De nombreuses études et recommandations ont été consacrées aux modalités d’annonce diagnostique des maladies graves aux parents des enfants atteints. En revanche, relativement peu d’études s’attachent à l’annonce de ces diagnostics aux enfants eux-mêmes. Pourtant, il est indispensable que les enfants malades soient directement informés de manière adaptée à leur âge, au contexte familial et dans l’alliance avec eux-mêmes et leurs parents.
Accueil de l’enfant
L’enfant est toujours accueilli avec ses parents ; l’interrogatoire initial reprend les événements récents et les données cliniques qui ont conduit aux explorations paracliniques permettant de poser le diagnostic ou la suspicion de diagnostic d’une maladie grave. S’adresser à l’enfant en âge verbal pour savoir ce qu’il a compris des événements récents et quelles explications lui ont déjà été données est une étape très utile, le mettant au centre du débat, lui permettant de s’exprimer, s’il ou elle le souhaite, et permettant aux soignants de connaître son niveau d’information. S’adresser à l’enfant en âge préverbal auprès de ses parents est également très important pour tenter de le rassurer. L’urgence est de traiter les éventuels symptômes qui peuvent être menaçants sur le plan vital ou source de douleurs, d’inconfort ou de handicap. Il est dans ce contexte essentiel de nommer les symptômes, d’expliquer leur origine et les mesures prises pour tenter de les soulager au plus vite. L’annonce du diagnostic n’est pas un processus isolé : il est crucial de l’associer, dès le début, à la notion de prise en charge et au traitement. Naturellement, les informations dont on dispose initialement sont souvent insuffisantes pour procéder d’emblée à une annonce précise du plan de traitement, mais associer l’annonce du diagnostic de la maladie à la description des principes généraux des traitements permet d’ouvrir la porte sur des informations positives malgré la lourdeur du diagnostic. Cela est vrai pour le médecin non spécialiste qui peut être amené à faire une première annonce avant d’adresser l’enfant en milieu spécialisé, mais cela est également vrai pour le médecin spécialiste qui, le plus souvent, ne dispose pas d’emblée de l’ensemble des informations permettant un diagnostic précis ni, a fortiori, un plan thérapeutique détaillé.
Annoncer les traitements et les risques
En pratique, l’annonce du diagnostic est donc enchevêtrée avec l’annonce des traitements mais aussi avec celle des risques liés à la maladie et aux traitements.1 Cette annonce est également indispensable mais il est souvent justifié que le niveau d’information sur ces risques ne soit pas le même pour l’enfant malade et ses parents. Toutefois, lorsque des explorations supplémentaires sont nécessaires pour avoir une évaluation de base avant traitement, il est indispensable d’expliquer à l’enfant pourquoi on fait cet examen supplémentaire. Par ailleurs, certaines mesures prises pour contourner les risques, telles que les mesures de préservation de la fertilité,2 imposent également l’annonce de ces risques et peuvent souvent être vécues positivement puisqu’elles témoignent qu’un avenir est envisagé malgré la lourdeur du diagnostic et des traitements. En cancérologie, il est de plus très fréquent que l’annonce du traitement initial survienne dans un contexte où l’on est amené à proposer la participation à un essai thérapeutique3 ou d’autres types d’études impliquant la personne humaine, ce qui accroît encore le niveau de complexité de l’annonce. Malgré cette complexité, une information spécifique des enfants et adolescents concernant ces divers aspects de l’annonce initiale doit donc être entreprise.
Un cheminement adapté à chacun
Le processus de l’annonce du diagnostic doit se faire par étapes successives, afin de respecter un rythme différent de cheminement chez l’enfant et chez chacun de ses parents, même si parfois les circonstances cliniques imposent la mise en route du traitement assez rapidement.
Chez les jeunes enfants
Chez les jeunes enfants, il est simple et justifié de faire des entretiens d’annonce en dehors de leur présence. On explique à l’enfant lors de l’entretien initial que les mots ne sont pas les mêmes pour les enfants et les « grandes personnes » et qu’à l’issue de ce premier contact, avec lui et ses parents ensemble, il est indispensable que l’on voie ses parents sans lui et qu’on le verra ensuite avec eux pour lui donner les explications sur la maladie et les traitements. Il est essentiel de répondre aux questions soulevées par les parents, mais il n’est pas nécessaire ni souhaitable de répondre à des questions que l’enfant malade ne peut ou ne souhaite pas poser : le processus à plusieurs étapes de l’annonce permet une évolution de la configuration des entretiens selon les informations abordées et permet de respecter le souhait de l’enfant d’y participer ou non.
Chez les enfants plus grands
Il est important de pouvoir proposer aux enfants plus grands un espace de parole, s’ils le souhaitent, sans leurs parents : cette possibilité peut être d’emblée abordée lors des entretiens avec les parents.
Chez les adolescents
Il est indispensable de proposer aux adolescents des entretiens en dehors de la présence de leurs parents.4 Il est rare qu’ils ne le souhaitent pas à un moment donné du parcours graduel de l’annonce du diagnostic. Il arrive que les parents s’y opposent initialement mais la construction de l’alliance permet le plus souvent de ménager ces temps d’entretiens avec l’adolescent malade. Il est également important de prévenir et recueillir l’assentiment de l’adolescent lorsque ses parents sont reçus en entretien en dehors de sa présence. Il est très rare que cela ne soit pas accepté par l’adolescent, en expliquant de manière transparente qu’il est probable que ses parents n’oseraient pas poser toutes leurs questions en sa présence.
Un traumatisme, quelle que soit la qualité de l’annonce
L’expérience du médecin est évidemment un facteur important dans le processus de l’annonce à l’enfant. Cependant, quelle que soit cette expérience clinique et l’attention portée à ce processus d’annonce, le moment de l’annonce diagnostique reste toujours traumatique. On a coutume de dire que « l’annonce, c’est dire ce que l’on n’a pas envie de dire à quelqu’un qui n’a pas envie de l’entendre » : c’est en effet la délivrance d’une information « inentendable » par le médecin au groupe familial dont il est question.5
Il est pourtant fondamental que l’équipe soignante dans son ensemble apporte un soin particulier au processus de l’annonce car c’est aussi un temps de rencontre, un moment constitutif de l’alliance thérapeutique et de la confiance réciproque qui sont nécessaires au meilleur déroulement possible du parcours de soins de l’enfant gravement malade. De ce point de vue, on considère que l’annonce à l’enfant est étroitement liée et indissociable de l’annonce faite à ses parents puisqu’on s’adresse ici à une dyade parents-enfant. Cela constitue fondamentalement la spécificité de la médecine pédiatrique et se réfère à la célèbre formulation du pédiatre-psychanalyste Winnicott : « Un enfant seul ça n’existe pas. »6
Quelle que soit la qualité de l’annonce, des processus inconscients vont être activés chez l’enfant malade et ses parents, et ceux-ci vont venir perturber et modifier l’écoute et la compréhension des informations médicales. Tout se passe comme si, sous l’effet de la violence du diagnostic, de sa gravité et du risque de mort qui l’accompagne parfois, les dires du médecin étaient filtrés par la subjectivité du patient, sans parler de la sidération qui bloque également la capacité à entendre et intégrer les informations. De plus, l’écoute de chaque famille est différente en fonction de leur histoire, de leur culture et de problématiques anciennes, notamment celles qui peuvent avoir trait à la maladie somatique, à la mort ou à diverses expériences traumatiques. Pour toutes ces raisons, les équipes soignantes doivent avoir en tête qu’il existe toujours un décalage entre ce qui est dit et ce qui est entendu.
C’est pour cela que le temps est si important et que l’annonce doit être envisagée comme un processus et non un moment isolé. Le temps psychique, en effet, n’est pas toujours accordé à la réalité médicale. Comme cela a été évoqué précédemment, face au diagnostic qui souvent réveille l’angoisse de mort, des mécanismes de défense inconscients7 vont se mettre en place. Leur objectif vise avant tout à préserver l’intégrité de la vie psychique et sa continuité face à la menace que représente la survenue de la maladie grave. C’est pourquoi il convient d’abord et avant tout pour les soignants de repérer ces mécanismes de défense et de comprendre leur valeur et leur fonction pour les parents et aussi pour l’enfant.
Au départ, en fonction bien sûr de son âge et de sa maturité affective et cognitive, l’enfant va entendre ce qu’il est capable d’intégrer psychiquement à ce moment précis. Le temps va lui permettre de s’approprier petit à petit ce qui lui arrive, en particulier au travers de son expérience corporelle de la maladie et des soins, et il pourra par le récit et avec le support des adultes (parents, soignants, psychologues, etc.) s’approprier et donner du sens à ce moment de l’annonce. Avec le temps et une meilleure connaissance de la famille, le médecin est capable d’évaluer l’information que l’enfant est « prêt » à entendre ainsi que de respecter le droit de l’enfant à ne pas savoir. Ce qu’il faut prendre en compte c’est son désir ou non de parler de ce qui lui arrive, d’en savoir plus ou pas… Ce sont donc les questions de l’enfant, son silence éventuel, voire son refus d’en parler qui peuvent guider les adultes, parents et soignants, dans un accompagnement de qualité, respectueux de là où en est l’enfant d’un point de vue psychique et émotionnel. La responsabilité des adultes est de dire à l’enfant et de lui faire sentir qu’il trouvera des réponses à ses questions s’il souhaite en poser.
Il est utile de se rappeler également que bien souvent l’ensemble de l’expérience de la maladie grave ne peut être « traitée » par le psychisme de l’enfant encore en développement. Une partie de ce travail psychique est souvent remise à plus tard et doit faire l’objet d’une élaboration à distance, renvoyant à ce concept de l’après-coup, si important dans ces situations potentiellement traumatiques. Ainsi n’est-il pas rare de rencontrer des mois, voire plus fréquemment des années après, des enfants devenus de grands adolescents ou de jeunes adultes revenir à l’hôpital pour avoir des explications, comprendre ce qui leur est arrivé et reconstruire leur histoire pour mieux l’intégrer psychiquement. En ce sens, on peut constater que l’annonce arrive toujours trop tôt, c’est bien souvent dans un deuxième temps que le sujet pourra vraiment l’entendre et l’intégrer.8, 9
Il est pourtant fondamental que l’équipe soignante dans son ensemble apporte un soin particulier au processus de l’annonce car c’est aussi un temps de rencontre, un moment constitutif de l’alliance thérapeutique et de la confiance réciproque qui sont nécessaires au meilleur déroulement possible du parcours de soins de l’enfant gravement malade. De ce point de vue, on considère que l’annonce à l’enfant est étroitement liée et indissociable de l’annonce faite à ses parents puisqu’on s’adresse ici à une dyade parents-enfant. Cela constitue fondamentalement la spécificité de la médecine pédiatrique et se réfère à la célèbre formulation du pédiatre-psychanalyste Winnicott : « Un enfant seul ça n’existe pas. »6
Quelle que soit la qualité de l’annonce, des processus inconscients vont être activés chez l’enfant malade et ses parents, et ceux-ci vont venir perturber et modifier l’écoute et la compréhension des informations médicales. Tout se passe comme si, sous l’effet de la violence du diagnostic, de sa gravité et du risque de mort qui l’accompagne parfois, les dires du médecin étaient filtrés par la subjectivité du patient, sans parler de la sidération qui bloque également la capacité à entendre et intégrer les informations. De plus, l’écoute de chaque famille est différente en fonction de leur histoire, de leur culture et de problématiques anciennes, notamment celles qui peuvent avoir trait à la maladie somatique, à la mort ou à diverses expériences traumatiques. Pour toutes ces raisons, les équipes soignantes doivent avoir en tête qu’il existe toujours un décalage entre ce qui est dit et ce qui est entendu.
C’est pour cela que le temps est si important et que l’annonce doit être envisagée comme un processus et non un moment isolé. Le temps psychique, en effet, n’est pas toujours accordé à la réalité médicale. Comme cela a été évoqué précédemment, face au diagnostic qui souvent réveille l’angoisse de mort, des mécanismes de défense inconscients7 vont se mettre en place. Leur objectif vise avant tout à préserver l’intégrité de la vie psychique et sa continuité face à la menace que représente la survenue de la maladie grave. C’est pourquoi il convient d’abord et avant tout pour les soignants de repérer ces mécanismes de défense et de comprendre leur valeur et leur fonction pour les parents et aussi pour l’enfant.
Au départ, en fonction bien sûr de son âge et de sa maturité affective et cognitive, l’enfant va entendre ce qu’il est capable d’intégrer psychiquement à ce moment précis. Le temps va lui permettre de s’approprier petit à petit ce qui lui arrive, en particulier au travers de son expérience corporelle de la maladie et des soins, et il pourra par le récit et avec le support des adultes (parents, soignants, psychologues, etc.) s’approprier et donner du sens à ce moment de l’annonce. Avec le temps et une meilleure connaissance de la famille, le médecin est capable d’évaluer l’information que l’enfant est « prêt » à entendre ainsi que de respecter le droit de l’enfant à ne pas savoir. Ce qu’il faut prendre en compte c’est son désir ou non de parler de ce qui lui arrive, d’en savoir plus ou pas… Ce sont donc les questions de l’enfant, son silence éventuel, voire son refus d’en parler qui peuvent guider les adultes, parents et soignants, dans un accompagnement de qualité, respectueux de là où en est l’enfant d’un point de vue psychique et émotionnel. La responsabilité des adultes est de dire à l’enfant et de lui faire sentir qu’il trouvera des réponses à ses questions s’il souhaite en poser.
Il est utile de se rappeler également que bien souvent l’ensemble de l’expérience de la maladie grave ne peut être « traitée » par le psychisme de l’enfant encore en développement. Une partie de ce travail psychique est souvent remise à plus tard et doit faire l’objet d’une élaboration à distance, renvoyant à ce concept de l’après-coup, si important dans ces situations potentiellement traumatiques. Ainsi n’est-il pas rare de rencontrer des mois, voire plus fréquemment des années après, des enfants devenus de grands adolescents ou de jeunes adultes revenir à l’hôpital pour avoir des explications, comprendre ce qui leur est arrivé et reconstruire leur histoire pour mieux l’intégrer psychiquement. En ce sens, on peut constater que l’annonce arrive toujours trop tôt, c’est bien souvent dans un deuxième temps que le sujet pourra vraiment l’entendre et l’intégrer.8, 9
Informer sans violence ni trahison
Un groupe de réflexion unissant parents, soignants, psychologue, philosophe avait travaillé sur l’annonce du diagnostic de cancer en pédiatrie il y a quelques années au sein de l’Espace éthique de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris10 et la recommandation synthétisant cette réflexion reste aujourd’hui pertinente : il faut informer « sans violence ni trahison ». Ce principe synthétique guide les conditions de l’annonce du diagnostic d’une maladie grave en pédiatrie, tant aux parents qu’à l’enfant malade.
Références
1. Doz F, Davous D, Seigneur E, Heard M ; Groupe de réflexion et de recherche au sein de l’Espace éthique AP-HP : parents et soignants face à l’éthique en pédiatrie. Risk announcement in paediatric cancerology: strengthen the therapeutic alliance.Arch Pediatr 2008;15:291-300.
2. Dubois C, Seigneur E, Pacquement H, Laurence V, Brugières L, Flahault C.Cryopréservation de sperme chez les adolescents atteints de cancer – Partie II. Étude de l’expérience subjective rétrospective des patients. Psycho-Oncol 2017;11:146-54.
3. Dupont JC, Pritchard-Jones K, Doz F. Ethical issues of clinical trials in paediatric oncology from 2003 to 2013: a systematic review. Lancet Oncol 2016;17: e187-97.
4. Rude-Antoine E. L’annonce du diagnostic de cancer et sa stratégie thérapeutique. In: Cancer de l’adolescent et du jeune adulte. Éthique et humanisme. Londres : ISTE éditions, Coll. Santé Technologies et Société, 2017.
5. Zucker JM. L’annonce de la maladie grave chez l'enfant. Laennec 2007;55:10.3917/lae.072.0013.
6. Winnicott D. De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris : Payot, 1969.
7. Ruszniewski M. Face à la maladie grave, patients, familles, soignants. Paris : Dunod, Coll. Pratiques Médicales, 2014.
8. Bouthier M, Colmon-Demol A, Joron-Lezmi E. La vie après. Réflexions sur les jeunes adultes ayant été malades dans l’enfance. Psycho-Oncol 2017;11:4-108.
9. Seigneur E, Dugert M, Rodriguez Cortina M. Des psychothérapies à l’hôpital en oncologie pédiatrique : quel cadre thérapeutique ? Quelles modalités ? Psycho-Oncol 2018;12:283-9.
10. Davous D, Haddad E, Carpentier S, et al. L’annonce du diagnostic en pédiatrie en cas de maladie grave de l’enfant. MT Pediatrie 2002;5:25-31.
2. Dubois C, Seigneur E, Pacquement H, Laurence V, Brugières L, Flahault C.Cryopréservation de sperme chez les adolescents atteints de cancer – Partie II. Étude de l’expérience subjective rétrospective des patients. Psycho-Oncol 2017;11:146-54.
3. Dupont JC, Pritchard-Jones K, Doz F. Ethical issues of clinical trials in paediatric oncology from 2003 to 2013: a systematic review. Lancet Oncol 2016;17: e187-97.
4. Rude-Antoine E. L’annonce du diagnostic de cancer et sa stratégie thérapeutique. In: Cancer de l’adolescent et du jeune adulte. Éthique et humanisme. Londres : ISTE éditions, Coll. Santé Technologies et Société, 2017.
5. Zucker JM. L’annonce de la maladie grave chez l'enfant. Laennec 2007;55:10.3917/lae.072.0013.
6. Winnicott D. De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris : Payot, 1969.
7. Ruszniewski M. Face à la maladie grave, patients, familles, soignants. Paris : Dunod, Coll. Pratiques Médicales, 2014.
8. Bouthier M, Colmon-Demol A, Joron-Lezmi E. La vie après. Réflexions sur les jeunes adultes ayant été malades dans l’enfance. Psycho-Oncol 2017;11:4-108.
9. Seigneur E, Dugert M, Rodriguez Cortina M. Des psychothérapies à l’hôpital en oncologie pédiatrique : quel cadre thérapeutique ? Quelles modalités ? Psycho-Oncol 2018;12:283-9.
10. Davous D, Haddad E, Carpentier S, et al. L’annonce du diagnostic en pédiatrie en cas de maladie grave de l’enfant. MT Pediatrie 2002;5:25-31.