Les neuropathies périphériques inflammatoires d’origine auto-immune constituent un groupe hétérogène de maladies rares encore largement méconnues. La polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique, difficile à diagnostiquer, souvent peu bruyante dans sa forme chronique initiale, génère un handicap parfois invisible mais dont l’impact sur la vie des malades est souvent majeur. L’accès aux médicaments dérivés du plasma constitue un enjeu vital pour de nombreux patients.
Témoignage de Yann, 46 ans
Lorsque le médecin m’a annoncé que je souffrais d’une polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC) il y a près de deux décennies, je n’ai pas compris de quoi il s’agissait. Je suis rentré chez moi un peu groggy pour retrouver ma femme et mes deux enfants alors en bas âge. Et ce n’est que très progressivement que j’ai réalisé que ma vie allait définitivement changer.
La PIDC est une maladie déroutante à plus d’un titre… Elle vous paralyse peu à peu jusqu’à vous empêcher de réaliser les gestes du quotidien comme se raser, s’habiller, fermer un bouton de chemise, tourner une clé dans une serrure, marcher... Et puis, de manière étonnante, lorsque vous avez la chance de répondre favorablement à certains traitements comme les médicaments dérivés du plasma, cette perte d’autonomie s’estompe jusqu’à parfois devenir silencieuse, avant de revenir sournoisement lorsque votre organisme a épuisé tous les bienfaits du traitement.
Dans certaines formes de neuropathies comme la mienne, les nerfs moteurs et sensitifs sont touchés, ce qui crée des désordres qui condui-sent non seulement à des faiblesses musculaires mais aussi régulièrement à des troubles de l’équilibre, une importante fatigabilité et des douleurs difficiles à traiter.
Cette maladie, en réalité, cumule tous les inconvénients ! Elle est rare, difficile à diagnostiquer, souvent peu spectaculaire dans sa forme chronique initiale, elle génère un handicap invisible, voire discret, et est essentiellement une pathologie de l’adulte.
Il est indispensable de faire sortir la PIDC et plus généralement les neuropathies inflammatoires de l’ombre car leur impact sur la vie des malades est souvent majeur.
Il y a en effet quatre ou cinq ans, j’ai eu une poussée de la maladie et perdu l’usage de la marche. Pendant six mois, je suis resté en fauteuil roulant. Il a fallu déployer des trésors d’expertise médicale et procéder par essais pour trouver les traitements efficaces. J’ai alors dû changer de métier pour m’adapter à mes nouvelles capacités physiques.
Vivre avec une maladie invalidante à l’évolution incertaine est une véritable épreuve, et je crois que le contexte familial est essentiel. Le soutien de mon épouse et de mes proches a été déterminant dans mon aptitude à m’adapter à mon état de santé et à la maladie. C’est certainement beaucoup plus difficile lorsqu’on doit traverser cela seul.
Finalement, je crois que ce type de pathologie bouleverse profondément ce que nous sommes et que les neuropathies périphériques inflammatoires nous obligent à apprendre, voire à réapprendre, à vivre.
Parce que j’ai pris beaucoup de recul avec ma maladie et que j’ai appris à vivre avec elle, j’ai acquis la capacité d’accompagner d’autres personnes souffrant du même type de pathologie et je suis devenu ce qu’on appelle un « patient-expert ». Je me suis formé avec le soutien d’une association de patients et je contribue à des programmes d’éducation thérapeutique afin d’accompagner les malades sur la voie de l’autonomie. C’est utile et vraiment gratifiant de venir en aide aux autres et puis cela peut donner un sens à cette maladie rare.
Commentaire de Jean-Philippe Plançon, président de l’Association française contre les neuropathies périphériques (AFNP)
Les neuropathies périphériques inflammatoires d’origine auto-immune constituent un groupe hétérogène de maladies rares, encore largement méconnues.
Elles atteignent près de 10 000 personnes en France, bien que les études épidémiologiques soient peu nombreuses. Le syndrome de Guillain-Barré, également nommé polyradiculonévrite démyélinisante aiguë, est probablement la forme aiguë la plus médiatisée et la plus fréquemment rencontrée, avec près de 2 000 patients hospitalisés en France chaque année.
Cette pathologie paralyse parfois en quelques heures tous les muscles, y compris respiratoires, et conduit alors en réanimation pour une durée variable. Heureusement, la récupération est favorable pour une majorité de patients même s’il subsiste parfois des séquelles motrices plus ou moins gênantes ou une importante fatigabilité. À côté de ces formes aiguës se trouvent des maladies encore plus rares mais non moins invalidantes, comme la polyradiculonévrite inflammatoire chronique, les neuropathies motrices multifocales, le syndrome de Lewis-Sumner ou encore les neuropathies associées à des dysglobulinémies.
Toutes ont un retentissement péjoratif sur la vie des malades, qui peut aller de la paresthésie à la paralysie, d’un steppage à l’incapacité d’utiliser les mains. Des douleurs neuropathiques sont également souvent associées et viennent compliquer un tableau clinique parfois complexe qui dépend de la localisation et de la sévérité des atteintes nerveuses.
L’errance diagnostique est encore très fréquente. L’AFNP a récemment réalisé une étude qui montre que poser le diagnostic peut prendre jusqu’à seize ans ! Fort heureusement, grâce au déploiement des centres de référence et compétence maladies rares (CRMR) sur l’ensemble du territoire, pour les formes les plus typiques et les moins rares, le diagnostic est plus rapide. L’association est également très mobilisée auprès des autorités de santé pour faciliter la prise en charge diagnostique et thérapeutique des malades à travers l’organisation des filières de santé maladies rares et de groupes de travail pilotés par la Direction générale de la santé (DGS), l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) ou encore l’Établissement français du sang (EFS).
L’accès aux médicaments dérivés du plasma et en particulier aux immunoglobulines polyvalentes injectées par voie sous-cutanée ou intraveineuse constitue aussi un enjeu vital pour de nombreux patients. Ces médicaments issus de dons de plasma permettent dans de nombreux cas de préserver l’autonomie physique et d’éviter une aggravation de la maladie. Hélas ! ces dernières années nous avons connu des périodes de pénurie qui ont été dramatiques pour les patients. Bon nombre ont ainsi vu leur neuropathie s’aggraver de manière définitive faute d’un accès suffisant à ces traitements coûteux et rares. C’est alors une véritable perte de chance que nous aurions pu, sinon éviter, au moins limiter en améliorant notre filière du sang et du plasma.
Des dons de plasma indispensables
Plus de 500 dons de plasma sont nécessaires pour permettre à un malade atteint de polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC) de rester autonome pendant une année.
En France, il est possible de donner son plasma jusqu’à 24 fois par an contre 104 aux États-Unis et 60 en Allemagne, lorsque que la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé (EDQM) en préconise au maximum 33.
Près de 80 % du plasma mondial provient des États-Unis, où le don est la plupart du temps rémunéré.
Quatre pays seulement (République tchèque, Hongrie, Autriche, Allemagne) collectent 40 % du plasma européen.
La France importe près de la moitié des médicaments dérivés du plasma qui sont délivrés sur son territoire.
Depuis 1994, la France dispose d’un seul collecteur de sang et de plasma (l’établissement français du sang : EFS) et d’un seul industriel habilité à fabriquer des médicaments dérivés du plasma (i.e. fractionner le plasma) à partir du plasma de donneurs français.
En 2025, la capacité de fractionnement du pays devrait tripler avec la création d’une usine dans le nord de la France, ce qui impose la mise en place d’un système de collecte de plasma et d’incitation aux dons adapté.
Les pénuries d’immunoglobulines polyvalentes obligent parfois à traiter les patients atteints de neuropathies périphériques inflammatoires- dysimmunes de manière suboptimale et sont à l’origine de détériorations cliniques sérieuses.1
Il faut entre sept et douze mois pour fabriquer des médicaments dérivés du plasma.
Les situations de tension sont telles qu’elles ont conduit l’ANSM à élaborer des recommandations pour prioriser les indications des immunoglobulines humaines polyvalentes, en 2020.
Référence
1. Élise N’kaoua. Pénurie en immunoglobulines : impact et conséquences cliniques dans un centre de référence, hal.umontpellier.fr/PHARMA-AMU/dumas-02931528v1.
Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS), syndrome de Guillain-Barré, filière de santé maladies rares neuromusculaires (FILNEMUS), septembre 2021. www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-11/texte_pnds_sgb.pdf
Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS), polyradiculoneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique, centre de référence des maladies rares « neuropathies périphériques rares », CHU Bicêtre, avril 2021. www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-04/polyradiculoneuropathie_inflammatoire_demyelinisante_chronique_-_pnds.pdf
Filière de santé maladies rares dédiée aux pathologies neuromusculaires (FILNEMUS). www.filnemus.fr
Association française contre les neuropathies périphériques (AFNP). www.neuropathies-peripheriques.org
Réseau européen de référence pour les maladies neuromusculaires (EURO-NMD). ern-euro-nmd.eu