Quel est le point commun entre Juliette (danseuse classique), Arthur (violoniste), Camille (employée de joaillerie), Tristan (mâcheur compulsif de chewing-gum), Fabien (qui installe un sapin de Noël) et Mario (manutentionnaire portant des palettes de bois) ?
À première vue, rien ne semble relier toutes ces activités. Pourtant, d’un point de vue allergologique, le point commun est le risque d’allergie de contact à la même substance : la colophane, obtenue par distillation de la térébenthine ou de l’oléorésine récoltée sur les pins. Sa composition varie en fonction de l’origine botanique et du mode d’extraction. On peut la retrouver sous différentes formes dans de nombreux éléments de la vie quotidienne, comme les cosmétiques (mascaras waterproof, ombres à paupières, fonds de teint, cires dépilatoires, brillantines, rouges à lèvres et vernis à ongles nacrés), les laques, certains adhésifs de sparadrap (de plus en plus remplacés par des acrylates) et dans l’industrie (huile de coupe, fabrication du papier, peintures).

 


– Juliette, danseuse classique, enduit régulièrement ses chaussons (les pointes) de colophane pour leur permettre d’adhérer mieux au sol, ce qui risque de déclencher un eczéma de contact au niveau des pieds, des mains ou du visage (allergie manuportée : l’allergène est transporté par la main au visage).
 
– Arthur risque une pulpite sèche et fissurée à l’extrémité de ses doigts à cause de l’utilisation de cubes de colophane sur l’archer de violon (possible également avec d’autres instruments à cordes frottées). Pour le luthier, l’eczéma de contact peut survenir avec l’application de vernis contenant de la colophane lors de la fabrication des instruments.

 


– Camille, en joaillerie, est en contact avec la colophane utilisée dans les ateliers. Cette substance peut provoquer un eczéma professionnel chronique des mains.

 


– Tristan devrait connaître la menace qui pèse sur ses lèvres en mâchant trop de chewing-gums. Les dérivés de la colophane sont présents dans leur composition, entraînant chez certains utilisateurs réguliers une dermite péri-orale, une gingivite et/ou des ulcérations au niveau de la bouche.

 


– Fabien préfère le vrai sapin au synthétique, mais deux risques le guettent s’il ne prend pas la précaution de se laver les mains et de mettre des gants : le « syndrome du sapin de Noël », cause de rhinite ou de crise d’asthme (présence de moisissures sur l’arbre naturel) et le risque d’eczéma de contact lors de son installation (lié à la colophane).

 


– Quant à Mario, le cariste, la manipulation de palettes de bois de pin ou comportant des colles à base de colophane peut lui provoquer une réaction cutanée d’eczéma, soit par contact direct, soit par les poussières diffusées lors de la manutention.
 

 


Comment faire le diagnostic ?
L’allergie de contact s’affirme sur la pertinence entre une histoire clinique et un patch test positif, la colophane faisant partie de la batterie standard européenne (les 30 allergènes les plus souvent répertoriés comme allergisants en Europe). La colophane, comme le baume du Pérou (nom INCI : Myroxylon pereirae), est un allergène souvent associé aux allergies aux mélanges de parfums.

 


Attention : la colophane ne doit pas être confondue avec la magnésie (carbonate de magnésium) utilisée par les grimpeurs, les acrobates et pour la gymnastique artistique.
 

 


Références :
Flament J, Kuntz A, Tetart F. Un allergène inattendu !  Rev Fr Allergol 2019;59(3):248.
Raison-Peyron N. Les eczémas des pieds et des jambes.  Rev Fr Allergol 2020;60(4):303-4.
Charbit L, Liegeon AL, Brault F et al. Une promenade en forêt…  Rev Fr Allergol 2015;55(3):233.
Mathelier-Fusade P. Allergie aux parfums : quels tests pour quels conseils ?  Rev Fr Allergol 2009;49(4):366-70.
Kluger N. Dermatoses cutanées et muqueuses des musiciens. Ann Dermatol Vénérol 2017;144(6-7):415-22.
 
 
Par Catherine Quéquet, allergologue

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