Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’obésité correspond à « un état d’accumulation anormale ou excessive de graisse dans le tissu adipeux, au point que la santé peut être altérée ». La maladie chronique obésité affecte de nombreux systèmes physiologiques, notamment cardiaque, pulmonaire, immunitaire, endocrinologique, osseux, augmentant la morbidité et la mortalité. Une récente étude anglaise a évalué la perte d’espérance de vie lorsque l’indice de masse corporelle (IMC) dépasse 40 kg/m² à : 7,7 ans pour une femme et 9,1 ans pour un homme de 40 ans non fumeur.1 L’augmentation importante et mondiale de l’incidence de l’obésité depuis la fin du XXe siècle a eu un impact majeur sur l’état de santé des populations et a placé au premier plan l’intérêt de la prévention et du traitement de l’obésité.
La chirurgie bariatrique, discipline récente dont les premières interventions remontent aux années 1950, a connu un essor très important ces trente dernières années, offrant une réponse aux patients dont l’obésité est la plus sévère (IMC supérieur à 40 kg/m² ou 35 kg/m² avec comorbidité). Le développement des interventions bariatriques s’est associé à la production de données scientifiques objectivant progressivement son efficacité durable sur la perte de poids, les comorbidités, la qualité et l’espérance de vie. Les résultats des séries de cas, études randomisées, méta-analyses, études de larges registres et de données administratives nationales, publiées dans les plus grandes revues médicales, convergent. Ils démontrent l’efficacité et la sécurité de la chirurgie bariatrique. Parmi les nombreuses procédures développées, le choix de l’intervention reste débattu, prenant en compte non seulement l’efficacité et les risques à court et long termes, mais aussi les contraintes du quotidien (figure). En France, quatre interventions sont validées dans le cadre du parcours de soins établi par la Haute Autorité de santé (HAS) : l’anneau gastrique ajustable (AG), la sleeve gastrectomie (SG), aussi appelée gastrectomie longitudinale, le bypass gastrique (BPG) et la dérivation biliopancréatique (DBP). Selon la HAS, la SG et le BPG totalisaient plus de 90 % des interventions réalisées en France et en Europe entre 2015 et 2018 (respectivement 59 % et 31 %).2

Juger la perte pondérale avec un recul suffisant

La chirurgie bariatrique permet d’obtenir une perte de poids plus importante et plus durable que tous les autres moyens comportementaux, médicaux, instrumentaux ou endoscopiques. Le procédé métrologique d’évaluation de la perte de poids n’étant pas standardisé, elle peut être exprimée en nombre de kilos ou point d’IMC perdus, en pourcentage de poids ou d’IMC perdu, ou en pourcentage d’excès de poids perdu (par rapport au poids idéal calculé pour un IMC à 25). La perte d’excès de poids était fréquemment utilisée mais le pourcentage de perte de poids sem­-ble avoir été plus récemment adopté pour limiter l’effet atténuant en cas d’IMC très élevé. L’utilisation de différents indicateurs de perte de poids rend parfois difficiles les comparaisons entre les publications ou les techniques. L’ampleur et la durée de la perte de poids dépendent de la procédure chirurgicale. Celle-ci progresse plusieurs mois, parfois au-delà d’une année, avant de se stabiliser.
Il est important de juger la perte de poids avec un recul suffisant. Une méta-analyse d’O’Brien3 a évalué la perte de poids dans des études ayant un recul de plus de dix ans. La perte d’excès de poids était de 49 % pour l’anneau gastrique, de 57 % pour la sleeve gastrectomie, de 60 % pour le bypass gastrique et de 74 % pour la dérivation biliopancréatique. Une revue systématique de Lee4, incluant 33 études randomisées, a montré que le BPG entraînait une baisse d’IMC plus importante que la SG, de 1,2 kg/m² à un an et 1,7 kg/m² à trois ans. Deux études randomisées européennes récentes5, finlandaise (SLEEVEPASS) et suisse (SM-BOSS), regroupant 457 patients et spécifiquement construites pour évaluer les résultats à cinq ans, ont montré que le pourcentage de perte d’IMC était plus élevé après bypass gastrique qu’après sleeve gastrectomie (respectivement 62,7 et 55,5 %, p < 0,001). Aucune étude randomisée ne compare la SG et le BPG avec un recul de dix ans.
Modéliser la perte de poids avant l’intervention reste difficile, du fait des nombreux de paramètres impliqués (âge, IMC, comorbidités, ethnie, niveau socioéconomique, comportement diététique…). Il n’existe pas aujourd’hui de modèle idéal. Une perte de poids insuffisante est souvent définie par le critère de Reinhold, qui correspond à une perte d’excès de poids inférieure à 50 %, ou à une perte de poids total de moins de 20 %. La reprise de poids débute souvent après la deuxième année. Dans la cohorte américaine PCORnet6, elle évolue vers une reprise totale dans 36 % des cas après AG, 12 % des cas après SG et 3,3 % des cas après BPG. Le faible taux de suivi à distance par l’équipe médicale et chirurgicale qui a initialement pris en charge le patient est une réalité qui concerne toutes les équipes et n’est que partiellement compensée par le suivi du médecin traitant. L’absence de surveillance est associée à des carences et à des reprises de poids plus fréquentes.

Un réel impact sur les comorbidités

La chirurgie bariatrique agit favorablement sur le diabète de type 2 (DT2), l’hypertension artérielle, les apnées du sommeil, la stéato-hépatite non alcoolique et le risque de certains cancers. Quant à l’impact sur le psychisme, la prudence s’impose.

Diabète de type 2 : vers une chirurgie métabolique ?

Le diabète de type 2 (DT2) atteint plus de 3 millions de personnes en France dont 40 % sont en situation d’obésité, selon la HAS.2 Dans la revue systématique de Hua7, qui regroupe 17 études randomisées comparant chirurgie et non-chirurgie, la chirurgie bariatrique obtenait des taux de rémission du DT2 plus élevés, de meilleurs contrôles glycémiques et des valeurs d’hémoglobine glyquées plus faibles. L’efficacité maximale était obtenue avec les procédures de dérivation biliopancréatique. Selon les revues et méta-analyses d’essais randomisés de Lee4 (tableau) et Arterburn8, d’une part, et l’évaluation groupée à 5 ans des deux études européennes SLEEVEPASS et SM-BOSS d’autre part5, l’efficacité de la sleeve gastrectomie et du bypass gastrique était similaire. En revanche, d’après la revue de Hua7, le BPG était associé à une meilleure performance que la SG en termes de glycémie à jeun et d’hémoglobine glyquée, à un an et au-delà. Dans les études randomisées, le taux de rémission du DT2 variait de 22 à 73 %.8 Le suivi à long terme, évalué par une étude française à partir de données administratives9 et par l’actualisation à 15 ans de la célèbre étude randomisée suédoise SOS10, montre que le risque de développer un DT2 diminue de 75 à 82 % chez les obèses opérés. D’autres larges études de cohorte ont aussi observé une réduction des complications micro- et macrovasculaires chez les obèses diabétiques de type 2 opérés, par rapport aux sujets contrôles.7
L’efficacité de la chirurgie bariatrique sur la régulation du métabolisme glucidique a conduit à l’émergence du concept de traitement chirurgical du DT2, véritable « chirurgie métabolique », dont l’objectif principal est l’efficacité sur le DT2 et non plus la perte de poids. Cela fait discuter une extension des indications de la chirurgie aux patients diabétiques de type 2 dont l’obésité est modérée (IMC compris entre 30 et 35 kg/m²).

Les complications de l’obésité régressent avec la perte de poids

Les apnées du sommeil, présentes chez 35 à 96 % des patients qui s’engagent dans un parcours de chirurgie bariatrique, régressent dans 75 % des cas après l’intervention7, avec une baisse de l’index apnées/hypopnées (IAH) de 25 à 38/h, une amélioration de la qualité du sommeil nocturne et une diminution du nombre d’endormissements diurnes. Les améliorations les plus importantes sont observées pour les IAH et les pertes de poids les plus élevés. On note aussi moins d’apparition d’apnées du sommeil chez les patients opérés par rapport aux patients témoins.
L’hypertension artérielle est présente chez 60 à 80 % des patients opérés d’une chirurgie bariatrique. Sa rémission est obtenue dans 43 à 83 % des cas8, sans différence entre la sleeve gastrectomie et le bypass gastrique.4 À plus long terme, cette hypertension réapparaît néanmoins dans 44 % des cas, après dix ans.8
Biologiquement, la chirurgie bariatrique améliore le profil lipidique, avec une réduction de la dyslipidémie de 67 à 76 % à 2-5 ans7, l’effet étant plus important après un bypass gastrique qu’après une sleeve gastrectomie.8 Le risque d’événement cardiovasculaire majeur est significativement réduit par la chirurgie bariatrique (hazard ratio [HR] de 0,46 ; intervalle de confiance à 95 %[IC]  : 0,25-0,86) par rapport au groupe contrôle. La chirurgie bariatrique induit aussi une régression ou une disparition de la stéatohépatite non alcoolique favorisée par l’obésité dans plus de 80 % des cas à 5 ans.11

Une diminution du risque de certains cancers

L’obésité est un facteur de risque reconnu de cancer. Des études observationnelles7 ont montré que la chirurgie bariatrique réduisait d’environ 50 % le risque de cancer du sein et de l’endomètre, qui sont favorisés par l’obésité. Cette réduction n’était observée ni chez les hommes ni pour le cancer colorectal. Bien qu’aucun surrisque n’ait été mis en évidence, la prévalence importante de l’endobrachyœsophage lié au reflux gastro-œsophagien après une sleeve gastrectomie sensibilise au risque de cancer de la jonction œsogastrique, et doit conduire à une surveillance endoscopique systématique prolongée après sleeve gastrectomie.

Un surrisque de suicide ?

L’obésité et la chirurgie bariatrique ont un impact sur le psychisme. Il existe une corrélation entre l’augmentation du poids et l’altération de la qualité de vie. Selon une revue de 15 études contrôlées par Hachem12, la chirurgie bariatrique améliore davantage la qualité de vie que les autres traitements de l’obésité, les améliorations portant plus sur la qualité de vie physique que sur la qualité de vie mentale. Si de nombreuses preuves attestent d’une amélioration à court et moyen termes des symptômes dépressifs, certaines études ont montré un sur risque de suicide13 et d’addiction en postopératoire.

Allongement de l’espérance de vie

Les améliorations, à court et à plus long terme, de l’état de santé des patients obèses obtenues par la chirurgie bariatrique doivent être analysées en tenant compte des risques de complications graves et de mortalité péri-­opératoire. La mortalité postopératoire est faible, de l’ordre de 0,03 à 0,2 %8, comme après une cholécystectomie ou une appendicectomie. Cette mortalité a considérablement diminué au cours des dix dernières années. Dans les 30 jours qui suivent l’intervention, le taux de complications graves se situe autour de 0,8 à 5,6 % pour la sleeve gastrectomie, et de 1,4 à 9,4 % pour le bypass gastrique.8 Le taux de réopération est plus élevé après BPG qu’après SG à court et moyen termes.
À plus long terme, la méta-analyse de Syn14, portant sur plus de 170 000 patients issus de 17 études de cohorte, a mis en évidence une réduction de la mortalité de 49 % des patients opérés d’une chirurgie bariatrique (IC  : 46,3-51,9, p < 0,0001) par rapport aux soins courants. La chirurgie bariatrique augmentait l’espérance de vie de 5,1 ans en l’absence de diabète et de 9,3 ans en présence d’un diabète. L’allongement de la durée de vie des patients opérés a aussi été observé dans une étude française issue des données d’activité médicale PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information).15

Efficacité sous conditions

En cas obésité sévère ou morbide, la chirurgie bariatrique est un traitement efficace et durable sur la perte de poids et les comorbidités liées à l’obésité, qui permet aussi d’améliorer la qualité et l’espérance de vie. Les interventions bariatriques présentent néanmoins des risques et des contraintes à court et long termes, qui doivent être intégrées et comprises par le patient avant une décision chirurgicale, et qui rendent indispensable un suivi nutritionnel et multidisciplinaire prolongé. 
Références
1. Bhaskaran K, Dos-Santos-Silva I, Leon DA, Douglas IJ, Smeeth L. Association of BMI with overall and cause-specific mortality: a population-based cohort study of 3,6 million adults in the UK. Lancet Diabetes Endocrinol 2018;6:944–53.
2. HAS, Haute Autorisé de santé. Note de cadrage. Chirurgie métabolique : traitement chirurgical du diabète de type 2. 2021 [en ligne]. Disponible : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-12/cadrage_chirurgie_metabolique_vd.pdf
3. O’Brien PE, Hindle A, Brennan L, Skinner S, Burton P, Smith A, et al. Long-term outcomes after bariatric surgery: a systematic review and meta-analysis of weight loss at 10 or more years for all bariatric procedures and a single-centre review of 20-year outcomes after adjustable gastric banding. Obes Surg 2019;29:3–14.
4. Lee Y, Doumouras AG, Yu J, Aditya I, Gmora S, Anvari M, et al. Laparoscopic Sleeve gastrectomy versus laparoscopic Roux-en-Y gastric bypass: a systematic review and meta-analysis of weight loss, comorbidities, and biochemical outcomes from randomized controlled trials. Ann Surg 2021;273:66–74.
5. Wölnerhanssen BK, Peterli R, Hurme S, Bueter M, Helmiö M, Juuti A, et al. Laparoscopic Roux-en-Y gastric bypass versus laparoscopic sleeve gastrectomy: 5-years outcomes of merged data from two randomized clinical trials (SLEEVEPASS and SM-BOSS). Br J Surg 2021;108:49–57.
6. Arterburn D, Wellman R, Emiliano A, Smith SR, Odegaard AO, Murali S, et al. Comparative effectiveness and safety of bariatric procedures for weight loss: a PCORnet cohort study. Ann Intern Med 2018;169:741–50.
7. Hua Y, Lou Y-X, Li C, Sun J-Y, Sun W, Kong X-Q. Clinical outcomes of bariatric surgery - Updated evidence. Obes Res Clin Pract 2021;S1871-403X(21)00150-2.
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10. Sjöström L. Review of the key results from the Swedish Obese Subjects (SOS) trial - a prospective controlled intervention study of bariatric surgery. J Intern Med 2013;273:219–34.
11. Lassailly G, Caiazzo R, Ntandja-Wandji L-C, Gnemmi V, Baud G, Verkindt H, et al. Bariatric Surgery Provides Long-term Resolution of Nonalcoholic Steatohepatitis and Regression of Fibrosis. Gastroenterology 2020;159:1290-1301.e5.
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14. Thereaux J, Lesuffleur T, Païta M, Czernichow S, Basdevant A, Msika S, et al. Long-term follow-up after bariatric surgery in a national cohort. Br J Surg 2017;104:1362–71.

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Résumé

Les interventions de chirurgie bariatrique, majoritairement sleeve gastrectomie (SG) et bypass gastrique (BPG) en France, induisent une perte de poids plus importante et plus durable que les traitements courants, en cas d’obésité morbide ou sévère avec comorbidité(s). La chirurgie bariatrique permet aussi d’améliorer, voire de mettre en rémission, la plupart des pathologies associées à l’état d’obésité, comme le diabète de type 2, les apnées du sommeil, l’hypertension artérielle, les dyslipidémies… On observe une amélioration de la qualité et de l’espérance de vie des patients après chirurgie bariatrique, malgré le risque opératoire et les contraintes engendrées par ces interventions. Entre SG et BPG, les différences d’efficacité, de risque et de contraintes à court et long termes ne permettent pas, à l’heure actuelle, de définir une procédure de choix. La grande efficacité de la chirurgie bariatrique sur le diabète associé à l’obésité, correspondant à une véritable chirurgie métabolique, conduit à réfléchir sur l’extension des indications opératoires.