La notion de fruits à coque en allergologie
Les fruits à coque (FAC) faisant partie de la liste des 14 allergènes à déclaration obligatoire sont (ADO) :
- la noix commune et la noix de Pécan (Juglandacées) ;
- la noix de cajou et la pistache (Anacardiaceae) ;
- l’amande (Rosaceae) ;
- la noisette (Betulaceae) ;
- la noix de Macadamia ou du Queensland (Proteaceae) ;
- la noix du Brésil (Lecythidaceae).
D’un point de vue allergologique, il faut les distinguer de la châtaigne, de la noix de coco, des graines comme le pignon de pin ou de la noix de muscade (épice), qui eux ne sont pas inclus dans les 14 ADO. Attention : l’arachide, souvent considérée à tort un FAC, fait en réalité partie de la famille des légumineuses.
La prévalence en France
L’étude ELFE (étude longitudinale française depuis l’enfance), menée sur plus de 18 000 enfants nés en 2011, a permis de dresser une cartographie des principales causes des allergies alimentaires chez l’enfant dans notre pays. Les fruits à coque sont placés en quatrième position, après le lait, l’œuf et l’arachide. 32,2 % des enfants allergiques à l’arachide ont une allergie aux fruits à coque. Au niveau mondial, la prévalence varie en fonction des zones géographiques, du type d’aliment et des habitudes culinaires du pays.
Les différents allergènes (cf. tableau)
Les allergènes incriminés font partie de familles allergéniques différentes, ce qui explique un risque anaphylactique pour certains patients alors que d’autres auront plutôt un syndrome oral. Le risque anaphylactique est essentiellement lié au contact avec la noix de cajou et la noisette.
Pour la noix de cajou, les trois allergènes majeurs (Ana o1, Ana o2, Ana o3) identifiés font partie de familles allergéniques à haut potentiel anaphylactique. Ceci explique les réactions cliniques d’emblée sévères, observée principalement chez les enfants. La noix de cajou est classée comme la deuxième cause d’allergie alimentaire chez l’enfant d’âge pré-scolaire. Sa grande homologie de structure avec la pistache (Pis v1 Pis v2, Pis v3 et Pis v5) explique une allergie croisée avec cette dernière :
- dans la famille des globulines 7 S (ou vicilines), Ana o1 a 79 % d’homologie de structure avec Pis v3 ;
- parmi les globulines 11 S (ou légumines) : Ana o2 a79 % de similitude avec Pis v5 et 50 % avec Pis v2 ;
- dans les albumines 2 S , Ana o3 a 66 % de structure moléculaire identique à Pis v1.
Ainsi, chez tous les allergiques à la pistache ont doit systématiquement rechercher une allergie à la noix de cajou.
Pour la noisette, il est nécessaire dans un premier temps de distinguer l’allergie primitive à la noisette (avec un risque majeur d’anaphylaxie) de l’allergie croisée avec l’allergène Bet v1 du pollen de bouleau (syndrome oral modéré dans 90 % des cas). À ce jour, 12 allergènes sont identifiés : Cor a1 – détruit par la cuisson et les enzymes digestifs – déclenche chez la personne allergique des symptômes bénins, alors que Cor a8 (LTP), Cor a9 (Globulines 11 S) et surtout Cor a14 (Albumines 2 S) jouent un rôle important dans la genèse de réaction anaphylactique.
Quel bilan allergologique ?
L’interrogatoire reste toujours l’étape initiale majeure du diagnostic. Il précise les circonstances de déclenchement, la récurrence des symptômes à chaque contact etc. En médecine de ville, les tests de dépistage sont Fx27 chez l’enfant et Fx24 chez l’adulte.
Le dosage unitaire des IgE spécifiques dirigés contre les différents fruits à coque est possible tout en respectant les recommandations de prescriptions de ces examens biologiques : ne pas associer un test de dépistage et un dosage IgE spécifique, pas plus de cinq IgE trophallergènes par ordonnance. L’interprétation doit toujours prendre en compte le contexte clinique pour distinguer l’allergie de la sensibilisation de l’allergie au(x) fruit(s) à coque.
L’allergologue réalise ensuite les tests cutanés et le dosage des IgE spécifiques recombinants (on en dispose 4 pour la noisette, 2 pour la noix, 1 respectivement pour la noix de cajou et la noix du Brésil).
Le test de provocation oral en milieu hospitalier vient compléter le bilan : il s’agit alors d’identifier l’allergène responsable en cas de multi-allergies et d’établir le seuil de réactivité à partir duquel l’enfant réagit en vue de débuter une ITO (immunothérapie orale).
Prise en charge thérapeutique
L’éviction est impérative dans un grand nombre de cas. Il faut alors que la famille, l’entourage et l’allergique soient informés sur les 14 allergènes à déclaration obligatoire, la rédaction du PAI, les précautions en cas de voyages à l’étranger en fonction du pays de destination... Si nécessaire (antécédent d’anaphylaxie), il faut prescrire un stylo auto-injecteur d’adrénaline. Attention également à l’introduction de régimes végétariens ou végétaliens qui utilisent souvent les FAC en substitutions.
L’ITO (vis-à vis de noisette ou de la noix de cajou) est une alternative à l’éviction lorsque le bilan allergologique le permet.
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