Témoignage de Cécile, 34 ans
Dans mon cas, les muscles les plus touchés étaient les muscles fessiers, entraînant d’importantes difficultés à la marche. J’ai également eu des chutes de paupières, des fausses routes mais aussi des symptômes plus étonnants, comme des difficultés à assourdir les sons. Le symptôme principal restait un état d’épuisement général important.
On m’a alors orientée vers l’Institut de myologie de la Pitié-Salpêtrière. Le premier neurologue m’avait prescrit un anticholinestérasique. Il s’agit de comprimés à prendre toutes les quatre heures pour relancer la jonction neuromusculaire. J’étais à la dose maximale et c’était bien insuffisant. Le diagnostic a été confirmé devant le tableau clinique, malgré l’absence d’anticorps aux tests sanguins : il s’agissait d’une myasthénie séronégative.
Le traitement de seconde intention par corticoïdes a alors débuté. J’ai dû être de nouveau hospitalisée, car leur introduction peut temporairement aggraver les symptômes, jusqu’à amener le patient en réanimation. Entre l’anticholinestérasique, la cortisone et tous les médicaments pour contrer les effets négatifs de la cortisone, je prenais jusqu’à quinze comprimés par jour et devais manger sans sel et sans sucre. Je devais, malgré tout, faire sans arrêt attention à ménager mon effort et surveiller ma montre, pour savoir à quelle heure reprendre mon anticholinestérasique. En effet, en cas de surdosage, une crise cholinergique peut survenir ; elle se manifeste par des diarrhées, des vomissements, voire une insuffisance respiratoire.
La myasthénie demande un état constant d’adaptation, d’évaluation et de compromis dans toutes les sphères de la vie. Il faut savoir gérer sa fatigue en fonction de ce qui est prévu dans la journée, alors même que les symptômes ont un caractère fluctuant et imprévisible.
Le professeur qui me suivait à la Salpêtrière m’a ensuite proposé une thymectomie : le scanner thoracique avait révélé chez moi un thymus hyperplasique. Il m’a expliqué que l’opération aurait 50 % de chances d’améliorer les symptômes mais il ne pouvait m’assurer qu’elle aurait une utilité.
Opérée, diplômée, je suis allée « me refaire une santé » chez mes parents durant une année. Mon premier poste d’orthophoniste était un remplacement à mi-temps. Je ne faisais rien d’autre, assistée par mes parents, je reprenais des forces. J’ai repris une activité physique douce, l’aquagym, après deux années de faiblesse extrême. À la fin de l’année, j’ai réussi à courir cinq minutes et j’en ai pleuré de joie. La maladie commençait à devenir un mauvais souvenir. Un an après la thymectomie, je n’avais plus de symptôme. Deux ans après, j’arrêtais tout traitement.
Depuis dix ans, je suis en rémission complète et je profite pleinement de mes capacités recouvrées en m’estimant chanceuse. La seule restriction qu’il me reste concerne les vaccins vivants. La thymectomie est une contre-indication formelle à l’administration du vaccin contre la fièvre jaune.
Commentaire du Dr Emmanuelle Salort-Campana, neurologue
La prévalence de la maladie en France est estimée à environ 40 000 patients (chiffres issus de la filière Filnemus). Toutes les situations sont différentes et il existe maintenant de nouveaux traitements qui limitent le handicap. Les évolutions depuis dix ans sont considérables, avec des médicaments disponibles en accès précoce pour les myasthénies séropositives.
La myasthénie est une maladie auto-immune qui peut survenir à tous les âges, avec un pic chez la femme jeune et chez l’homme âgé. Les études épidémiologiques récentes montrent une augmentation du nombre de sujets atteints après la soixantaine. Cette pathologie peut être associée à d’autres affections auto-immunes comme la dysthyroïdie. La myasthénie est par ailleurs fréquemment associée à des pathologies thymiques (hyperplasie, thymome). Celles-ci doivent être recherchées systématiquement pour évaluer le bénéfice potentiel d’une thymectomie.
En médecine générale, certains signes doivent faire évoquer le diagnostic :
– une atteinte des muscles oculaires (ptosis et/ou diplopie), fluctuant dans le temps et à bascule (signe d’appel le plus fréquent) ;
– des troubles des muscles d’innervation bulbaire fluctuants (dysphonie, dysphagie ou troubles de la mastication) ;
– une fatigabilité des quatre mem-bres, au niveau proximal ;
– une atteinte respiratoire, qui constitue un signe de gravité.
L’évolution dépend du type de myasthénie (généralisée [atteinte de tous les muscles d’innervation volontaire] ou oculaire), de l’association à une pathologie thymique ou non, du type d’auto-anticorps associé. Elle est très variable selon les patients. Un passage en réanimation en début de maladie ne présage en rien de son évolution.
La prise en charge est triple :
– le traitement symptomatique par anticholinestérasique. Pour certains patients, il peut être suffisant ;
– le traitement de fond comprend corticoïdes et immunosuppresseurs. Selon les cas, une thymectomie peut être proposée ;
– le traitement des crises myasthéniques ou des poussées repose sur l’administration d’immunoglobulines ou des échanges plasmatiques.
De nouveaux médicaments sont actuellement testés ou sont déjà disponibles en accès précoce ou compassionnel. Les deux nouvelles classes principales sont les anti-compléments et les anti-récepteur néonatal Fc (FcRn). Toutefois, leur place exacte dans la stratégie thérapeutique reste à définir.
En France, il existe des centres de référence et de compétence spécialisés dans les maladies neuromusculaires telles que la myasthénie depuis 2004, animés sous l’égide de la filière maladies rares Filnemus, qui regroupe tous les acteurs de la prise en charge des patients (spécialistes, chercheurs, associations de patients, laboratoires...).
Le médecin généraliste qui reçoit un patient myasthénique doit savoir que certains médicaments sont formellement contre-indiqués car ils peuvent déclencher une crise ; ils sont répertoriés dans le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) de la myasthénie auto-immune. Outre certains médicaments, une anesthésie générale ou une infection peuvent faire décompenser le patient, qui doit impérativement être adressé au neurologue. Il est également important de garder à l’esprit qu’en cas de crise une augmentation importante des doses de corticoïdes peut conduire à une aggravation paradoxale.
Chaque patient devrait être muni de la carte d’urgence « myasthénie », qui permet de guider les médecins consultés, notamment sur les contre-indications médicamenteuses.
Un groupe Myasthénie au sein d’AFM Téléthon
Neuf groupes d’intérêt sont constitués au sein de l’AFM-Téléthon. Ils sont organisés autour d’une maladie ou d’un groupe de maladies (myopathies de Duchenne et de Becker, amyotrophies spinales, myasthénies, dystrophie myotonique de Steinert, dystrophies musculaires congénitales, dystrophie facio-scapulo-humérale, maladies neuromusculaires non diagnostiquées, myopathies inflammatoires, myopathies des ceintures). Ils rassemblent des personnes qui ont des préoccupations similaires et ont développé une expertise sur la maladie qu’elles partagent avec les familles et qu’elles confrontent aux médecins et scientifiques afin de progresser dans la prise en charge médicale et la mise au point de traitements.
L’AFM-Téléthon est une association de malades et de parents de malades qui mène un combat contre des maladies génétiques, rares, évolutives et lourdement invalidantes.
Synthèse pour le médecin traitant (https://vu.fr/fPGk).
Filnemus (https://www.filnemus.fr/) : le site recense tous les centres de référence.
myasthenies.afm-telethon.fr
www.myasthenie.fr
www.institut-myologie.org