacente de la thrombose. C’est là que l’intervention multidisciplinaire entre en jeu, avec l’aide des centres de référence et du réseau français des maladies vasculaires du foie. Une collaboration entre les médecins généralistes, les radiologues et les spécialistes permet ainsi une meilleure compréhension de la maladie et une prise en charge adaptée à chaque patient.
Le rôle du centre de référence est quadruple : diffuser des documents de formation et d’information sur ces pathologies ; répondre à la demande du patient ou du médecin et identifier l’urgence de la prise en charge ; coordonner rapidement cette prise en charge si celle-ci est urgente, ou s’assurer que celle-ci va être faite de façon exhaustive dans un deuxième temps, afin d’informer le patient et son entourage et reformuler l’annonce du diagnostic - en apportant les précisions nécessaires et en englobant la vie du patient ; mettre tout en œuvre pour que le patient apprenne à vivre avec sa maladie.
La collaboration avec l’association de patients est particulièrement pertinente dans cette partie du processus.
En résumé, le diagnostic précoce des maladies vasculaires du foie repose sur la vigilance des médecins généralistes face à l’intensité des douleurs, à leur récurrence et à tout syndrome inflammatoire associé. Une collaboration étroite avec les spécialistes, notamment les radiologues, permet d’optimiser le parcours de soins des patients, en démarrant rapidement un traitement adapté et en les orientant vers des centres experts référents, pour une prise en charge complète et efficace.
Informer patients et médecins
L’objectif premier de l’Association des malades des vaisseaux du foie (AMVF) étant de sortir les patients de leur désarroi et de leur isolement, sa mission est aussi d’informer le « premier maillon de la chaîne », c’est-à-dire le médecin.
L’errance diagnostique est un point majeur dans le mal-être du patient, et l’annonce du diagnostic arrive comme une bombe dans sa vie, souvent tardivement.
Le site internet de l’association (https://www.amvf.asso.fr/) propose un descriptif des pathologies, et des documents rédigés par des hépatologues spécialistes de ces maladies apportent des informations précises et fiables.
En lien avec le Centre de référence des maladies vasculaires du foie (CRMVF), l’AMVF a mis en place des ateliers « annonce du diagnostic » et réalisé une vidéo pour sensibiliser les étudiants, les externes et les internes à cette étape primordiale.
Par ailleurs, le jeu « Il était une foie », disponible sur Apple et Android, permet de répondre à cinquante questions sur le rôle du foie et l’équilibre des anticoagulants.
En chiffres
30 pathologies différentes dans les maladies des vaisseaux du foie.
34 centres experts répartis sur tout le territoire et en Guadeloupe : 1 centre de référence (hôpital Beaujon), 1 centre de référence constitutif pédiatrie (Le Kremlin-Bicêtre), 1 centre de référence constitutif pédiatrie et adulte (Tours) et 31 centres de compétences (Amiens, Angers, hôpital Avicenne, Besançon, Bordeaux, Brest, Caen, Clermont-Ferrand, hôpital Cochin, Dijon, Grenoble, Pointe-à-Pitre, hôpital Henri-Mondor, Lille, Limoges, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Orléans, hôpital Paul-Brousse, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Poitiers, Reims, Rennes, Rouen, hôpital Saint-Antoine, hôpital Saint-Louis, Strasbourg, Toulouse).
1 permanence mensuelle à l’hôpital Beaujon et 1 permanence annuelle dans quelques centres en province pour être à l’écoute des patients et de leurs proches.
5 correspondantes téléphoniques régionales pour plus de proximité.
Filière des maladies du foie : www.filfoie.com
Portail des maladies rares et des médicaments orphelins : www.orpha.net
Portail du centre de référence des maladies vasculaires du foie de l’hôpital Beaujon et des centres constitutifs et de compétence : https://hopital-beaujon.aphp.fr/centre-de-reference-des-maladies-vasculaires-du-foie/