Les troubles à symptomatologie neurologique fonctionnelle, ou trouble de conversion, se caractérisent par un ou des déficits moteurs ou sensoriels inexpliqués qui suggèrent la présence d’un trouble neuro­logique ou d’un trouble médical autre. Des facteurs de stress peuvent être retrouvés mais pas nécessairement (v. p. 195).
Quel est l’apport de la recherche dans la prise en charge des troubles neurologiques fonctionnels ? Les différentes études rapportées dans la littérature scientifique peuvent nous servir de supports afin d’expliquer au mieux la pathologie au patient. Cette explication est la première étape, essentielle pour une bonne compréhension et acceptation du diagnostic, ainsi qu’une bonne adhésion au traitement (v. p. 209).

Ce n’est pas de la simulation

Le fonctionnement cérébral en imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf) de patients atteints d’un déficit moteur fonctionnel est différent de celui de sujets sains (contrôles) devant simuler un même déficit.1 Les patients, comme les sujets du groupe « contrôle », ont une activation moins intense du cortex moteur controlatéral au membre atteint par rapport au membre sain. En revanche, les patients se distinguent des sujets du groupe « contrôle » par la présence d’une activation plus complexe avec : une activation des ganglions de la base, de l’insula, du gyrus lingual et du cortex frontal inférieur ; une hypoactivation du gyrus frontal médian droit et du cortex orbitofrontal : et une activation de l’aire motrice supplémentaire controlatérale lors du mouvement du membre atteint par rapport au membre sain. La différence entre paralysie fonctionnelle et paralysie feinte a été confirmée en tomographie à émission de positrons (TEP) avec un hypofonctionnement du cortex préfrontal dorsolatéral gauche chez les patients et un hypofonctionnement du cortex préfrontal droit chez les contrôles, sans aucune influence de la latéralisation des symptômes.2

C’est une « vraie maladie », liée à un dysfonctionnement cérébral et non à une lésion

Afin de parvenir au diagnostic, certains patients ont bénéficié de nombreux examens cliniques (consultations de plusieurs spécialistes) et de nombreux examens paracliniques. La normalité de tous les examens est très déstabilisante pour le patient, comme pour l’entourage. Les différentes études en IRMf permettent d’expliquer au patient que ses symptômes ne sont pas liés à une lésion, mais à un dysfonctionnement cérébral, car les études mettent en évidence une hypoactivation des aires corticales primaires correspondant au déficit : aires visuelles primaires dans les baisses d’acuité visuelle fonctionnelles,3 aires motrices primaires dans les paralysies fonctionnelles,4, 5 aires sensitives primaires dans les anesthésies fonctionnelles.6, 7Plusieurs mécanismes ont été évoqués :
– l’inhibition excessive du mouvement normal par un réseau préfronto-cingulaire. Lors d’un mouvement attendu du membre paralysé, une hypoactivation du cortex moteur controlatéral associée à une activation du cortex orbitofrontal et cingulaire antérieur controlatéral a été mise en évidence en TEP ;5
– l’incapacité d’initier normalement un mouvement interne, avec l’hypoactivation chez les patients du cortex préfrontal dorsolatéral gauche, région spécifiquement activée chez les sujets sains lors de la génération interne de l’action ;2
­– les choses sont peut-être plus complexes, et les deux hypothèses ne sont pas exclusives.7

C’est fréquent

Les études épidémiologiques montrent qu’environ 5 % des nouveaux patients vus en consultation neurologique ont des troubles à symptomatologies neuro­logiques fonctionnels.8 Malheureusement, le diagnostic est parfois porté après plusieurs mois, voire plusieurs années. Cette errance diagnostique peut suggérer au patient qu’il s’agit d’une maladie très rare, donc peu connue et possiblement sans traitement.

C’est souvent lié aux émotions ou au stress

Les études trouvent des facteurs déclenchants à type de stress, facteur émotionnel ou événement de vie douloureux (professionnel, familial, scolaire…). Certains patients ont du mal à imaginer que leurs émotions ou leurs stress puissent retentir sur leur corps. Pourtant, les recherches montrent une hyperactivité retrouvée en TEP des aires orbitofrontale et cingulaire antérieure, régions impliquées dans les émotions, qui pourrait venir inhiber le cortex moteur et être la cause d’une « inhibition inconsciente » du mouvement.5

Ce n’est pas de la « folie », mais il est nécessaire de consulter un psychiatre et/ou un psychologue

Les études montrent qu’il est important de rechercher une comorbidité psychiatrique : un trouble dépressif caractérisé et un trouble anxieux, qui sont les troubles psychiatriques les plus fréquemment associés. Le psychiatre va essayer d’identifier les facteurs prédisposants (qui sont souvent des événements traumatiques récents ou anciens), les facteurs précipitants (des émotions ou facteurs de stress qu’il va falloir apprendre à gérer) et les facteurs perpétuants (la multiplication des avis et examens complémentaires, une plus grande attention de l’entourage, des bénéfices financiers ou sociaux…) [v. p. 214].

Importance d’une prise en charge la plus précoce possible

De nombreuses études ont montré que la réponse au traitement était meilleure lorsque les troubles évoluaient depuis peu de temps.9 Il est donc essentiel de porter un diagnostic précocement. Pour cela, le diagnostic doit se fonder sur des marqueurs de diag­nostic positif, et ne doit plus être un diagnostic d’élimination (v. p. 195). Cependant, il n’y a pas de consensus thérapeutique, et peu d’études ont évalué les différents traitements. Les principaux traitements reposent sur la psychothérapie (les thérapies comportementales et cognitives ayant démontré leur efficacité), et la kinésithérapie (en cas de troubles moteurs fonctionnels) [v. p. 209]. Néanmoins, d’autres thérapeutiques ont été utilisées, comme l’hypnose, l’acupuncture et la stimulation magnétique trans­crânienne répétitive (v. p. 221).

Les symptômes peuvent avoir des répercussions importantes

Malgré les thérapeutiques habituellement utilisées, les symptômes persistent dans 72 % des cas à 6 ans.9 La chronicité des symptômes entraîne une altération de la vie familiale, sociale et professionnelle des patients, un retentissement sur la qualité de vie, ainsi que des coûts de santé et des coûts sociaux importants.
V
Références
1. Stone J, Zeman A, Simonotto E, et al. FMRI in patients with motor conversion symptoms and controls with simulated weakness. Psychosom Med 2007;69:961-9.

2. Spence SA, Crimlisk HL, Cope H, Ron MA, Grasby PM. Discrete neurophysiological correlates in prefrontal cortex during hysterical and feigned disorder of movement. Lancet 2000;355:1243-4.

3. Werring DJ, Weston L, Bullmore ET, Plant GT, Ron MA. Functional magnetic resonance imaging of the cerebral response to visual stimulation in medically unexplained visual loss. Psychol Med 2004;34:583-9.

4. Burgmer M, Konrad C, Jansen A, et al. Abnormal brain activation during movement observation in patients with conversion paralysis. Neuroimage 2006;29:1336-43.

5. Marshall JC, Halligan PW, Fink GR, Wade DT, Frackowiak RS. The functional anatomy of a hysterical paralysis. Cognition 1997;64:B1-8.

6. Ghaffar O, Staines WR, Feinstein A. Unexplained neurologic symptoms: an fMRI study of sensory conversion disorder. Neurology 2006;67:2036-8.

7. Mailis-Gagnon A, Giannoylis I, Downar J, et al. Altered central somatosensory processing in chronic pain patients with "hysterical" anesthesia. Neurology 2003;60:1501-7.

8. Stone J, LaFrance WC Jr., Levenson JL, Sharpe M. Issues for DSM-5: Conversion disorder. Am J Psychiatry 2010;167:626-7.

9. Crimlisk HL, Bhatia K, Cope H, David A, Marsden CD, Ron MA. Slater revisited: 6 year follow up study of patients with medically unexplained motor symptoms. BMJ 1998;316:582-6.