Témoignage d’Aline, mère de Samuel, 9 ans
Le plus difficile à vivre dans cette maladie, pour notre fils comme pour nous, est l’incertitude totale quant à l’évolution des symptômes. Les informations que nous avons pu trouver, notamment sur le site de l’Association neurofibromatoses et Recklinghausen A.N.R., quant aux complications possibles, avec des statistiques, nous ont permis de mieux appréhender la maladie – en faisant le choix de la confiance en l’avenir – et de vivre chaque chose l’une après l’autre.
Notre fils a tout d’abord eu un développement normal. À 3 ans, des problèmes de vision ont été détectés par son pédiatre. C’est à 4 ans qu’il a été pris en charge par une neuropédiatre spécialisée dans la NF1. Celle-ci a observé un défaut d’articulation et un manque d’équilibre, et prescrit un suivi en orthophonie et en psychomotricité. Elle a aussi demandé une imagerie par résonance magnétique (IRM), qui a révélé un gliome des nerfs optiques.
Le suivi par IRM tous les six mois mis en place dès lors a permis de détecter le développement d’une tumeur du tronc cérébral (astrocytome pilocytique) avant ses 5 ans, avant même qu’elle soit symptomatique, et de l’opérer dès les premiers signes cliniques. Néanmoins, une hypertension intracrânienne avant l’opération a abîmé les nerfs optiques et causé une déficience visuelle.
Après une exérèse incomplète puis une chimiothérapie de dix-huit mois, une rééducation en kinésithérapie et en orthophonie, notre fils a pu retrouver une vie plus tranquille.
Mais avant ses 9 ans, en même temps que commençait sa puberté précoce, une récidive du gliome des nerfs optiques a causé une hydrocéphalie aiguë et nécessité une hospitalisation en urgence pour pose d’une dérivation ventriculo-péritonéale. Le gliome est traité par une thérapie ciblée, qui est encore en cours d’ajustement.
Aujourd’hui, notre fils est scolarisé en « milieu ordinaire », en CM1, sans difficulté d’apprentissage. Il ne va à l’école que le matin car il a besoin d’une sieste quotidienne. Un téléagrandisseur et un ordinateur lui sont fournis par l’Éducation nationale. Il bénéficie de nombreuses rééducations et suivis.
Le principal défi pour nous est d’organiser les rendez-vous médicaux et paramédicaux afin que notre fils puisse vivre une enfance la plus normale possible, en prenant en compte sa fatigue.
Après la première opération, il y a quatre ans, nous avons décidé de rejoindre l’ANR, afin que notre fils puisse rencontrer d’autres enfants atteints de NF1. Les week-ends La Ribambelle, auxquels sont invitées les familles concernées, nous font énormément de bien à tous. Notre fils peut parler de son quotidien avec des copains qui vivent la même chose, il voit des plus grands qui construisent leur vie malgré la maladie. Ses frère et sœur, aussi, rencontrent d’autres fratries qui vivent avec la NF1 d’un enfant. Et nous, parents, sommes portés par le soutien et la chaleur humaine partagés avec les autres familles rencontrées. Et nous sommes très reconnaissants envers le corps médical pour tout son travail et sa réactivité dans les moments d’urgence.
Commentaire de Jean-Michel Dubois, président de l’A.N.R.
De plus, cela permet de développer des actions et de trouver des moyens pour « vivre mieux » avec la maladie, de partager vécu, réflexions et propositions constructives aux médecins référents...
Il est important d’être dirigé vers un centre expert compétent afin d’assurer un suivi adapté. Tisser du lien entre parents, jeunes, enfants… et nous soutenir mutuellement pour faire face est notre mission première. Plutôt que de subir seul la maladie, nous avons choisi de l’affronter ensemble.
Commentaire du Dr Laura Fertitta, dermatologue
On distingue deux situations. Dans la première (la moitié des cas), un des parents est atteint par la pathologie, le diagnostic est alors plus aisé et précoce chez l’enfant, car recherché. En revanche, quand la pathologie apparaît pour la première fois chez l’enfant (forme sporadique avec mutation dite de novo), avec deux parents indemnes, le diagnostic et son annonce sont plus difficiles et parfois retardés.
Samuel souffre de nombreuses complications – un gliome du nerf optique puis une tumeur du tronc cérébral –, ce qui n’est pas la situation la plus fréquente. En effet, les tumeurs du tronc cérébral ne surviennent que dans environ 1 à 3 % des cas.
Le gliome du nerf optique doit, lui, être dépisté dès le plus jeune âge par des examens ophtalmologiques précoces et rapprochés dans la petite enfance, auxquels s’ajoute parfois une imagerie par résonance magnétique (IRM). Ensuite, chez l’adulte et en l’absence de gliome, le suivi ophtalmologique est beaucoup moins rapproché et similaire à celui préconisé dans la population générale. Si environ 20 % des enfants ont un gliome des nerfs optiques à l’IRM lorsqu’elle est systématiquement réalisée, ils ne sont traités que dans 1 à 8 % des cas, lorsque des complications y sont associées (anomalies de la vision, etc.).
Les difficultés d’apprentissage, fréquentes, sont la deuxième complication à détecter chez l’enfant ; elles sont de degrés très variables et leur impact sur le quotidien peut être plus (retard mental) ou moins (difficultés de concentration, dyslexie, dyscalculie...) important. De nombreuses aides sont alors nécessaires, d’où l’importance de poser le diagnostic précocement. Elles sont primordiales pour assurer la poursuite de la scolarité : orthophonie, psychomotricité, ergothérapie, auxiliaire de vie scolaire (AVS)...
Comme le souligne Aline, organiser tous ces rendez-vous de prise en charge demande beaucoup d’énergie aux parents. Les associations de patients et de familles peuvent les accompagner dans ces démarches.
Dans les maladies génétiques, se pose inévitablement la question de la transmission à la descendance. La NF1 est une maladie à transmission autosomique dominante. Les individus atteints de NF1 souhaitant avoir un enfant peuvent bénéficier d’une consultation de conseil génétique permettant d’identifier la mutation sur le gène NF1 et d’estimer le risque de transmission. Il est alors possible de proposer un diagnostic anténatal.
Deux possibilités s’offrent aux futurs parents. Un diagnostic prénatal peut être réalisé, très précocement dans la grossesse, et une interruption médicale de grossesse (IMG) est proposée en cas de mutation retrouvée chez le fœtus. Un diagnostic préimplantatoire peut être réalisé dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP) avec fécondation in vitro (FIV). Si cette seconde possibilité évite une éventuelle IMG, elle consiste toutefois en un long parcours comportant un taux non négligeable d’échecs. Ces techniques, utilisées maintenant en routine, constituent des moyens fiables sur lesquels les patients peuvent compter s’ils souhaitent ne pas transmettre la NF1 à leur descendance.
Le suivi et l’évolution de la NF1 sont chargés de stress et d’émotions pour les parents et le patient, en particulier en raison de l’imprévisibilité de la maladie et du fait qu’il n’existe pas de traitement curatif. Les neurofibromes cutanés sont traités par laser ou chirurgie, les autres complications au cas par cas.
Cependant, depuis 2022, le sélumétinib a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’indication de traitement du neurofibrome plexiforme symptomatique inopérable, chez l’enfant atteint de NF1 à partir de 3 ans. Il s’agit d’un inhibiteur sélectif des protéines kinases MAPKK (mitogen-activated protein kinase kinase) 1 et 2. Les études ont démontré son efficacité significative sur la réduction du volume tumoral et l’amélioration de la qualité de vie. Nous manquons encore de recul sur son utilisation en pratique courante.
Le principal risque à long terme pour les personnes atteintes de NF1 est le développement de cancers. Le suivi est ainsi orienté, et le dépistage est devenu la règle pour certains cancers, comme celui du sein chez la femme de plus de 30 ans. Une visite régulière en centre expert est préconisée. Sa fréquence dépend de l’état de santé du patient. Un suivi de proximité et du quotidien est assuré par le médecin traitant (pédiatre ou généraliste) avec des échanges réguliers avec le centre expert.
Journées annuelles de partage autour des neurofibromatoses
L’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen (A.N.R.), créée en 1986, compte environ mille adhérents en France métropolitaine et d’outremer. Elle est reconnue d’utilité publique par décret du 3 mai 2004. Elle s’appuie sur un fonctionnement entièrement bénévole.
Elle a pour buts d’écouter les malades et leurs proches ; de les orienter vers les équipes médicales adéquates ; de les informer sur les derniers développements de la recherche ; de diffuser de l’information vers le monde médical, paramédical et vers le grand public ; de récolter des fonds pour l’information et la recherche ; de soutenir la recherche en participant à ses travaux et en finançant des projets ; de représenter les patients et leurs familles auprès des autorités et des structures de soins.
L’ANR organise chaque année les « Journées Partage de l’ANR » au cours desquelles les intervenants font le point sur les avancées de la recherche ou apportent des informations médicales, chirurgicales ou sociales aux malades et aux familles. Les prochaines se déroulent les 23 et 24 mars 2024 à Bordeaux.
Le rassemblement « La Ribambelle » est un week-end de relâche et de détente offert aux familles dont un enfant est touché par une neurofibromatose.
Des actions locales sont également organisées par les bénévoles.
La Fondation CAP NF « Combattre les tumeurs de l’enfant et de l’adulte », créée en 2017, est un acteur incontournable du financement de la recherche sur les neurofibromatoses.
Site de l’Association Neurofibromatoses et Recklinghausen (A.N.R.). Il permet, par exemple, de consulter des vidéos d’interventions médicales ou de chercheurs réalisées lors des journées nationales : www.anrfrance.fr
Remis à jour récemment, le Protocole national de diagnostic et de suivi (PNDS) consacré à la neurofibromatose de type 1 est disponible sur le site internet de la Haute Autorité de santé (HAS) : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-07/pndsnf1final.pdf