Le premier livret connu sur ce sujet, « Interrogatoire et examen de l’hypertendu en 30 étapes », publié en 1977 par le Pr Joël Ménard et édité par les laboratoires Roussel, comportait 25 pages (format A3) dédiées à l’interrogatoire et à l’examen clinique…
Que reste-t-il 40 ans plus tard ? Le clinicien a-t-il besoin de consacrer autant de temps à décliner ce long processus, dont la qualité dépend fortement de la mémoire des questions et de l’expérience du praticien à les formuler, les organiser… Avons-nous toujours besoin d’un examen clinique alors que nous disposons aujourd’hui de dopplers, d’échocardiographies, d’échographes portatifs beaucoup plus sensibles et spécifiques que nos sens (vue, ouïe, toucher). Avec la généralisation des tomodensitométries thoraco-abdomino-pelviennes réalisées pour tout symptôme, précisant – parfois à l’insu de notre demande – l’état aorto-iliaque, la taille et l’aspect des reins, des surrénales et qui visualisent parfois des anomalies en rapport avec la prise en charge de l’hypertension artérielle mais aussi découvrent de nombreux incidentalomes, quel est l’apport réel de la palpation et de l’auscultation ?
Lors de la prise en charge d’un patient nouvellement hypertendu ou d’un hypertendu que l’on prend en charge pour la première fois, l’interrogatoire et l’examen clinique ont pour but de rechercher et d’évaluer les cofacteurs de risque cardiovasculaire, leur retentissement cardiovasculaire, les arguments en faveur d’une hypertension secondaire (a fortiori en cas d’hypertension artérielle juvénile et/ou de résistance au traitement déjà authentifiée), les allergies et intolérances survenues notamment aux antihypertenseurs déjà utilisés, les antécédents personnels et familiaux, et d’orienter les décisions d’éventuelles explorations complémentaires et de traitements. L’interrogatoire, parfaitement décrit dans les recommandations 2018 de l’European Society of Hypertension (ESH),1 est résumé et adapté dans le tableau 1. Cette longue liste est difficile à mémoriser. Dans le temps limité de la consultation, le médecin peut oublier de poser certaines questions, ou le patient, qui ne s’attend pas à certaines d’entre elles, peut ne pas être capable de répondre. C’est dire si la préparation de la consultation, en amont de celle-ci, peut améliorer la qualité de l’anamnèse.

Questionnaire patient

Notre groupe a développé dès 1975 un dossier médical informatisé normalisé destiné à prendre en charge les patients hypertendus en consultation à l’hôpital Broussais puis à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris, France).2-4 Il a été utilisé quotidiennement depuis lors à la fois pour la pratique clinique et à des fins de recherche. Cette observation médicale complétée par le médecin a évolué au fil du temps pour refléter les changements survenus dans les recommandations.5 Nous avons utilisé tous les éléments inclus dans le dossier médical standardisé informatisé pour établir un questionnaire patient (HY-Quest), contenant 97 questions fermées (mutuellement exclusives : « oui », « non », « je ne sais pas »), avec des demandes d’informations supplémentaires en cas de besoin, et sept questions optionnelles en texte libre, incluant des questions sur les traitements médicamenteux (nom, dose et nombre de prises quotidiennes). Les patients ont été invités à répondre « je ne sais pas » s’ils avaient des difficultés à comprendre la question plutôt que de risquer de donner une réponse incorrecte. Ce questionnaire se concentre sur des données objectives et n’inclut pas de questions subjectives.
Cet autoquestionnaire formulé dans un langage accessible au patient comprend également des annotations demandant au patient d’apporter les antériorités des résultats des examens biologiques et hormonaux déjà faits, les supports numériques des imageries réalisées, les comptes-rendus des revascularisations. Lors de la consultation, il ne s’agit pas de simplement lire les réponses mais de les revoir avec le patient, pour en préciser certaines, au cours d’un dialogue permettant aussi d’évaluer la psychologie du patient, sa compréhension de son hypertension artérielle et de son risque cardiovasculaire, sa compréhension et son vécu des bénéfices et/ou effets indésirables du traitement médicamenteux, son appréhension de la chronicité du traitement, enfin de ses attentes. Ce questionnaire a fait l’objet d’une validation au cours de laquelle nous avons mis en évidence que les questions des antécédents familiaux et des traitements étaient les moins bien renseignées.6 Ce questionnaire est disponible en ligne (http://www.hy-quest.com/).

Examen clinique initial

L’examen clinique initial s’inscrit dans la même démarche. Il est lui aussi décrit dans les recommandations 2018 de l’European Society of Hypertension (ESH)1 et résumé et adapté dans le tableau 2. Il est probablement moins important que l’interrogatoire, du fait de la rareté des maladies qu’il est censé rechercher, mais il est rapide. C’est à partir de l’ensemble des réponses aux questions et des constatations de l’examen clinique que sont orientées les explorations complémentaires spécifiques. C’est dire l’importance de cette partie initiale de la prise en charge de l’hypertendu, même en 2019, dans un contexte d’accès relativement aisé aux examens complémentaires sophistiqués !

Suivi du patient

Lors du suivi d’un patient hypertendu, l’interrogatoire est beaucoup plus simple et rapide. Il précise les habitus (tabac, alcool, activité physique…). Il recherche les événements et signes fonctionnels survenus dans l’intervalle, essentiellement cardiovasculaires, ainsi que les éventuelles explorations complémentaires réalisées, les hospitalisations, et revascularisations. Il précise également les modifications des traitements antihypertenseurs et des autres facteurs de risque. Point essentiel, il précise la méthodologie de l’automesure tensionnelle réalisée et analyse son résultat (atteinte ou non de la pression artérielle cible). Il peut lui aussi être anticipé par un questionnaire (http://centre-hypertension.org/2017/05/preparer-sa-consultation/). En l’absence de survenue d’événement et/ou de signe fonctionnel, l’examen clinique peut se résumer à la pesée, la mesure de la pression artérielle, la recherche d’une hypotension orthostatique, et la vérification de la régularité cardiaque. Ces gestes constituent un minimum incontournable.
Quarante ans après la première publication « Interrogatoire et examen de l’hypertendu en 30 étapes », il apparaît que plus que l’examen clinique « physique » de l’hypertendu « challengé » par des technologies complémentaires performantes et de plus en plus accessibles, c’est l’interrogatoire qui doit être privilégié. Son exhaustivité et sa précision ne peuvent être renforcées que par des outils systématisés, validés, facilement accessibles « en ligne » tels que Hy-Quest qui nous semblent à privilégier. Reste bien sûr à démontrer que leur utilisation est d’un rapport coût-bénéfice supérieur ! 
Références
1. Williams B, Mancia G, Spiering W, et al.; Task Force Members. 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension: The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Cardiology and the European Society of Hypertension. J Hypertens 2018;36:1953-2041.
2. Goupy F, Degoulet P, Berger C, Hirel JC, Plouin PF, Ménard J. ARTEMIS follow-up of hypertensive patients. In: Shires D, Wolf BH, editors. Medinfo 77. Amsterdam, 1977:529-32.
3. Degoulet P, Ménard J, Berger C, Plouin PF, Devries CL, Hirel JC. Hypertension management: the computer as a participant. Am J Med 1980;68:559-67.
4. Degoulet P, Ménard J, Devries Cl, Berger Ch, Hirel JCl. Computerized evaluation of medical activities in hypertension care. In: Lindberg DAB, Kaihara S, editors. Medinfo 80. Amsterdam: IFIP, 1980:607-10.
5. Steichen O, Rossignol P, Daniel-Lebozec CH, Charlet J, Jaulent MC, Degoulet P. Maintenance of a computerized medical record form. AMIA Symp Proc 2007;691-5.
6. Postel-Vinay N, Bobrie G, Steichen O, et al. HY-Quest, standardized patient questionnaire to be completed at home before a first visit for hypertension: a validation study in specialized centres in France. J Hypertens 2014;32:693-8.

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