L’engouement pour les animaux de compagnie « non traditionnels » croît en France, que ce soit au domicile (reptiles, amphibiens, petits rongeurs…) ou dans les lieux publics (fermes pédagogiques, aquariums…). Les risques liés sont sous-estimés, surtout pour les enfants. Le diagnostic des maladies transmises est difficile car l’animal est souvent porteur asymptomatique, et les médecins sont rarement prévenus de son existence. Que doit savoir le MG ?

Un phénomène en progression en France

Nommés « nouveaux animaux de compagnie » depuis les années 1980, les « animaux de compagnie non traditionnels » (ACNT) – qui ne sont plus nouveaux désormais – désignent tous les animaux utilisés à des fins de compagnie en dehors des chiens et des chats.

Il peut s’agir d’espèces domestiques comme d’espèces sauvages. Pour ces dernières, trois catégories se distinguent, selon que leur détention est libre, soumise à déclaration, ou à autorisation préalable avec certificat de capacité (liste fixée dans un arrêté du 8 octobre 2018). Une liste plus limitée des espèces non domestiques pouvant être détenues comme animaux de compagnie est en cours d’élaboration, dans le cadre de la loi n° 2021 - 1539 visant à lutter contre la maltraitance animale.

L’engouement pour ces ACNT est en progression constante, que ce soit dans le domicile familial (reptiles, amphibiens, petits rongeurs…) ou dans les lieux publics (fermes pédagogiques, mini-fermes, zoos, animaleries, aquariums...). 

Le nombre d’ACNT en France est difficile à connaître avec précision car peu sont identifiés par des puces électroniques. Il est estimé qu’il y avait près de 49 millions d’ACNT en 2023, la majorité étant des poissons (30M), suivis des volailles (9M) et d’autres oiseaux (4M), et enfin des petits mammifères (4M) et des animaux de terrarium (3M). Mais ce chiffre est probablement sous-estimé (négligence de certains propriétaires, vente facilitée par les réseaux sociaux), sans compter le trafic illégal d’espèces exotiques, très lucratif (les saisies par les douanes sont en augmentation).

Des risques sanitaires négligés

Il existe peu de données épidémiologiques françaises sur les zoonoses transmises par les ACNT car il s’agit souvent de cas sporadiques chez des particuliers – les centres nationaux de référence (CNR) s’intéressant principalement aux épidémies. Les données américaines, plus exhaustives, confirment que les risques zoonotiques liés aux ACNT – en particulier rongeurs, volailles et reptiles – sont significatifs, surtout pour les enfants : près de 10 000 cas répertoriés entre 1996 et 2017, dont 15 % chez les < 5 ans.

Les propriétaires ignorent souvent ces risques, surtout lorsque l’animal est porteur asymptomatique, et les médecins sont rarement prévenus de la possession d’un tel animal, ce qui rend difficile le diagnostic.

Les risques peuvent être traumatiques – morsures, griffures (rats, furets, lapins, reptiles…), envenimations, voire constriction (serpents) – mais sont surtout infectieux, que ce soit par effraction (morsure ou griffure) ou autre contact avec l’animal. L’enfant de moins de 5 ans est particulièrement touché, du fait de sa plus grande vulnérabilité, de son inconscience vis-à-vis du risque traumatique ou infectieux ainsi que de son comportement naturel de mettre toujours ses mains à la bouche, la recommandation de lui laver les mains étant inadéquate dans ce cas. Ces risques sont également présents dans les lieux publics où ces enfants sont en contact avec divers animaux, comme les fermes pédagogiques et les « petting zoos »

Principales zoonoses liées aux ACNT

Le tableau ci-contre résume les principales zoonoses pouvant être transmises aux enfants par contact avec un ACNT au domicile ou dans un lieu public en France.

Bactériennes

Les salmonelloses sont au premier plan, notamment par le contact :

  • avec les volailles de compagnie contaminées et la consommation de leurs œufs ;
  • avec reptiles et amphibiens  : tortues, dragons barbus, iguanes vertes, grenouilles d’aquarium (bains des enfants avec les tortues, « bisous » aux grenouilles, nettoyage des aquariums dans la cuisine, contaminant les denrées alimentaires…). Ce risque, répertorié aux États-Unis depuis plusieurs décennies, est en progression en Europe, d’après la surveillance de l’ECDC ;
  • avec les rongeurs, qu’ils soient ACNT ou destinés à l’alimentation des serpents de compagnie ; il y a une dizaine d’années, on a décrit une épidémie d’environ 200 cas de salmonelloses chez des éleveurs de serpents de compagnie au Royaume-Uni à cause de l’utilisation de souris congelées pour nourrir leurs animaux.
  • hérissons : jusqu’à 30 % seraient porteurs asymptomatiques de salmonelles.

 

Par ailleurs, l’émergence de salmonelles résistantes aux fluoroquinolones, liée à l’utilisation de ces antibiotiques chez les reptiles, est un phénomène préoccupant (les fluoroquinolones sont les seuls antibiotiques autorisés chez les reptiles en France). 

D’autres maladies liées au péril fécal sont les colibacilloses (surtout transmises par contact avec des ruminants dans les fermes pédagogiques, elles sont potentiellement sévères chez les < 5 ans car pouvant engendrer un syndrome hémolytique et urémique) et les campylobactérioses (oiseaux, rongeurs, reptiles, où le portage est généralement asymptomatique ; furets pouvant avoir des symptômes digestifs ; possibilité de Campylobacter antibiorésistants chez les ACNT).

La chlamydiose, notamment aviaire, due à C. psittaci, est transmise par volailles, oiseaux de volière (perroquets, perruches...) ou encore pigeons. Très souvent asymptomatique chez l’animal, elle est liée à l’inhalation de poussières ou de fientes contaminées. Le tableau clinique chez l’homme est le plus souvent caractérisé par conjonctivite et céphalées importantes, ou une forme grippale à convalescence lente avec possibilité de rechutes ou de complications cardiaques, voire une forme septicémique.

La leptospirose est transmise par rats et souris de compagnie, par contact avec leurs urines, ou par morsure ou léchage. Le diagnostic est difficile en raison de la variabilité des signes cliniques : forme pseudo-grippale (plus fréquente), leptospirose ictéro-hémorragique, troubles neurologiques et oculaires (uvéite), symptômes rénaux, cardiaques et pulmonaires… La prise en charge est précisée ici.

La pasteurellose – inoculation par morsure de furet, de hamsters, griffures de lapin (moins souvent) – provoque en 3 à 6 h une plaie inflammatoire avec œdème et douleurs locales pouvant irradier le long du membre. En l’absence de traitement, une lymphangite et des adénopathies satellites peuvent apparaître. Les diagnostics différentiels et la prise en charge sont indiqués ici.

Virales

Hantavirus de Séoul : transmis par les rats de compagnie – essentiellement par voie respiratoire à partir d’aérosols de poussières contenant leurs excréments – peut engendrer une fièvre hémorragique avec syndrome rénal. La prise en charge est symptomatique ; il n’existe pas de traitement spécifique ni de vaccin.

Lyssavirus de la rage : le risque reste exceptionnel en France, lié à l’importation illégale de carnivores ou de primates enragés, ou au contact avec les chauve-souris.

Chorioméningite lymphocytaire : transmise par morsure de souris ou hamsters, contact de la peau lésée avec leurs déjections ou salive ou encore inhalation d’aérosols de poussières contaminées. Entraîne symptômes pseudogrippaux bénins, mais aussi des formes méningées ; peut être mortelle chez les patients immunodéprimés, et responsable d’avortements ou malformations fœtales graves en cas d’infection de la femme enceinte.

Orthopoxviroses (à déclaration obligatoire) : mpox (rongeurs importés) ou cowpox (rats de compagnie), transmis par contact cutané, même sans morsure ou griffure. Symptômes : lésion cutanée localisée douloureuse avec adénopathie locale et symptômes pseudogrippaux. Des formes graves sont possibles en lien avec la localisation des lésions, et chez les immunodéprimés.

Parasitaires et mycosiques

Parmi les parasitoses intestinales, responsables de diarrhées, citons : la cryptosporidiose, transmise par contact avec des rongeurs de compagnie ou des ruminants (ou ingestion d’aliments contaminés) ; la giardiose, par contact avec rongeurs, singes, chiens de prairie… ; la capillariose (rongeurs) dont l’atteinte hépatique peut être grave voire fatale.

Enfin, les dermatophytoses (teignes microsporiques, tricophytiques…) sont fréquentes. Cobayes, chinchillas, lapins, hérissons sont vecteurs. Les plaques érythémato-squameuses initiales deviennent confluentes, se couvrent ensuite de pustules purulentes, provoquant l’expulsion du cheveu ; les microsporiques sont fluorescentes sous lampe de Wood, les trichophytiques sont souvent très inflammatoires et suppurées. Diagnostics différentiels : lésions eczématides, pityriasis rosé de Gibert, plaques de psoriasis débutantes, voire dermatoses allergiques aussi liées aux ACNT. Diagnostic et traitement sont précisés ici.

Recommandations de l’Académie de médecine 

Compte tenu de ces risques, l’Académie a émis des recommandations.

En premier lieu : mieux informer le public des pathologies liées à la présence au domicile de certains ACNT dont la détention est autorisée. 

Lorsque des enfants âgés de moins de 5 ans sont présents au domicile :

  • la détention d’ACNT est déconseillée : risque de morsure (furet, rat, iguane) ou de transmission d’agents infectieux (rongeurs, serpents, tortues, amphibiens, oiseaux, petits ruminants…) ;
  • si un ACNT est présent au domicile : rappeler aux parents l’importance, devant toute maladie chez un enfant de moins de 5 ans, de prévenir le médecin de la présence de l’animal.

 

Renforcer les contrôles sanitaires dans les animaleries hébergeant des ACNT commercialisés, en fonction des risques zoonotiques propres à chaque espèce.

Dans les établissements accueillant enfants et animaux (fermes pédagogiques…) :

  • afficher les mesures de biosécurité nécessaires ;
  • éviter l’implantation des zones de restauration près des mini-fermes destinées aux enfants ;
  • déconseiller le contact des enfants de moins de 5 ans avec les ruminants.
 

Créer une plateforme de surveillance épidémiologique des zoonoses observées chez l’enfant exposé à la présence d’un ACNT, mobilisant tous les acteurs concernés (laboratoires médicaux et vétérinaires…) et permettant un partage des données pour la détection, le traitement précoce et la prévention de ces maladies.

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