L’impact sur la vie professionnelle peut être considérable entraînant arrêts de travail et absentéisme, mal compris par l’employeur et les collègues, cela dans un contexte de culpabilisation vis-à-vis du tabagisme passé.
Témoignage de Christiane P.
Commentaires du Dr Frédéric Le Guillou, Association BPCO
Témoignage de Christiane P., 63 ans
La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) dont je souffre a été diagnostiquée à un stade sévère, au décours d’une hospitalisation. Pourtant, depuis au moins 5 ans, la maladie réduisait mes activités quotidiennes au strict minimum, c’est-à-dire me rendre au travail et faire des courses alimentaires, écartant toute possibilité d’activité sociale. J’avais alerté en vain deux médecins généralistes, à l’âge de 50 ans et 56 ans, pour un essoufflement et une dyspnée de plus en plus handicapants. On m’a avancé l’âge, l’angoisse... mais jamais la BPCO, bien que mon tabagisme et mes tentatives de sevrage soient connus.
Me remémorer cette période de ma vie est douloureux. Je suis un exemple que la BPCO n’affecte pas seulement les métiers très physiques et difficiles. J’étais enseignante lorsque les symptômes de la BPCO ont commencé à devenir invalidants dans mon travail. Par exemple, les salles de classe étant au premier étage, je prévoyais 10 minutes d’avance pour monter les escaliers, ce qui me laissait anéantie tant la dyspnée était importante. Je devais me réfugier dans les toilettes pour reprendre mon souffle et inhaler deux bouffées de salbutamol, un médicament que je parvenais à me procurer sans prescription médicale. Lors de mes cours, du fait de la grande fréquence des fausses routes de ma salive (phénomène se produisant chez les personnes atteintes de BPCO lorsqu’elles parlent beaucoup), j’avais parfois des quintes de toux irrépressibles et très longues à se calmer.
Lorsque le terme « BPCO » a enfin été prononcé, j’avais 60 ans et donc j’étais à 2 ans de la possibilité de prendre ma retraite. C’est pourquoi je n’ai pas eu à me battre pendant des années pour conserver un emploi. J’ai quitté mon travail pour des raisons personnelles et, très rapidement, j’ai dû être hospitalisée. Après avoir réalisé que je n’étais plus capa- ble de travailler, j’ai fait une demande de revenu de solidarité active, de couverture maladie universelle complémentaire et de reconnaissance d’affection de longue durée (ALD). J’ai été déclarée invalide à plus de 80 %, ce qui m’a permis d’obtenir ma retraite à taux plein, même sans posséder tous mes trimestres.
Entrer dans un parcours de soins m’a permis de retrouver une vie. J’ai obtenu en juillet 2017 mon certificat universitaire « Éducation Patient-Expert » et je suis actuellement le cursus de diplôme universitaire à la faculté d’Aix-Marseille.
Commentaire du Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’Association BPCO
Un fort impact professionnel
Selon une enquête commandée par l’Association BPCO en 2016*, un tiers (33 %) des malades atteints de BPCO pendant leur vie active ont dû changer de métier ou arrêter de travailler, dont 34 % d’ouvriers. Comme attendu, ce pourcentage atteint 70 % pour les BPCO sévères (stade 4), 17 % pour les BPCO légères (stade 1).
La maladie impacte l’activité professionnelle, différemment selon le type de travail, posté ou plus physique. Mais pour tous les patients, la dyspnée, et a fortiori la survenue d’une insuffisance respiratoire chronique, altèrent les performances physiques et retentissent sur la vie quotidienne et le travail. La dyspnée est le facteur limitant par excellence car c’est le symptôme cardinal de la BPCO, devant les exacerbations. Cette maladie évoluant par poussées, plus ou moins sévères, elle implique le plus souvent des arrêts de travail et un absentéisme difficile à gérer pour l’employeur et à comprendre de la part des collaborateurs. Les malades doivent de plus affronter le jugement de la société, de leurs collègues ou employeurs qui les culpabilisent d’avoir un long passé tabagique à l’origine de la maladie (dans 85 % des cas).
Changer le regard des autres au travail
Le versant social de la maladie compte pour beaucoup dans la BPCO, quelle que soit la sévérité, et encore plus pour les patients qui sont sous oxygène. Cela requiert un travail de pédagogie et d’information sur la maladie de la part du médecin du travail vis-à-vis des collègues mais aussi des employeurs. Car maintenir un patient atteint de BPCO dans son emploi est essentiel. Le travail est un levier d’insertion sociale. Comme il n’existe pas de notion de maladie chronique dans le code du travail, lorsque les répercussions de la maladie sont trop importantes, le salarié a plutôt intérêt à informer son employeur de son handicap et à faire une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) avec parfois la possibilité de mise en invalidité. Cette dernière éventualité n’est pas forcément souhaitée par les intéressés car, par le biais du travail, ils conservent un rôle social. Il faut tout tenter pour insérer ces travailleurs malades dans la société, au moyen d’un emploi compatible avec leurs capacités restantes et la préservation de leur santé mais aussi des possibilités de l’entreprise. Un vœu pieux à en croire l’enquête NXA : parmi les personnes qui déclarent avoir un employeur informé de leur pathologie, seul un quart ont bénéficié d’un aménagement de poste.
Un compromis entre le risque médical et le risque social
Si le patient atteint de BPCO est déjà en ALD (ALD 14, insuffisance respiratoire grave ; volume expiratoire maximal par seconde [VEMS] < 50 % ou oxygénothérapie), cela peut déboucher sur la reconnaissance de travailleur handicapé. Déclarer sa situation de handicap – ce qui n’a aucun caractère obligatoire – est un droit et un atout : c’est devenir acteur de sa vie professionnelle en se donnant les moyens d’exercer efficacement et sereinement son activité sans devoir compenser, seul, sa situation de handicap, ce qui, à terme, pourrait aboutir à une inaptitude professionnelle. Pour l’employeur, cela ouvre des droits à un soutien technique et financier de la part de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) pour mettre en œuvre les aména- gements nécessaires, élaborer un parcours de formation personnalisé dans le cas d’un reclassement, etc.
L’action majeure de la part des pouvoirs publics serait de faire connaître la maladie pour la faire accepter des employeurs, des collaborateurs, des travailleurs sociaux. C’est aussi une question de civisme, en jouant par exemple sur des déterminants de santé pour éviter l’aggravation de la maladie : prévention du tabagisme, installation d’équipements sportifs dans l’entreprise, campagnes de vaccination antigrippale et antipneumococcique pour protéger ces travailleurs particulièrement fragiles.
BPCO, il n’y a pas que le tabac
Quinze pour cent des BPCO relèvent d’une exposition à des nuisances respiratoires subies sur le lieu de travail, qui accélèrent le déclin du VEMS, corrélé à l’intensité de l’exposition, en concentration et en durée. Dépister le syndrome obstructif relève de la mission des médecins du travail lorsqu’il existe des facteurs de risques professionnels (silice cristalline, poussières de charbon, de coton, de céréales et endotoxines bactériennes) ; l’arrêt de l’exposition à ces risques permet de limiter l’aggravation de la fonction respiratoire et d’en réduire les complications. Des secteurs professionnels sont formellement désignés, qu’ils soient en milieu industriel (industrie minière, bâtiment et travaux publics, fonderie, sidérurgie, industrie textile) ou en milieu agricole (milieu céréalier, production laitière, élevage de porcs). Pour d’autres, une relation de causalité reste à étayer (travail du bois, soudage, travail en cimenterie, usinage des métaux).Par ailleurs, l’emploi fréquent de produits ménagers contribue à aggraver une hyperréactivité bronchique existante. L’utilisation au moins une fois par semaine de désinfectants pour surfaces augmenterait de 22 % le risque de développer une BPCO. Un surrisque à prendre en compte chez les femmes travaillant dans le secteur de la propreté et du nettoyage. Enfin, le lien entre BPCO et exposition aux produits phytosanitaires est encore peu documenté. Une étude a montré que les enfants les plus au contact des pesticides organophosphorés ont la capacité respiratoire la plus faible, les exposant à un risque ultérieur de BPCO.2
1. Dumas O, Varraso R, Boggs KM, et al. Occupational exposure to disinfectants and COPD incidence in US nurses: a prospective cohort study. Eur Respir J 2017;50:OA1774.
2. Raanan R, Balmes JR, Harley KG, et al. Decreased lung function in 7-year-old children with early-life organophosphate exposure. Thorax 2016;71:148-53.
1. Dumas O, Varraso R, Boggs KM, et al. Occupational exposure to disinfectants and COPD incidence in US nurses: a prospective cohort study. Eur Respir J 2017;50:OA1774.
2. Raanan R, Balmes JR, Harley KG, et al. Decreased lung function in 7-year-old children with early-life organophosphate exposure. Thorax 2016;71:148-53.