Chirurgie bariatrique : données épidémiologiques et enjeux
La chirurgie bariatrique, du grec βάρος, baros (« poids »), et ιατρός, iatros (« médecin »), ou chirurgie de l’obésité, a connu un essor majeur au cours des deux dernières décennies. En l’an 2000, l’Assurance maladie estimait à 11 000 le nombre d’interventions, et un pic à environ 53 000 actes a été observé en 2016.
L’évolution de la chirurgie bariatrique n’a pas été linéaire. En effet, des baisses d’activité ont été observées, d’abord en 2003, puis à partir de 2017 (
Ces dix dernières années une évolution des techniques chirurgicales a aussi été observée. L’anneau gastrique ajustable détenait le monopole jusqu’aux années 2003-2004, quand les chirurgiens français ont commencé à pratiquer le bypass gastrique puis la sleeve gastrectomie. En pratique, ces deux techniques sont assez rapidement devenues majoritaires, avec environ deux tiers des patients opérés de sleeve et un peu moins d’un tiers de bypass. L’anneau gastrique est devenu confidentiel, avec environ 2 % des actes depuis quelques années.
La dérivation biliopancréatique reste, quant à elle, très peu pratiquée en France. En revanche, une variante de cette intervention, le SADI-S (« single anastomosis duodeno-ileal bypass with sleeve gastrectomy »), est actuellement en cours d'évaluation et fait l’objet d’un essai randomisé contrôlé en France.
À ce stade, selon d’autres publications internationales, les résultats de cette nouvelle procédure semblent encourageants.2
Au total, environ 650 000 interventions ont été réalisées en France depuis la fin des années 1990, ce qui équivaudrait à près de 2 % de la population adulte (18-65 ans).
Cette croissance n’a pas d’égale en chirurgie digestive, et les raisons sont probablement multiples. D’une part, l’obésité est reconnue comme une maladie, avec prise de conscience de son impact néfaste sur l’espérance et la qualité de vie. D’autre part, l’obésité a connu une diffusion endémique en France. Sa prévalence a doublé entre 1997 et 2021, dates auxquelles, selon la nouvelle étude ObEpi,2 elle concernait respectivement 8,5 % et 17 % de la population adulte. Cette enquête épidémiologique estime à 2,5 millions le nombre de Français dont l’indice de masse corporelle est supérieur à 35 kg/m². Même s'il est difficile d'évaluer le nombre de personnes qui relèvent réellement de la chirurgie bariatrique, il existe une disproportion entre le problème de l'obésité et la capacité du système de soins à traiter chirurgicalement toutes les personnes éligibles.
Quelle offre de soins ?
La chirurgie de l’obésité s’est largement diffusée sur le territoire national depuis quelques années. On estime qu’entre 2016 et 2020, environ 500 établissements ont réalisé au moins un acte de chirurgie bariatrique. En France, de nombreux établissements réalisent un nombre limité d’actes, mais peu de centres en réalisent beaucoup (tableau : voir pdf). Ainsi, environ la moitié des centres (46 %) a pratiqué en moyenne moins de 50 interventions par an au cours des cinq dernières années. Ce seuil est important car il a été retenu par la Société française et francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques (Soffcomm) parmi les critères indispensables pour obtenir sa labélisation. Dans un avenir proche, il pourrait être adopté plus largement par les tutelles pour délivrer l’autorisation de pratiquer la chirurgie bariatrique. Malgré cette dispersion de l’activité sur de nombreux centres, la grande majorité des patients (70 %) sont opérés dans des hôpitaux qui enregistrent plus de 100 actes par an (haut volume). Si l’impact du volume d’activité sur la réduction de la morbi-mortalité postopératoire est reconnu, une prise en charge de proximité facilite la continuité des soins, très importante dans une maladie chronique telle que l’obésité. Cependant, le principal enjeu est de corréler le volume d’activité à la taille de l’équipe pluridisciplinaire, notamment médicale, qui prend en charge le patient dans son parcours de soins. La balance entre la centralisation de l’activité et la permanence des soins de proximité sera probablement une réflexion majeure de la politique de santé des années à venir dans ce domaine.