La formation des médecins et personnels paramédicaux sur la drépanocytose a pris un retard considérable, en France comme en Afrique, alors que de nombreuses autres maladies moins fréquentes, anciennement appelées « vedettes », sont enseignées à tous les niveaux des études médicales. Tout n’est cependant pas négatif, et un certain nombre d’initiatives fonctionnent bien, de même que la collaboration nécessaire, bilatérale, entre enseignants-chercheurs francophones. Le partage d’une langue commune, élément de communication si essentiel lorsqu’on parle de formation, et de systèmes universitaires proches entre la France et l’Afrique explique l’approche globale francophone qui doit exister pour la formation des soignants sur la drépanocytose.
Pourquoi former les médecins et autres acteurs de santé sur la drépanocytose ?
La drépanocytose est la maladie génétique de l’hémoglobine la plus répandue au monde, touchant plus de 15 millions de personnes (30 000 en France). Elle affecte particulièrement l’Afrique subsaharienne et l’Inde, où l’on enregistre chaque année plus des deux tiers des naissances drépanocytaires mondiales.1 Les expériences médicales rapportées dans les pays qui se sont inscrits dans une politique d’organisation des soins spécifiques drépanocytaires depuis les années 1970 montrent clairement que l’espérance de vie du drépanocytaire dépend largement du niveau de développement des structures de santé sur lesquelles il peut s’appuyer.2 De 2005 à 2008, plusieurs instances de décision en santé, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ont considéré la drépanocytose comme une priorité de santé publique dans le monde. Dans les déclarations de ces instances, il a été recommandé la création de centres de référence (CDR) de la drépanocytose dans les pays où le gène drépanocytaire est particulièrement prévalent, pour permettre, entre autres, l’accès des drépanocytaires à des soins spécifiques. En réalité, l’accès universel à ces soins ne sera idéalement possible, en Afrique, que dans un système de réseau englobant les structures périphériques de premier niveau de contact des patients (centres de santé communautaires) et les CDR. Dans ce contexte, il apparaît urgent de former du personnel qualifié à la prise en charge des patients drépanocytaires, particulièrement en Afrique subsaharienne.
Difficultés de la formation
L’enseignement de la drépanocytose occupe une place très limitée dans les programmes des écoles de santé en général, ce qui explique que le personnel médical au sortir des études est peu ou pas outillé pour prendre en charge ces malades.
Désintérêt des spécialistes français
En France, le désintérêt progressif des hématologues pour les maladies du globule rouge en général et la prise de conscience tardive des internistes pour considérer que la prise en charge de ces pathologies devrait faire partie de leurs préoccupations font de la drépanocytose un parent pauvre de l’enseignement en faculté. C’est pourtant une maladie pédiatrique et systémique qui concerne tous les spécialistes. Ainsi, la faible représentation universitaire de cette pathologie est éloquente : à notre connaissance, en 2023, seuls quatre professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) en activité (une seule en pédiatrie !) portent cette thématique d’enseignement et de recherche en France, contre plusieurs dizaines « nommés » sur des thématiques plus « porteuses » et pourtant moins fréquentes comme le lupus, les vascularites, le purpura thrombopénique immunologique, la mucoviscidose…
La drépanocytose ne fait pas partie du programme de l’internat sauf à travers l’item très vaste « Anémie », alors que des maladies beaucoup moins fréquentes comme le syndrome des antiphospholipides, les dermatoses bulleuses, la myasthénie… le sont. La focalisation des étudiants en médecine et de leurs formateurs sur le programme, en France, de l’examen classant national compromet ainsi une connaissance de base des jeunes médecins sur la drépanocytose. Cela n’est pas mieux dans les études en soins infirmiers qui n’intègrent pas l’enseignement de la drépanocytose. La répartition hétérogène de la maladie sur le territoire français peut expliquer que certains médecins et enseignants ne se sentent pas « concernés » par la maladie, mais l’évolution épidémiologique a beaucoup changé en quinze ans, et des patients sont maintenant régulièrement hospitalisés dans tous les territoires.1
La drépanocytose ne fait pas partie du programme de l’internat sauf à travers l’item très vaste « Anémie », alors que des maladies beaucoup moins fréquentes comme le syndrome des antiphospholipides, les dermatoses bulleuses, la myasthénie… le sont. La focalisation des étudiants en médecine et de leurs formateurs sur le programme, en France, de l’examen classant national compromet ainsi une connaissance de base des jeunes médecins sur la drépanocytose. Cela n’est pas mieux dans les études en soins infirmiers qui n’intègrent pas l’enseignement de la drépanocytose. La répartition hétérogène de la maladie sur le territoire français peut expliquer que certains médecins et enseignants ne se sentent pas « concernés » par la maladie, mais l’évolution épidémiologique a beaucoup changé en quinze ans, et des patients sont maintenant régulièrement hospitalisés dans tous les territoires.1
Accès limité à des diplômes d’université en Afrique
En Afrique, le constat est le même en ce qui concerne l’enseignement de la drépanocytose dans les facultés de médecine et instituts d’enseignement supérieur. Aucun pays ne dispose actuellement de ressources humaines qualifiées et suffisantes pour répondre efficacement à la demande de prise en charge de la drépanocytose. Les quelques praticiens spécialisés dans cette prise en charge l’ont été dans le cadre de leur formation en hématologie ou de diplôme d’université (DU) en Europe (ou plus récemment en Afrique) dont l’accès reste limité à cause de difficultés à la fois organisationnelles et financières. L’isolement des professionnels et la nécessité de déplacements sur de longues distances à des coûts élevés limitent leur accès à des formations continues. Dans ce contexte, l’avènement de moyens de communication à distance est une opportunité.
Formations en Afrique francophone sous des formats variés
Diplôme universitaire du Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose de Bamako (Mali)
Le Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (CRLD) de Bamako a été créé en 2009, soit quatre ans seulement après la publication des directives de l’Organisation mondiale de la santé qui mettaient l’accent sur la création des centres de référence de la drépanocytose en Afrique. Une des missions essentielles assignées à ces centres est la formation. Dans le cadre de cette mission, 341 médecins ont été formés, dont 40 médecins de campagne et du personnel paramédical, grâce à des ateliers et des enseignements postuniversitaires (EPU).
En 2014, la première formation diplômante sous forme de diplôme universitaire (DU) sur la drépanocytose a été créée sous l’égide de l’université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako.3 Trois objectifs spécifiques lui ont été assignés :
– dispenser un enseignement nécessaire à la compréhension de la maladie dans son mode de transmission, sa physiopathologie, son histoire naturelle et ses aspects socio-anthropologiques ;
– former les praticiens à l’interprétation des techniques de diagnostic de la drépanocytose, ainsi qu’à la reconnaissance et la prise en charge des complications de la drépanocytose ;
– donner des compétences pour communiquer efficacement sur la drépanocytose.
Première formation diplômante sur la drépanocytose en Afrique francophone, ce DU a été conçu initialement pour recevoir 20 apprenants par an. Grâce à l’appui financier du gouvernement de la principauté de Monaco, il a formé, entre 2014 et 2021, 154 médecins et internes en médecine du Mali, de neuf autres pays d’Afrique francophone (Burkina Faso, Cameroun, Madagascar, Mauritanie, Niger, République du Congo, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad) et d’Haïti. Cela représente environ 26 praticiens formés par an. Les cours sont dispensés le plus souvent en présentiel par des enseignants-chercheurs de facultés d’Afrique francophone et de France. Onze modules sont répartis en soixante heures sous forme de cours magistraux, d’études de cas ou de tables rondes sur deux semaines consécutives. Quarante heures de travail personnel sont attendues. L’importance grandissante des demandes d’inscription traduit un intérêt de plus en plus marqué des praticiens pour améliorer la prise en charge de la drépanocytose en Afrique francophone. Elle justifie la pertinence de cette formation et invite à se poser la question suivante : comment assurer sa pérennisation ? En effet, les frais d’inscription et pédagogiques de 686 euros par apprenant ne permettent malheureusement pas son autofinancement par les frais d’inscriptions des étudiants, d’où le besoin d’une subvention de la formation sur le long terme.
Les formations diplômantes en présentiel sur la drépanocytose en Afrique se heurtent donc à un défi : celui de concilier la formation massive du personnel de santé à faible coût et la nécessité d’un autofinancement de ces formations.
En 2014, la première formation diplômante sous forme de diplôme universitaire (DU) sur la drépanocytose a été créée sous l’égide de l’université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako.3 Trois objectifs spécifiques lui ont été assignés :
– dispenser un enseignement nécessaire à la compréhension de la maladie dans son mode de transmission, sa physiopathologie, son histoire naturelle et ses aspects socio-anthropologiques ;
– former les praticiens à l’interprétation des techniques de diagnostic de la drépanocytose, ainsi qu’à la reconnaissance et la prise en charge des complications de la drépanocytose ;
– donner des compétences pour communiquer efficacement sur la drépanocytose.
Première formation diplômante sur la drépanocytose en Afrique francophone, ce DU a été conçu initialement pour recevoir 20 apprenants par an. Grâce à l’appui financier du gouvernement de la principauté de Monaco, il a formé, entre 2014 et 2021, 154 médecins et internes en médecine du Mali, de neuf autres pays d’Afrique francophone (Burkina Faso, Cameroun, Madagascar, Mauritanie, Niger, République du Congo, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad) et d’Haïti. Cela représente environ 26 praticiens formés par an. Les cours sont dispensés le plus souvent en présentiel par des enseignants-chercheurs de facultés d’Afrique francophone et de France. Onze modules sont répartis en soixante heures sous forme de cours magistraux, d’études de cas ou de tables rondes sur deux semaines consécutives. Quarante heures de travail personnel sont attendues. L’importance grandissante des demandes d’inscription traduit un intérêt de plus en plus marqué des praticiens pour améliorer la prise en charge de la drépanocytose en Afrique francophone. Elle justifie la pertinence de cette formation et invite à se poser la question suivante : comment assurer sa pérennisation ? En effet, les frais d’inscription et pédagogiques de 686 euros par apprenant ne permettent malheureusement pas son autofinancement par les frais d’inscriptions des étudiants, d’où le besoin d’une subvention de la formation sur le long terme.
Les formations diplômantes en présentiel sur la drépanocytose en Afrique se heurtent donc à un défi : celui de concilier la formation massive du personnel de santé à faible coût et la nécessité d’un autofinancement de ces formations.
Diplôme interuniversitaire Kinshasa-Créteil
La République démocratique du Congo (RDC) est un territoire vaste d’Afrique centrale avec des distances importantes entre la capitale et les différentes villes. Environ 50 000 naissances d’enfants drépanocytaires y sont enregistrées chaque année, avec une mortalité très importante puisque la moitié de ces enfants n’atteignent pas l’âge de 5 ans. Un plan national stratégique de lutte contre la drépanocytose a été initié par le gouvernement de la RDC. La formation des médecins et des soignants est un pan important de cette prise en charge.
Le Pr Tite Mikobi a mis en place une collaboration étroite entre l’université de Kinshasa, l’Université libre de Bruxelles et l’université Paris-Est Créteil (UPEC)-centre de référence (CDR) de la drépanocytose de l’hôpital Henri-Mondor, afin de former environ 80 à 100 médecins par an depuis 2020. Les candidats sont regroupés à l’université de Kinshasa, où ils suivent un enseignement assuré en distanciel via une plateforme. La formation se déroule sur trois semaines, une semaine assurée par chaque équipe, avec assistance du Pr Mikobi, présent tout au long de la session. Un médecin du CDR de l’hôpital Henri-Mondor vient sur place.
Des séances de cas cliniques donnent lieu à de nombreux échanges instructifs sur les prises en charge et la nécessité de tenir compte des disponibilités des médicaments ou des examens sur place afin de hiérarchiser les soins.
Le Pr Tite Mikobi a mis en place une collaboration étroite entre l’université de Kinshasa, l’Université libre de Bruxelles et l’université Paris-Est Créteil (UPEC)-centre de référence (CDR) de la drépanocytose de l’hôpital Henri-Mondor, afin de former environ 80 à 100 médecins par an depuis 2020. Les candidats sont regroupés à l’université de Kinshasa, où ils suivent un enseignement assuré en distanciel via une plateforme. La formation se déroule sur trois semaines, une semaine assurée par chaque équipe, avec assistance du Pr Mikobi, présent tout au long de la session. Un médecin du CDR de l’hôpital Henri-Mondor vient sur place.
Des séances de cas cliniques donnent lieu à de nombreux échanges instructifs sur les prises en charge et la nécessité de tenir compte des disponibilités des médicaments ou des examens sur place afin de hiérarchiser les soins.
Formation en ligne : e-drépanocytose
Une plateforme de formation dédiée à la drépanocytose appelée « e-drépanocytose » a été créée à l’initiative de la Fondation Pierre Fabre et de l’Institut européen de coopération et de développement, dans le cadre d’un programme commun de renforcement des compétences (https:www.fondationpierrefabre.org). Cette plateforme numérique, lancée en juin 2019 et mise en ligne en 2021, met à disposition gratuitement des cours préenregistrés sur différents aspects de la prise en charge de la drépanocytose pour tous les professionnels de santé d’Afrique francophone. La Direction de la coopération internationale de la principauté de Monaco, l’Université numérique francophone mondiale, le Réseau en Afrique francophone pour la télémédecine (RAFT) et l’Agence française de développement sont les partenaires de ce programme.
La plateforme est animée par un groupe d’experts des pays du Nord et du Sud sous la coordination des Prs Jacques Elion, de la faculté de médecine de l’université Paris-Diderot en France, et Ibrahima Diagne, de l’université Gaston-Berger de Saint-Louis au Sénégal.
Cette formation n’est pas diplômante.
La plateforme est animée par un groupe d’experts des pays du Nord et du Sud sous la coordination des Prs Jacques Elion, de la faculté de médecine de l’université Paris-Diderot en France, et Ibrahima Diagne, de l’université Gaston-Berger de Saint-Louis au Sénégal.
Cette formation n’est pas diplômante.
Diplôme interuniversitaire international francophone sur la drépanocytose de Drep.Afrique et le FIFDA
L’organisation non gouvernementale Drep.Afrique (www.drep-afrique.org), dont l’un des deux objectifs est la formation des soignants africains à tous les niveaux des pyramides sanitaires sur la drépanocytose, organise, avec son conseil scientifique depuis 2021, un diplôme interuniversitaire (DIU) international francophone sous l’égide de l’université Paris-Cité et du campus franco-sénégalais. Ce DIU s’adresse aux médecins, pharmaciens mais aussi aux autres acteurs de santé ; il dure quinze jours à temps plein, en présentiel, à Dakar. Deux sessions sont proposées chaque année.
En avril 2023, l’ONG avait déjà formé plus de 150 médecins et autres professionnels du secteur médicosocial (infirmiers, sages-femmes, techniciens de laboratoire, psychologues, assistants sociaux, pharmaciens) ; l’objectif est d’atteindre une centaine de personnels de santé formés par an.
Les leçons apprises de l’organisation des formations déjà existantes ont amené l’ONG à opter pour deux approches innovantes :
– faire de cette formation une formation diplômante ;
– prendre en charge l’organisation des sessions de formation ainsi que le financement d’une grande partie des frais d’inscription (seuls 210 euros restent à la charge de l’étudiant contre plus de 600 euros pour la majorité des DIU et DU en Afrique et bien plus en France).
Les apprenants, venant de 17 pays d’Afrique francophone, sont réunis à Dakar et assistent à des cours donnés pour la plupart en visioconférence par des binômes d’enseignants à parité européen et africain (74 enseignants mobilisés). La coordination est assurée sur place par un binôme d’enseignants. Une formation pratique est également proposée sous forme de discussions de cas cliniques, d’ateliers et d’une immersion dans un service de prise en charge de la drépanocytose (unité de la drépanocytose de l’hôpital d’enfants Albert-Royer de Dakar).
Le succès est éloquent, avec une demande d’inscriptions croissante, déjà difficile à satisfaire, et une qualité exemplaire des cours et des mises en situation pratiques proposées. Outre son caractère diplômant, cette formation offre de nombreux avantages : la vie sur place pendant deux semaines d’un groupe très motivé, réuni autour d’une même thématique, permet de tisser des liens très utiles pour limiter l’isolement de ces soignants et faire émerger une dynamique de recherche et de collaboration pour la prise en charge des patients entre pays africains. De plus, chaque soignant formé réplique ensuite des formations localement sur son lieu d’exercice auprès de collaborateurs médecins et/ou infirmiers, ce qui démultiplie l’effort de formation.
Si la prise en charge de l’organisation des sessions et d’une grande partie des frais d’inscription par Drep.Afrique représente un atout, le financement des frais de déplacement et de séjour pour participer à ce DIU reste un facteur limitant pour certains professionnels de santé. Des alternatives doivent être envisagées (bourses d’État, par exem-ple) pour lever cette limitation et permettre à un maximum d’acteurs de santé de bénéficier de cette approche innovante.
Pour répondre au besoin de formation de façon plus large et moins coûteuse, le conseil scientifique de Drep.Afrique a créé, en juin 2021, le Forum international francophone sur la drépanocytose en pays africains (FIFDA). Le public ciblé est le personnel médical et paramédical mais aussi la société civile d’Afrique et d’Europe. Dès la création de ce forum annuel en ligne sur une demi-journée, plus de 500 personnes de plus de 15 pays ont assisté aux présentations, gratuites et en direct, par visioconférence. Ces exposés de mise au point d’une durée de quinze à vingt minutes sont ensuite mis à disposition gratuitement sur la chaîne YouTube de l’ONG.
En avril 2023, l’ONG avait déjà formé plus de 150 médecins et autres professionnels du secteur médicosocial (infirmiers, sages-femmes, techniciens de laboratoire, psychologues, assistants sociaux, pharmaciens) ; l’objectif est d’atteindre une centaine de personnels de santé formés par an.
Les leçons apprises de l’organisation des formations déjà existantes ont amené l’ONG à opter pour deux approches innovantes :
– faire de cette formation une formation diplômante ;
– prendre en charge l’organisation des sessions de formation ainsi que le financement d’une grande partie des frais d’inscription (seuls 210 euros restent à la charge de l’étudiant contre plus de 600 euros pour la majorité des DIU et DU en Afrique et bien plus en France).
Les apprenants, venant de 17 pays d’Afrique francophone, sont réunis à Dakar et assistent à des cours donnés pour la plupart en visioconférence par des binômes d’enseignants à parité européen et africain (74 enseignants mobilisés). La coordination est assurée sur place par un binôme d’enseignants. Une formation pratique est également proposée sous forme de discussions de cas cliniques, d’ateliers et d’une immersion dans un service de prise en charge de la drépanocytose (unité de la drépanocytose de l’hôpital d’enfants Albert-Royer de Dakar).
Le succès est éloquent, avec une demande d’inscriptions croissante, déjà difficile à satisfaire, et une qualité exemplaire des cours et des mises en situation pratiques proposées. Outre son caractère diplômant, cette formation offre de nombreux avantages : la vie sur place pendant deux semaines d’un groupe très motivé, réuni autour d’une même thématique, permet de tisser des liens très utiles pour limiter l’isolement de ces soignants et faire émerger une dynamique de recherche et de collaboration pour la prise en charge des patients entre pays africains. De plus, chaque soignant formé réplique ensuite des formations localement sur son lieu d’exercice auprès de collaborateurs médecins et/ou infirmiers, ce qui démultiplie l’effort de formation.
Si la prise en charge de l’organisation des sessions et d’une grande partie des frais d’inscription par Drep.Afrique représente un atout, le financement des frais de déplacement et de séjour pour participer à ce DIU reste un facteur limitant pour certains professionnels de santé. Des alternatives doivent être envisagées (bourses d’État, par exem-ple) pour lever cette limitation et permettre à un maximum d’acteurs de santé de bénéficier de cette approche innovante.
Pour répondre au besoin de formation de façon plus large et moins coûteuse, le conseil scientifique de Drep.Afrique a créé, en juin 2021, le Forum international francophone sur la drépanocytose en pays africains (FIFDA). Le public ciblé est le personnel médical et paramédical mais aussi la société civile d’Afrique et d’Europe. Dès la création de ce forum annuel en ligne sur une demi-journée, plus de 500 personnes de plus de 15 pays ont assisté aux présentations, gratuites et en direct, par visioconférence. Ces exposés de mise au point d’une durée de quinze à vingt minutes sont ensuite mis à disposition gratuitement sur la chaîne YouTube de l’ONG.
Symposium et congrès médicaux sur la drépanocytose
Tous les deux ans, un symposium francophone organisé en présentiel par le Réseau d’étude de la drépanocytose en Afrique centrale (REDAC) rassemble quelques centaines de médecins dans un pays différent.
Au niveau international, il existe un seul congrès dédié exclusivement à la maladie, le Global Sickle Cell Disease Network, qui a lieu tous les trois ou quatre ans, en langue anglaise, même si des efforts sont faits pour permettre des traductions simultanées. Le prochain aura lieu en Afrique en 2025.
Ces deux dernières manifestations ont pour cible uniquement des médecins, déjà pour la plupart experts de la maladie. Elles sont très importantes pour permettre les échanges et les rencontres et stimuler les vocations des plus jeunes qui peuvent notamment y présenter les résultats de leurs travaux de recherche.
Au niveau international, il existe un seul congrès dédié exclusivement à la maladie, le Global Sickle Cell Disease Network, qui a lieu tous les trois ou quatre ans, en langue anglaise, même si des efforts sont faits pour permettre des traductions simultanées. Le prochain aura lieu en Afrique en 2025.
Ces deux dernières manifestations ont pour cible uniquement des médecins, déjà pour la plupart experts de la maladie. Elles sont très importantes pour permettre les échanges et les rencontres et stimuler les vocations des plus jeunes qui peuvent notamment y présenter les résultats de leurs travaux de recherche.
Formations en France depuis 2010
En France, plusieurs formations diplômantes, DU ou certificat universitaire, existent depuis 2010. D’autres formations non diplômantes sont régulièrement assurées par les centres de référence (CDR) et de compétences. La formation des soignants et des internes dans les hôpitaux est un travail de fond qui fait partie des missions des CDR et de la filière de santé Maladies constitutionnelles rares du globule rouge et de l’érythropoïèse (MCGRE), mais devrait aussi avoir lieu, plus généralement, dans tous les hôpitaux recevant ces patients. En effet, on peut s’interroger sur l’inadéquation de l’offre de formation par rapport à la fréquence de cette pathologie en 2023 sur l’ensemble du territoire et sur la pertinence de la rendre obligatoire au sein des facultés de médecine au même titre que celles d’autres pathologies d’incidence similaire. Le même constat prévaut pour les écoles en soins infirmiers et la formation d’infirmiers en pratique avancée (IPA), qui pourraient être très utiles dans la prise en charge de cette pathologie en appui des médecins (par exemple par la mise à jour du calendrier vaccinal spécifique, le suivi de certains traitements, la prise en charge de la douleur…).
Deux formations spécifiques à l’université Paris-Est Créteil
Diplôme universitaire syndromes drépanocytaires majeurs
Cette formation est destinée aux médecins et se déroule durant deux semaines à plein temps, en présentiel, à l’université Paris-Est Créteil (UPEC). Elle vise à transmettre :– les bases épidémiologiques, moléculaires, génétiques et physiopathologiques des pathologies génétiques du globule rouge ;
– les approches diagnostiques étiologiques et des manifestations biologiques et cliniques de ces pathologies ;
– les bases de la thérapeutique dans ce domaine.
La capacité de formation est de 30 à 40 médecins par an.
Les participants à la formation travaillent souvent dans des hôpitaux ayant une fréquentation importante de patients drépanocytaires, ou sont de nouveaux médecins de centres de référence ou de compétences. Ils exercent dans toute la métropole mais aussi dans les régions d’outre-mer et parfois dans des pays d’Afrique francophone.
La proximité et les échanges directs lors des cours permettent de favoriser les circuits et les parcours de soins. Le coût de cette formation reste important, comme celui de tous les DU pour les médecins venant d’autres pays et devant, de plus, assurer leur hébergement. Les échanges avec les spécialistes dans chaque domaine sont très riches, comme en témoignent la satisfaction et le retour des candidats.
Certificat diplômant court et pratique
En parallèle du DU, un certificat diplômant a été créé pour le personnel paramédical en 2010. Cette formation est plus courte (3 jours), ce qui permet aux participants de s’absenter des services. Destinée aux infirmiers et aides-soignants, conseillers en génétique, kinésithérapeutes, psychologues…, elle se veut très pratique. Elle est habituellement prise en charge dans le cadre de la formation continue par les employeurs. Chaque année, une quarantaine de soignants venant de plusieurs régions françaises y participe, et le nombre d’inscrits est en augmentation constante.Trois autres diplômes universitaires en France
Trois autres diplômes universitaires sont dispensés en France : le DU « on line » sur la drépanocytose de l’université Paris-Cité, le DU drépanocytose aux Antilles et le DU pathologies érythrocytaires de Montpellier.
Le DU on line, dirigé par le Pr Mariane de Montalembert, est destiné aux médecins, infirmiers, kinésithérapeutes et psychologues. L’enseignement est consacré à la physiopathologie et au traitement des syndromes drépanocytaires majeurs de l’enfant et de l’adulte, avec un accent particulier sur l’éducation thérapeutique. Les cours ont lieu deux jours par mois, de décembre à juin, avec la possibilité de cours en présentiel (enseignant sur place à Paris) et en distanciel, en replay grâce à l’enregistrement des cours. Une trentaine de personnels médical ou paramédical est formé chaque année.
Le DU antillais est organisé par les Drs Maryse Étienne-Julan, Gylna Loko et le Pr Narcisse Elenga en alternance, aux Antilles, ce qui évite des déplacements coûteux des soignants vers la métropole. Il propose une formation générale sur la drépanocytose, avec des objectifs pour acquérir les bases théoriques et pratiques nécessaires à la prise en charge globale de la personne drépanocytaire.
Enfin, le DU pathologie érythrocytaire de l’université de Montpellier, créé par le Pr Patricia Aguilar-Martinez, permet d’approfondir les principaux diagnostics étiologiques et différentiels des pathologies érythrocytaires, même s’il n’est pas spécifiquement centré sur la drépanocytose.
Le DU on line, dirigé par le Pr Mariane de Montalembert, est destiné aux médecins, infirmiers, kinésithérapeutes et psychologues. L’enseignement est consacré à la physiopathologie et au traitement des syndromes drépanocytaires majeurs de l’enfant et de l’adulte, avec un accent particulier sur l’éducation thérapeutique. Les cours ont lieu deux jours par mois, de décembre à juin, avec la possibilité de cours en présentiel (enseignant sur place à Paris) et en distanciel, en replay grâce à l’enregistrement des cours. Une trentaine de personnels médical ou paramédical est formé chaque année.
Le DU antillais est organisé par les Drs Maryse Étienne-Julan, Gylna Loko et le Pr Narcisse Elenga en alternance, aux Antilles, ce qui évite des déplacements coûteux des soignants vers la métropole. Il propose une formation générale sur la drépanocytose, avec des objectifs pour acquérir les bases théoriques et pratiques nécessaires à la prise en charge globale de la personne drépanocytaire.
Enfin, le DU pathologie érythrocytaire de l’université de Montpellier, créé par le Pr Patricia Aguilar-Martinez, permet d’approfondir les principaux diagnostics étiologiques et différentiels des pathologies érythrocytaires, même s’il n’est pas spécifiquement centré sur la drépanocytose.
Perspectives d’amélioration et de diffusion du savoir
Différentes voies d’amélioration de la formation et de l’information des professionnels existent, parmi lesquelles la diffusion d’informations via les réseaux de la filière des maladies rares, l’organisation de journées scientifiques (journée annuelle de l’hôpital Tenon par exemple) et de journées thématiques nationales ou régionales. La réalisation des protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) et les publications des recommandations sont des référentiels qui aident les professionnels dans la prise en charge des patients. L’organisation d’une veille bibliographique par la filière permet aussi de rester informé des avancées des traitements et de la recherche sur les pathologies rares du globule rouge.
Cependant, il reste une lacune importante dans la formation socle des médecins et des soignants en France. La prise en charge de la douleur paraît primordiale ; la titration, la prescription d’une pompe à morphine, la combinaison des antalgiques sont des moyens qui peuvent servir dans toute pathologie, notamment à la prise en charge des patients drépanocytaires aux urgences.
En Afrique, outre l’offre encore réduite, le problème essentiel est le financement de ces formations, à la charge des soignants. De plus, le raisonnement médical et la conduite à tenir en l’absence de prise en charge financière ne peuvent suivre la même logique qu’en Europe, ce qui demande une réflexion des médecins pour trouver la meilleure solution pour les patients en tenant compte des freins financiers, logistiques ou organisationnels locaux. Des formations pratiques avec des déplacements de chirurgiens et spécialistes, et des interventions programmées sur place en vue d’un transfert/échange de savoir-faire paraissent des perspectives possibles.
Cependant, il reste une lacune importante dans la formation socle des médecins et des soignants en France. La prise en charge de la douleur paraît primordiale ; la titration, la prescription d’une pompe à morphine, la combinaison des antalgiques sont des moyens qui peuvent servir dans toute pathologie, notamment à la prise en charge des patients drépanocytaires aux urgences.
En Afrique, outre l’offre encore réduite, le problème essentiel est le financement de ces formations, à la charge des soignants. De plus, le raisonnement médical et la conduite à tenir en l’absence de prise en charge financière ne peuvent suivre la même logique qu’en Europe, ce qui demande une réflexion des médecins pour trouver la meilleure solution pour les patients en tenant compte des freins financiers, logistiques ou organisationnels locaux. Des formations pratiques avec des déplacements de chirurgiens et spécialistes, et des interventions programmées sur place en vue d’un transfert/échange de savoir-faire paraissent des perspectives possibles.
Déployer encore la formation
Une meilleure prise en charge des patients atteints de drépanocytose passe obligatoirement par la formation des soignants. L’offre de formation spécialisée s’est étoffée ces dernières années en France et en Afrique en présentiel, en distanciel, sur une période en temps complet ou de façon séquentielle.
Cependant, à la vue de la fréquence de cette pathologie, il est nécessaire d’introduire les grands principes de sa prise en charge dans le socle des études de tous les étudiants des facultés de santé. Des collaborations plus larges avec transfert de savoir-faire dans les domaines plus techniques, chirurgicaux ou d’imagerie médicale pourraient être envisagées en organisant des échanges avec les pays à forte prévalence pour la drépanocytose.
Cependant, à la vue de la fréquence de cette pathologie, il est nécessaire d’introduire les grands principes de sa prise en charge dans le socle des études de tous les étudiants des facultés de santé. Des collaborations plus larges avec transfert de savoir-faire dans les domaines plus techniques, chirurgicaux ou d’imagerie médicale pourraient être envisagées en organisant des échanges avec les pays à forte prévalence pour la drépanocytose.
Références
1. Arlet JB. Épidémiologie de la drépanocytose en France et dans le monde. Rev Prat 2023; 73(5):500-4.
2. Serjeant GR, Serjeant BE. Management of sickle cell disease: Lessons from the Jamaican Cohort Study. Blood Rev 1993;7:137-45.
3. Diallo DA. Le Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (CRLD) de Bamako : un exemple de partenariat public-privé Nord-Sud. Bull Acad Natl Med 2013;197:1221-3.
2. Serjeant GR, Serjeant BE. Management of sickle cell disease: Lessons from the Jamaican Cohort Study. Blood Rev 1993;7:137-45.
3. Diallo DA. Le Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (CRLD) de Bamako : un exemple de partenariat public-privé Nord-Sud. Bull Acad Natl Med 2013;197:1221-3.