La médecine générale telle qu’elle est enseignée fait la part belle à une prise en charge fondée sur des preuves scientifiques, avec notamment une rationalisation thérapeutique. Par exemple, le choix d’un antibiotique pour une pathologie classique (cystite, angine streptococcique) nécessite de se référer à des « sociétés savantes » (j’adore ce terme !), dont les recommandations se fondent sur les résultats de la recherche scientifique médicale. Dans le cas des antibiotiques, il s’agit de prendre en compte la combinaison du spectre d’action du médicament, du risque d’antibiorésistance, du pouvoir de diffusion de la molécule dans l’organe ciblé…

Ce postulat (reproductible dans presque tous les domaines enseignés) ignore soigneusement la part potentielle du psychisme sur la maladie (et la guérison).

Or, en médecine générale, on s’aperçoit vite que rester purement rationnel et scientifique est compliqué… Il s’agit  donc de trouver un équilibre pour combiner – et réconcilier – la médecine -evidence-based et les médecines dites parallèles, ou maintenant appelées  MCA (médecines complémentaires et alternatives) – car la mode du XXIe siècle est aux acronymes ! Les patients, parfois sans même que cela ne leur soit suggéré, sont en demande de prise en charge non purement allopathique.

Sans être un médecin homéopathe ou naturopathe, on a naturellement envie d’utiliser la phytothérapie, dans les troubles du sommeil, par exemple. En début de carrière, c’est uniquement pour ne pas prescrire d’anxiolytiques ou de somnifères tout en donnant l’impression de faire quelque chose (ah ! ce besoin de délivrer une ordonnance en fin de consultation, j’écrirai sûrement à ce sujet un jour…). Mais quand le patient revient en ayant eu soit un très bon effet, soit un effet trop puissant (« Ça m’endort, docteur »), ça nous donne envie de réessayer. Et on comprend vite que l’effet placebo (qui, lui, est TOUJOURS présent, dixit mon professeur de pharmacologie de D1) peut devenir notre meilleur allié !

Au niveau de la formation, l’enseignement n’en prend clairement pas le chemin puisque les recommandations de bonne pratique sont désormais « gradées » en fonction de leur niveau de preuve : grade A = preuve scientifique établie ; grade B = présomption scientifique ; grade C = faible niveau de preuve scientifique. Je n’ai pas cherché les grades d’Euphytose ou de l’acupuncture, mais j’ai une vague idée du résultat…

Personnellement, j’ai beaucoup appris en regardant dans les rayons de la pharmacie, au moment de faire la queue pour mon vaccin antigrippal ou pour acheter une boîte de paracétamol (car, oui, les cordonniers mal chaussés prennent quand même du paracé-tamol).

Les techniques dites « alternatives » (acupuncture, hypnose…) sont, quant à elles, souvent d’une bonne aide pour emmener tout doucement le patient sur la piste du rôle du psychisme dans ses symptômes et commencer à aborder le sujet de la psychothérapie.

Là où le bât blesse, c’est que le risque de franchir la ligne entre l’effet placebo et l’iatrogénie est plus grand, moins tolérable, et plus répréhensible que lorsqu’un effet iatrogène survient à la suite d’un traitement validé scientifiquement. Et comme toutes ces thérapeutiques ne sont pas dans le circuit du médicament, les effets indésirables sont forcément sous-déclarés. Or, les cas d’atteinte hépatique sur des compléments alimentaires ou vitaminiques ne sont notamment pas rares du tout (alerte récente sur les compléments à base de curcuma).

Et la part de marketing dans la vente de ces produits est non seulement indéniable mais très souvent dérangeante… Quelques exemples : les déclinaisons « Senior », « Vitalité », « équilibre », « défense » de certaines gammes ; les mentions « Zen », « Nuit », « Stress »…

Il y a donc un juste milieu à trouver entre l’aide non négligeable que peuvent apporter ces thérapeutiques, leur effet placebo, et la vigilance sur leur potentielle iatrogénie. Il faut enfin penser à orienter l’interrogatoire pour que le patient pense à les mentionner en cas de suspicion d’effet indésirable.