Objectifs

Connaître les conseils d’hygiène et de prévention adaptée, y compris la vaccination antiamarile.
Connaître les principales causes de fièvre, diarrhée et de manifestations cutanées au retour d’un pays tropical.

Comprendre ce qu’est une consultation du voyage

Définition (rang A)

La consultation du voyage est une consultation dont l’objectif est double :

  • donner les informations, conseils et prescriptions pour éviter les problèmes de santé relatifs à un voyage à risque (principalement en zone tropicale) [consultation de prévention] ;
  • prendre en soin un patient au retour d’un séjour à l’étranger (principalement en zone tropicale) lorsqu’est survenu pendant le séjour, ou au retour, un problème de santé (fièvre, problème cutané, diarrhée, etc.).

Médecin généraliste en première ligne (rang A)

Une consultation du voyage peut concerner n’importe quel praticien, mais en pratique la majorité d’entre elles sont réalisées par les médecins généralistes. Seule une minorité de voyageurs consulte en centre spécialisé (centre de conseils aux voyageurs et de vaccinations internationales [CVI]), le plus souvent en raison d’un voyage nécessitant la vaccination contre la fièvre jaune qui ne peut être réalisée qu’en leur sein.

Une consultation du voyage se fait dans deux contextes différents (rang A)

 

Avant le départ

Cette consultation de prévention comporte principalement quatre temps.
Informations sur les risques de santé lors d’un voyage et conseils pour les prévenir : au-delà des risques communs à tous, pour les voyageurs porteurs d’une maladie chronique (diabète, insuffisance cardiaque, maladie mentale, etc.), des conseils spécifiques sont délivrés, éventuellement par le médecin spécialiste ; ils sont nécessaires pour éviter ou savoir gérer une décompensation. Il est souhaitable de fournir au patient un résumé de son dossier médical (en anglais si pays non francophone) qui pourra être utile en cas de besoin d’avis médical pendant le séjour.
Dans tous les cas, la souscription à une assurance rapatriement et soins sur place est essentielle.
Vaccinations : la mise à jour du calendrier vaccinal et l’administration des vaccins spécifiques au voyage sont requises.
Prévention du paludisme : sa mise en place dépend du lieu dans lequel se rend le voyageur (en pratique essentiellement nécessaire pour les séjours en Afrique sub- saharienne).
Constitution de la trousse à pharmacie de voyage.

 

Au retour

Il s’agit là, le plus souvent, de la prise en soin d’un problème de santé aigu qui survient dans les jours ou les semaines après le retour. Plus rarement, une consultation systématique peut être justifiée après un séjour prolongé et/ou à risque particulier.

 

Évolution régulière des données épidémio­logiques et des recommandations (rang A)

Une actualisation des connaissances est nécessaire, notamment grâce au dossier annuel publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) : « Recommandations sanitaires pour les voyageurs (à l’attention des professionnels de santé) » (Haut Conseil à la santé publique).

Deux types de risque (rang B)

La majorité des séjours en zone tropicale se passe bien sur le plan de la santé. Il faut néanmoins distinguer deux types de risque :

  • problèmes de santé fréquents et bénins (plus de la moitié des voyageurs) comme la diarrhée (« turista »), les infections respiratoires hautes (ORL), les dermatoses (érythème solaire notamment), les blessures super­ficielles, etc. ;
  • problèmes de santé rares mais potentiellement graves comme les infections « tropicales » (paludisme surtout mais aussi dengue…), traumatismes (de la route, du sport, agressions…), accidents cardiovasculaires (accident vasculaire cérébral, infarctus, embolie pulmonaire…). Si les infections ne sont que rarement en cause dans les rapatriements ou les décès (1 % dans les deux cas), les traumatismes et les accidents cardiovasculaires le sont beaucoup plus souvent (50 à 60 % dans les deux cas, respectivement ; à part égale entre les deux groupes). Les troubles psychiatriques sont la troisième cause de rapatriement. Il faut donc insister sur ces risques dans la consultation de prévention (avant le départ).

Conseils et prévention avant le séjour à risque

Pédagogie de la consultation du voyage (éducation pour la santé) (rang B)

Pour qu’une consultation du voyage soit efficace, il faut retenir quatre règles simples :
– limiter le nombre d’informations (« trop d’informations tuent l’information ») : il faut sélectionner les conseils portant sur les risques les plus importants (idéalement trois au maximum). Le reste des informations utiles est donné par une source d’information fiable (document remis au voyageur, adresse de site spécialisé…) ;
– utiliser un langage simple, pas trop technique ;
– partir des connaissances du patient (afin de le valoriser et de faciliter son attention) ;
– en fin de consultation, il est important de demander au patient de reformuler les conseils (principe de la « restitution » pour s’assurer de leur compréhension).

Information et évaluation des risques (rang A)

C’est la première étape de la consultation ; elle doit commencer par un discours positif et rassurant (« la plupart des voyages se passent bien… ») valorisant les bienfaits du voyage.
Les risques varient selon la destination (généralement moins un pays est développé plus il y a de risque), la durée (les séjours longs sont plus à risque), le mode de vie en voyage (itinérant, sportif, transports et hébergements locaux, au contact de la population versus voyage organisé en hôtels internationaux) et le profil du voyageur (âge, comorbidité[s], grossesse en cours…).
De façon générale, les voyageurs les plus à risque sont :

  • les adultes jeunes partant en voyage non organisé vers certaines destinations (Afrique subsaharienne, Inde) pour un séjour de plusieurs semaines ;
  • les migrants, notamment africains, retournant « au pays » dans leur famille (paludisme, accidents de la route…) du fait de séjours souvent prolongés et très exposés ;
  • les voyageurs ayant une pathologie préexistante en raison du risque de décompensation (asthme, diabète, hypertension artérielle, immunodépression, psychose…). Ce risque peut également justifier une consultation chez le médecin spécialiste.

Conseils généraux (rang A)

 

Diarrhée du voyageur (ou « turista ») : prévention et prise en charge

La diarrhée du voyageur correspond au risque le plus fréquent (30 à 40 % des séjours en zone tropicale) mais elle est le plus souvent bénigne.
Sa prévention repose sur le lavage des mains (eau et savon ou solution hydroalcoolique) avant les repas et après être allé aux toilettes, l’éviction des aliments consommés froids ou tièdes (préférer la consommation de plats chauds servis brûlants), le bannissement des coquillages, glaces artisanales, produits laitiers non pasteurisés, la consommation d’eau (ou boissons) encapsulée ou, à défaut, filtrée ou désinfectée.
Le patient est informé de la conduite à tenir en cas de survenue d’une diarrhée pendant le séjour : réhydratation par voie orale (essentielle), antisécrétoires (racécadotril) plutôt que lopéramide (risque d’effets indésirables gênants, voire graves), antibiothérapie uniquement dans les formes graves (risque d’induction de résistance).

 

Prévention des infections transmises par les piqûres de moustiques (infections vectorielles)

Plusieurs infections sont concernées, dont certaines sont potentiellement mortelles (paludisme, essentiellement).
Les moustiques concernés varient selon les agents infectieux :

  • les anophèles transmettent le paludisme la nuit ;
  • les Aedes transmettent les arboviroses (dengue) le jour.

La prévention (prévention personnelle antivectorielle, ou PPAV) repose principalement sur les répulsifs et la moustiquaire imprégnée d’insecticide (la nuit). Outre l’évitement des piqûres infectantes, la PPAV est justifiée par les nuisances liées aux piqûres (réactions inflammatoires, prurit, surinfection).

 

Prévention des infections sexuellement transmises

Le risque existe partout et, outre les infections sexuellement transmises habituelles (gonococcie, chlamydiose…), il concerne également l’infection par le VIH ou l’hépatite B.
La prévention repose sur l’utilisation systématique du préservatif.

 

Prévention des nuisances liées au soleil

Le risque d’érythème solaire (ou « coup de soleil ») qui peut être grave, avec à terme un risque cancérigène, ainsi que celui de coup de chaleur justifient d’insister auprès des voyageurs sur la prévention ; elle repose sur la limitation de l’exposition solaire, notamment en milieu de journée, l’utilisation d’une crème solaire haute protection (indice ≥ 50) notamment chez les enfants ou lors d’activités nautiques et sur le port de vêtements légers mais couvrants.

 

Autres précautions

Le risque de morsures (rage, blessures, infections…) est prévenu en évitant le contact avec les chiens et autres animaux mordeurs (chats, singes…).
En cas de morsure, il est recommandé de laver immédiatement la lésion à l’eau et au savon et de consulter rapidement. La vaccination contre la rage répond à des critères bien précis.
Le risque d’envenimation par morsures de serpents ou piqûres de scorpion est faible. Cependant, pour l’écarter au maximum, il convient d’éviter les marches nocturnes ou dans des herbes hautes, surtout pieds nus, et de vérifier couchage et chaussures. Pour se prémunir du risque de morsure par les méduses et autres animaux marins, il est essentiel de se renseigner localement et ne pas marcher pieds nus sur les fonds marins (rang B).
Il est recommandé d’éviter de se baigner dans les eaux douces à risque de schistosomoses.
Il est enfin important de bien respecter les consignes de sécurité habituelles pour les activités sportives et de loisir : port du casque en moto/scooter, prendre garde aux courants lors des bains en mer, maintien de la vigilance en cas de randonnées en altitude, de plongée, d’escalade… (rang B).

 

Prévention du paludisme (voir aussi item 170) (rang A)

 

Risque

Il concerne principalement l’Afrique subsaharienne (risque plus de 1 000 fois supérieur aux zones tropicales d’Asie et d’Amérique latine) et l’espèce Plasmodium falciparum (essentiellement en cause dans les formes graves). En Afrique, il est de l’ordre de 1 à 3 % par mois d’exposition.
Il est proportionnel à la durée d’exposition (même si une seule piqûre peut suffire).
Il est plus important chez les migrants africains repartant en vacances dans leur pays d’origine (80 % des paludismes d’importation en France).

 

Prévention

Elle repose sur la connaissance du risque par les voyageurs (signaler systématiquement le séjour à risque devant toute fièvre au retour), la PPAV la nuit (répulsifs et moustiquaire imprégnée), la chimioprophylaxie (voir aussi item 170) [tableau 1].

 

 

Indications de la chimioprophylaxie

La chimioprophylaxie antipaludique est (pratiquement) toujours indiquée pour les voyages en Afrique subsaharienne.
Elle ne l’est en revanche (pratiquement) jamais en Asie du Sud/Sud-Est ou en Amérique tropicale (sauf situation très particulière).
Si le risque le justifie, elle est indiquée, y compris pour des séjours prolongés ou des expatriations.

Quelle molécule ? (tableau 1)

L’association atova quone-proguanil doit être privilégiée dans la majorité des cas (bonnes efficacité et tolérance) : 1 comprimé par jour au cours d’un repas, du premier jour du séjour à une semaine après le retour.
Les alternatives sont la doxycycline (budget limité) ou la méfloquine en l’absence de contre-indications (antécédents neuro-psychiatriques, notamment) pour les séjours prolongés (prise hebdomadaire) (rang B).

Vaccinations du voyageur (voir aussi item 146) (rang A)

Un voyage est l’occasion de la vérification et, si besoin, de la mise à jour du calendrier vaccinal habituel, notamment contre diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite (dTcP) mais aussi contre la rougeole (nécessité de 2 doses de vaccin trivalent contenant les valences rougeole, oreillons et rubéole) ou l’hépatite B.
Du fait d’un risque élevé en zone tropicale, le vaccin contre la rougeole peut être avancé dès l’âge de 6 mois chez l’enfant (rang B).
Six facteurs sont à prendre en considération pour définir le calendrier vaccinal du voyageur (tableau 2) :

  • une éventuelle obligation administrative (vaccin contre la fièvre jaune pour entrer dans certains pays africains et contre la méningite pour les pèlerinages à La Mecque). L’obligation vaccinale (qui dépend de la décision du pays concerné) contre la fièvre jaune ne préjuge pas de l’importance du risque : dès lors que le pays est considéré comme à risque, la vaccination est recommandée ; (rang B)
  • le risque de la maladie ciblée (par exemple, le risque d’hépatite A est très supérieur à celui de la rage) ;
  • la durée d’exposition (durée du séjour) ;
  • les risques particuliers comme la grippe chez les passagers d’une croisière (a fortiori après 65 ans et/ou en présence de comorbidités), chez les personnels navigants ou les guides accompagnant des groupes de voyageurs (risque majoré par la promiscuité) ; la tuberculose chez l’enfant non vacciné par le BCG voyageant plus d’un mois dans un pays de forte endémie ; une épidémie en cours dans le pays de destination ;
  • le budget du voyageur (les vaccins du voyage ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie) 
  • les éventuelles contre-indications selon les cas (grossesse en cours, nourrissons, antécédents d’allergie vaccinale…).

Pharmacie du voyageur (rang B)

Son contenu doit être limité (on trouve des médicaments partout dans le monde) aux besoins des petites urgences du quotidien, aux médicaments de la prévention (paludisme si indication), aux médicaments usuels en cas de maladie préexistante (avec une ordonnance libellée en DCI car les noms de spécialités varient selon les pays), répartis entre le bagage cabine dans l’avion et le bagage enregistré en soute, pour éviter de tout perdre si un des bagages est perdu) [tableau 3].

Consultation du retour : prise en charge d’un problème de santé au retour

Fièvre au retour d’une zone tropicale (tableau 4)

 

Causes

Le paludisme est la première cause à évoquer, surtout si le séjour a eu lieu en Afrique subsaharienne et essentiellement dans les semaines (jusqu’à 3 mois) du retour, selon l’adage « Toute fièvre au retour de zone tropicale est un paludisme jusqu’à preuve du contraire. » Le paludisme est potentiellement grave, voire mortel en cas de retard à la mise en place du traitement avec une possible aggravation rapide (rang A).
Les autres causes à évoquer se partagent entre les infections ou maladies cosmopolites acquises pendant le séjour (ou dès le retour), les infections ORL, pulmonaires, urinaires (surtout chez la femme), la primo-­infection VIH (rapports à risque), la grippe (qui doit rester un diagnostic d’exclusion : piège en hiver car le tableau de paludisme ressemble à celui de la grippe), les causes non infectieuses toujours possibles (thromboembolie…) et les infections tropicales (dengue et autres arboviroses, rickettsioses, typhoïde…).

 

Éléments d’orientation

L’interrogatoire recherche le pays et la durée de séjour, les modes de séjour et activités, les antécédents, les prévention et vaccination observées, les signes d’accompagnement (troubles digestifs, éruption, douleurs...) et la chronologie d’apparition des signes.
La date d’apparition de la fièvre par rapport au retour est importante car l’orientation étiologique varie selon la durée d’incubation (tableau 4) : les infections à incubation brève (moins de 10 à 15 jours) comme les arboviroses (dengue, surtout), entérites infectieuses … ont une probabilité très faible d’être en cause si la fièvre survient dix à quinze jours après le retour.
L’examen physique doit être complet.
Les examens biologiques de « débrouillage » permettent de s’orienter :

  • à l’hémogramme, une hyperleucocytose évoque plutôt une infection bactérienne ou un abcès amibien du foie ; une leucopénie ou l’absence d’hyperleucocytose plutôt une infection virale (cosmopolite ou tropicale) ou la typhoïde ; une hyperéosinophilie (plus de 500/mm3) oriente vers une helminthose a priori digestive si < 1 000/mm3 et une helminthose tissulaire en primo-invasion si > 1 000/mm3 (schistosomose liée aux bains en eau douce en Afrique subsaharienne) ; une thrombopénie doit faire évoquer un paludisme, une infection virale tropicale (dengue) ou cosmopolite ;

 

  • les transaminases très élevées (plus de 10 fois la normale) peuvent être liées à des hépatites virales ; peu élevées, elles sont compatibles avec presque toutes les infections et/ou une toxicité médicamenteuse.

Des examens spécifiques complémentaires sont nécessaires (tableau 4) : au minimum, la recherche de paludisme (frottis-goutte épaisse, TDR ou PCR), des hémocultures et une PCR arbovirose (ou une sérologie si plus de 6 jours de fièvre) [dengue] et une bandelette urinaire chez la femme.
 

En cas de signe hémorragique (diarrhée sanglante notamment)

Même si le tableau clinique n’est pas inquiétant, il faut évoquer par principe une fièvre virale hémorragique : appeler le centre spécialisé ou l’agence régionale de santé (ARS) et prendre des mesures de protection universelle.
 

Paludisme d’importation : l’essentiel (rang A) (voir aussi item 170)

On recense 5 500 cas par an en France. Le risque est de ne pas suffisamment penser à cette pathologie puisqu’elle reste heureusement rare. 80 % des paludismes surviennent chez des migrants africains et sont majoritairement dû à Plasmodium falciparum (qui donne les formes mortelles). Le plus souvent, la chimioprophylaxie a été mal ou non prise.
Survenant essentiellement après un séjour en Afrique subsaharienne (surtout de l’Ouest ou du Centre), il faut cependant toujours y penser même si le séjour a eu lieu en dehors de ces zones.
Le tableau clinique associe des signes évocateurs :

  • fièvre évoluant par pics (« crise fébrile »), en règle élevée (plus de 38,5 °C), puis frissons/tremblements et sueurs. Une fièvre irrégulière est donc très évocatrice ;
  • céphalées souvent violentes et tenaces ;
  • troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales) ;
  • asthénie parfois importante.

Des signes de gravité sont à rechercher systématiquement ; un seul de ces signes fait poser le diagnostic de paludisme grave et nécessite l’appel d’un réanimateur en urgence :

  • troubles de la conscience (de la simple obnubilation au coma) ;
  • état de choc, détresse respiratoire aiguë ;
  • ictère, hémoglobinurie (hémolyse).

La prise en soin est une urgence absolue du fait du risque d’aggravation brutale. Elle comprend la réalisation d’un bilan diagnostique biologique (au minimum hémogramme, ionogramme-créatinine, transaminases, bilirubine, hémocultures et recherche de paludisme par frottis-goutte épaisse [examen de référence] et/ou test de diagnostic rapide [TDR] ou PCR). Si la parasitémie est supérieure à 4 %, l’hémoglobine inférieure à 7 g/dL, la créatininémie supérieure à 265 μmol/L, la bilirubinémie totale supérieure à 50 µmol/L ou en présence d’une acidose, il s’agit d’un paludisme grave (1 seul critère suffit).
Le traitement est une urgence :

  • en l’absence de signe de gravité : arténimol-pipéraquine ou artéméther-luméfantrine si pas de contre-­indication cardiaque (situations à risque d’allongement du QTc à l’électrocardiogramme).

Si l’espèce retrouvée est non falciparum (P. ovale, vivax, malariae), on associe au même traitement l’éradication par primaquine (destruction des formes parasitaires dormantes dans le foie) ; (rang B)

  • hospitalisation si la personne est isolée, enceinte, âgée, fragilisée, à risque de mauvaise observance et/ou si la parasitémie est supérieure à 2 %, les plaquettes inférieures à 50 000/mm3, l’hémoglobinémie inférieure à 10 g/dL, la créatininémie supérieure à 150 µmol/l (1 seul critère suffit) ;
  • en cas de signes de gravité, le traitement est urgentissime par artésunate par voie intraveineuse en réanimation.

Le suivi se fait à J3, J7, J28 par un examen clinique et des examens biologiques (au minimum un hémogramme, un ionogramme, une créatininémie et les transaminases), associés à un frottis-goutte épaisse (jamais de TDR ou PCR car une détection d’antigène/acide nucléique résiduelle est possible pendant plusieurs semaines). S’il s’agit d’une forme grave avec traitement par artésunate, il faut ajouter un hémogramme à J14 et J21 pour détecter précocement une anémie hémolytique retardée iatrogène (Post Artesunate Delayed Hemolysis) [rang B].
Enfin, il est indispensable d’insister sur la prévention au prochain séjour.
 

Dengue : l’essentiel (rang B)

La dengue est une cause de fièvre devenue fréquente chez le voyageur. Elle est possible partout dans le monde tropical mais surtout en Asie et Amérique latine/Caraïbes. Elle est transmise par piqûre de moustique (Aedes), le jour.

Présentation clinique

La dengue se manifeste par un syndrome grippal fébrile avec arthromyalgies puis éruption diffuse (morbilliforme) dans 50 % des cas. Deux formes graves sont possibles, quoique rares chez le voyageur : le syndrome hémorragique et l’état de choc.

Bilan diagnostique biologique

Il comprend un hémogramme (thrombopénie souvent importante), une biologie standard ainsi qu’une PCR arbovirose et une sérologie si les symptômes évoluent depuis plus de six jours.

Traitement

Il n’existe pas de traitement spécifique, la prise en soin est donc uniquement symptomatique.
La mortalité est faible si le traitement symptomatique est adapté (hospitalisation en service de réanimation en cas de forme grave).
La prévention repose sur l’utilisation de répulsifs, surtout en fin d’après midi.

Diarrhée du voyageur (« turista ») (rang A)

Elle est fréquente (30 à 40 % des séjours en zone tropicale à niveau d’hygiène insuffisant), survient souvent en début de séjour, est de durée brève (quelques heures à quelques jours), mais il existe des formes subaiguës, voire prolongées. Le plus souvent bénigne, la turista peut néanmoins présenter des formes graves (aux âges extrêmes de la vie, en cas de comorbidités…), surtout par déshydratation.
 

Causes

Elles sont essentiellement infectieuses (entérite infectieuse).
Les agents responsables sont surtout bactériens (Escherichia coli entérotoxinogène), parfois viraux, plus rarement parasitaires (formes subaiguës ou prolongées surtout ; Giardia).
 

Tableau clinique

Deux formes cliniques sont possibles.
Les diarrhées non fébriles sont les plus fréquentes. Elles répondent à un mécanisme toxinogène (E. coli entérotoxinogène), sont abondantes, liquidiennes, accompagnées de nausées et vomissements. En règle générale, elles ne présentent pas de caractère de gravité, sauf en cas de déshydratation importante. Des signes cliniques de déshydratation (soif, sécheresse des muqueuses, pli cutané, hypotension…) doivent donc être activement recherchés.
Les diarrhées fébriles sont plus rares. Leur mécanisme est invasif, avec des causes surtout bactériennes (shigelle, Campylobacter, salmonelles…). Elles s’accompagnent de douleurs abdominales et parfois de sang dans les selles (syndrome dysentérique). Elles sont potentiellement plus sévères (choc septique rare mais possible).
Il faut toujours penser au paludisme, surtout chez l’enfant (« toute fièvre au retour de zone tropicale, ou pendant le séjour, est un paludisme jusqu’à preuve du contraire »).
 

Bilan diagnostique biologique

Il n’est souvent pas réalisé en cas de forme bénigne, le plus souvent gérée en ambulatoire.
En cas de formes marquées et a fortiori sévères, il comprend des examens biologiques « standard » avec ionogramme et créatininémie (évaluation de la déshydratation), une coproculture et trois examens parasitologiques des selles en cas de formes subaiguës ou prolongées (giardiose…).
 

Traitement

Il est d’abord symptomatique : réhydratation (en informer le voyageur avant le voyage, en cas de survenue pendant le séjour), antisécrétoire (racécadotril) si besoin (surtout si les diarrhées sont liquides et abondantes).
Les antibiotiques sont à réserver aux formes sévères (avec fièvre, syndrome dysentérique, fort retentissement sur l’état général, a fortiori état de choc). En pratique, ils ont très peu d’indications :

  • risque important de sélection de bactéries multirésistantes ;
  • souvent inutiles car sans effet sur la toxine pathogène.

Le choix se porte sur l’azithromycine (notamment en Asie) ou les fluoroquinolones : traitement « minute » ou durant trois jours. Les imidazolés (métronidazole) sont indiqués en cas de giardiose.
Les antiseptiques intestinaux sont sans aucun intérêt puisque inefficaces.
Les mesures de prévention ont été listées plus haut.

Lésions cutanées

Elles sont fréquentes, le plus souvent bénignes et cosmopolites : érythème solaire, pyodermites infectieuses sur microblessures ou piqûres de moustiques surinfectées.
Rarement, elles sont de cause « tropicale » :

  • la larva migrans cutanée (larbish) (fig. 1) se manifeste par un prurit prédominant, survient après une marche sur le sable (plages) ; le traitement consiste en une dose unique d’ivermectine.
  • la leishmaniose cutanée (fig. 2) survient le plus souvent lors d’un séjour au Moyen-Orient ou en région amazonienne. Elle se présente sous la forme d’une ulcération cutanée indolore, et le traitement doit se faire en milieu spécialisé.
Points forts
Voyage en pays tropical de l’adulte et de l’enfant : conseils avant le départ, pathologies du retour : fièvre, diarrhée, manifestations cutanées

POINTS FORTS À RETENIR

Peu de voyageurs consultent des spécialistes : le médecin généraliste est un acteur essentiel de la prévention des maladies du voyage.

Une consultation de prévention s’intéresse à quatre points principaux.

➙ Vaccinations :

– mise à jour du calendrier vaccinal usuel ;

– vaccin contre la fièvre jaune en cas de séjour en Afrique subsaharienne (obligatoire dans certains pays) ou zone amazonienne et péri-amazonienne (Brésil) ;

– vaccin contre l’hépatite A.

➙ Prévention du paludisme :

– répulsifs et moustiquaire imprégnée ;

– chimioprophylaxie quasi exclusivement en Afrique subsaharienne (atovaquone-proguanil à privilégier).

➙ Prévention de la diarrhée du voyageur en conseillant un lavage des mains avant les repas et la consommation de plats cuits servis brûlants.

➙ Faire prendre conscience au voyageur que les risques cosmopolites (accidents de la circulation ou du sport, décompensation d’une maladie préexistante dont accidents neurocardiovasculaires…) sont souvent les plus graves.

Le paludisme doit rester l’obsession devant une fièvre au retour : « toute fièvre au retour de zone tropicale – surtout d’Afrique subsaharienne – est un paludisme jusqu’à preuve du contraire » ; c’est toujours une urgence, et une urgence vitale au moindre signe de gravité.

Le point essentiel du traitement de la diarrhée du voyageur est la réhydratation (pas d’indication aux antibiotiques dans la diarrhée « simple » du voyageur).

Message auteur

Voyage en pays tropical de l’adulte et de l’enfant : conseils avant le départ, pathologies du retour : fièvre, diarrhée, manifestations cutanées

Un dossier centré sur les conseils avant un voyage paraît peu probable. En revanche, une « fin de dossier » sur n’importe quel sujet peut intégrer deux ou trois questions sur la prévention des maladies du voyage. La prévention du paludisme, les principales vaccinations spécifiques – outre la mise à jour du calendrier – et la prévention de la diarrhée du voyageur sont les questions les plus probables.

Un dossier sur la « fièvre au retour de voyage » est très possible et serait vraisemblablement centré sur le paludisme, qu’il faut donc bien connaître.

Pour en savoir plus

Recommandations sanitaires 2022 pour les voyageurs (à l’attention des professionnels de santé). Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2 juin 2022, Hors-série. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/voyage/documents/magazines-revues/bulletin-epidemiologique-hebdomadaire-2-juin-2022-n-hors-serie-recommandations-sanitaires-pour-les-voyageurs-2022-a-l-attention-des-professionn
Prise en charge et prévention du paludisme d’importation (mise à jour 2017 des recommandations de prise en charge de 2007) https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/spilf/recos/2017-palu-texte-final.pdf

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