Son diagnostic chez un adolescent le laisse profondément démuni, comme toute sa famille. Un isolement qui doit être brisé par une communication spécifique.

Témoignage de Bastien, adolescent

Lorsque l’on m’a annoncé cette maladie, j’avais 11 ans et je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait. Je me suis demandé ce qui allait se passer. Pourquoi moi ? J’étais très abattu. Le chemin avait été long avant que le diagnostic soit posé, je suis passé par plusieurs médecins et ce n’est qu’à l’hôpital, à côté de chez moi, que l’on m’a parlé de la maladie de Crohn. Je ne connaissais pas du tout cette maladie, alors cela a été une véritable découverte.
Mon caractère a changé.Moi qui était si jovial et plein d’entrain, j’ai perdu une partie de cette joie même si j’ai fini par accepter ma maladie. J’ai appris à vivre avec. Heureusement, j’ai pu mener à bien mes études et pratiquer les sports que je voulais malgré mon état de fatigue et les douleurs abdominales. Les sorties entre copains ont été plus difficiles à gérer à cause de mon régime alimentaire et de mes crises. Concernant les voyages, j’ai rarement eu des soucis, mais il faut bien s’organiser en amont. La fatigue est le principal frein, mais elle ne m’a jamais empêché de voyager ; sauf une fois, un voyage scolaire en Italie auquel je n’ai pas pu participer à cause de mon régime alimentaire très particulier de l’époque (complément alimentaire sous forme de poudre).
Les crises me mènent à l’hôpital.Mes symptômes étaient surtout des douleurs abdominales lancinantes, une fatigue quasi constante et des selles très odorantes. Maintenant je n’ai que rarement des douleurs au ventre mais mon ventre gargouille souvent. Lorsque je fais une crise, je suis encore plus fatigué, mes difficultés pour manger augmentent et je vomis tous les jours. Je finis par être cloué au lit ou dans le canapé, en partie déshydraté... Lorsque je ne tiens plus, je vais à l’hôpital.
J’ai eu la chance d’avoir une famille et des amis très compréhensifs.Ils m’ont toujours soutenu et aidé lorsque ça n’allait pas. Je pense qu’une partie de mon entourage voit la maladie telle qu’elle est, à savoir quelque chose d’handicapant et qui a des répercussions sur la vie quotidienne, même si grâce au traitement je peux faire à peu près tout ce que je veux. Mais d’autres pensent probablement que ce n’est pas si terrible que ça. D’abord parce que c’est une maladie qui ne se voit pas et ensuite parce que je ne suis pas du genre à me plaindre à longueur de temps. Je garde mes difficultés pour moi pour ne pas inquiéter mon entourage et ne pas m’apitoyer sur mon sort. Grâce au traitement je peux faire à peu près tout ce que je veux, mais je dois me rendre plusieurs heures à l’hôpital tous les deux mois pour mon traitement.
Lors du diagnostic, on se sent démuni et incompris (malgré tout le soutien de nos proches). Je pense que le meilleur conseil que je puisse donner est de contacter l’afa Crohn RCH France pour trouver les réponses à toutes les questions qui nous viennent à l’esprit, ouvertement et sans tabous.
 

COMMENTAIRES DU Pr Xavier Hébuterne

C’est à l’âge de 11 ans que la maladie de Crohn a été diagnostiquée chez le jeune Bastien. C’est assez rare, cela arrive plus souvent chez les adultes de 18-25 ans. Il est toujours délicat d’annoncer une maladie aux patients même si pour les mineurs c’est différent. Tout d’abord les parents sont présents, ce qui représente un véritable soutien. Ensuite il existe 3 étapes :
– informer ; il est indispensable d’expliquer au patient les particularités de cette maladie et la bonne démarche à suivre. Des effets aux risques en passant par l’alimentation, tous les sujets doivent être abordés afin de l’éclairer au maximum ;
– écouter ; pour comprendre cette maladie, le patient a besoin de se renseigner, c’est à ce moment que nous leur demandons de nous poser toutes les questions souhaitées. Elles peuvent être classiques comme très originales, tout dépend du patient ;
– patienter ; il arrive qu’à cet âge-là on ne réalise pas trop ce qui se passe, alors nous proposons aux patients d’attendre quelques semaines pour accepter la maladie avant de commencer le traitement.
Chez les jeunes malades les questions qui reviennent le plus au moment du diagnostic sont : pourquoi suis-je fatigué ? comment calmer mes crises ? que puis-je faire et ne pas faire ?

Des symptômes parfois occultés… par pudeur

Bastien a vu plusieurs médecins avant que le diagnostic de la maladie soit posé. Mais le diagnostic prend de moins en moins de temps à être établi. En effet, dès qu’un patient a des symptômes évocateurs (diarrhée chronique, sang dans les selles, douleurs abdominales, perte de poids anormale), son médecin traitant l’adresse au gastro-entérologue qui fait rapidement le diagnostic. Mais il arrive parfois que les jeunes patients ne révèlent pas tout de suite leurs symptômes, souvent par pudeur, ce qui retarde le diagnostic. En effet, les MICI restent un sujet tabou ; il est difficile d’en parler parce qu’elles touchent principalement l’évacuation.

Vivre le plus normalement possible

Bastien confie ne plus être aussi jovial qu’auparavant à cause de sa maladie. Mais il a compris que le but est de vivre le plus normalement possible. Inutile de se priver, l’idée est de s’organiser. Pour anecdote, j’avais une patiente qui rêvait d’aller étudier au Canada mais suite à la maladie les parents ont craint le pire… Elle y est quand même allée et aujourd’hui c’est une personne épanouie. Le meilleur conseil à donner à des jeunes patients récemment diagnostiqués est qu’il est important d’aller se renseigner auprès d’un spécialiste afin de trouver le traitement adapté. L’isolement n’est pas la solution pour un adolescent car tout l’avenir est encore devant lui. La web-série « MICI : mode d’emploi » lancée récemment par l’afa Crohn RCH France et AbbVie (v. encadré) est un bon moyen de parler aux adolescents. Elle est intéressante et drôle, et ce sont des jeunes qui parlent aux jeunes, ce qui permet aux adolescents de s’identifier et par conséquent de se sentir moins seuls.
 

Encadre

Une web-série « MICI : mode d’emploi »

Les MICI sont considérées depuis longtemps comme des maladies de sujets jeunes, et le constat est que les diagnostics surviennent de plus en plus désormais dès l’enfance. L’afa Crohn RCH France a donc développé des actions d’accompagnement destinées aux familles pour reconquérir une stratégie positive d’avenir alors que la maladie chronique pèse sur chacun de ses membres, les parents, l’adolescent, mais aussi la fratrie.Un stage estival de 8 jours permet ainsi aux adolescents de rencontrer d’autres jeunes et de bénéficier d’ateliers pour « apprendre » sa maladie, l’accepter, en parler, se nourrir, faire des projets d’avenir. Des journées dédiées aux parents et un week-end aux familles sont organisés dans toute la France. Leur but : poser toutes les questions à des spécialistes et rencontrer d’autres familles. Notre objectif : ne pas rester seul et, par l’échange et la compréhension de la maladie, reconstruire une vie la plus normale possible. C’est le message positif que nous essayons de faire passer tant aux adolescents qu’à leur famille également avec cette communication spécifique.L’afa Crohn RCH France, en partenariat avec AbbVie, vient de lancer la deuxième session de la web-série destinée aux adolescents, « MICI : mode d’emploi » ; les 11 vidéos de la première saison sont disponibles sur YouTube. Le jeune Bastien (voir son témoignage) trouve que cette web-série est un bon moyen de sensibilisation. Son format est dans l’air du temps et son contenu permet de vulgariser le quotidien de notre maladie tout en restant positif. C’est bien ! 

http ://bit.ly/2DcU7YP

Encadre

Le programme EDU Mici pédiatrie est un programme national d’éducation thérapeutique destiné aux enfants et aux adolescents atteints d’une maladie de Crohn ou d’une rectocolite hémorragique. Il été élaboré par le groupe d’Étude Thérapeutique des Affections Inflammatoires du Tube Digestif en collaboration avec l’afa Crohn CRH France. L’objectif de ce programme est triple : améliorer la prise en charge des jeunes patients, améliorer leur autonomie, et leur qualité de vie. Pour permettre aux jeunes patients, enfants ou adolescents, de mieux connaitre et comprendre leur maladie et son traitement, le programme est fondé sur une intervention éducative modélisée avec utilisation d’un outil interactif adapté à l’âge de l’enfant. Il est également destiné aux parents.

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