Obésité et santé mentale : les troubles psychiatriques sont fréquents
Un lien fort entre obésité et dépression
Des liens similaires avec les troubles anxieux
Le trouble du déficit de l’attention sur-représenté
Hyperphagie boulimique : une perte de contrôle
Après chirurgie bariatrique : l’amélioration de la santé mentale n’est pas systématique
Dépression : une évolution hétérogène
Régression puis réapparition des troubles anxieux ?
Manque de données pour les autres troubles
L’hyperphagie boulimique est souvent avancée comme une contre-indication absolue à la chirurgie bariatrique, qui aboutirait à un échec. Une récente méta-analyse n’a pas réussi à mettre en évidence d’impact de l’hyperphagie boulimique sur la perte de poids tant à court terme (6 mois) qu’à plus long terme (jusqu’à 5 ans).11 Une précédente méta-analyse avait même observé que l’hyperphagie boulimique était associée à une meilleure perte de poids douze mois après la chirurgie.12 Plus que la présence de ce trouble avant la chirurgie, c’est probablement sa non-amélioration précoce ou son apparition de novo qui serait reliée à un plus mauvais pronostic pondéral. De plus, il est important de faire la différence entre le trouble psychiatrique, qu’est l’hyperphagie boulimique, versus les comportements d’accès hyperphagiques, de pertes de contrôle alimentaire (sans constituer un trouble) ou des atteintes du contrôle des impulsions, qui seraient de plus mauvais pronostic, tant sur le plan pondéral que sur la qualité de vie ou le risque de complications.
Si la santé mentale et les comportements alimentaires tendent à s’améliorer précocement après une chirurgie bariatrique, une proportion importante de patients expérimentent, pendant une période de douze à dix-huit mois, un phénomène classiquement appelé « lune de miel ». Au-delà de l’euphorie liée à la perte de poids, cette période pourrait trouver son explication dans une amélioration de la structure et du fonctionnement cérébral, en lien avec la diminution de l’inflammation et de l’insulinorésistance observée après l’intervention.13 C’est d’ailleurs après cette période que survient le plus souvent la reprise de poids, qui concernerait près de 1 patient sur 6. Sur le plan psychique, les principaux facteurs associés à la reprise de poids sont : l’anxiété (pré- et postopératoires), la persistance ou l’aggravation de symptômes dépressifs après la chirurgie, l’alimentation émotionnelle et l’impulsivité.14, 7
Augmentation du risque suicidaire et des troubles de l’usage des substances
La période qui suit la chirurgie bariatrique est aussi particulièrement à risque concernant le développement de nouveaux troubles de l’usage des substances (incluant les opioïdes), et tout particulièrement de l’alcool (TUA), qui pourraient être présents chez près de 5 % des patients, contre 1,6 % en préopératoire.17 Il a été montré que l’augmentation de ce risque, notamment pour l’alcool, était plus importante après une chirurgie de type bypass gastrique avec anse de Roux-en-Y. Une étude conduite en France le confirme, qui montre l’absence d’augmentation des troubles psychiatriques sept ans après une chirurgie bariatrique par rapport à une population contrôle, sauf pour le bypass gastrique de Roux-en-Y qui est associé à davantage de TUA.18 Aucun lien clair n’a été démontré entre les facteurs sociodémographiques préopératoires et le risque ultérieur de développer un trouble de l’usage des substances. Parmi les explications avancées pour expliquer ce phénomène, on trouve notamment une modification de l’absorption de l’alcool, qui devient plus rapide et plus importante, et un possible transfert d’addiction. Cette dernière notion repose sur l’hypothèse de problèmes psychiques non résolus, compensés par des prises alimentaires, qui contribuent au développement de l’obésité (un « vide à remplir »). Ainsi la chirurgie bariatrique, du fait des modifications de comportements qu’elle impose, aboutit à un phénomène de substitution comportementale, conduisant les patients à s’alcooliser (ou à consommer d’autres substances) au lieu de manger, pour combler ce vide, qui persiste après la chirurgie. Ces hypothèses sont encore débattues, et les mécanismes de cette augmentation du risque de développer un trouble de l’usage des substances restent à déterminer. Cependant, une vigilance particulière est requise compte tenu de ces observations.
Pas de contre-indication systématique mais un suivi postopératoire
La question des troubles « psychiatriques graves » encore débattue
La question de la balance bénéfices/risques de la chirurgie bariatrique en présence de troubles bipolaires ou des psychoses chroniques reste encore très débattue. Les études épidémiologiques ou fondées sur des registres tendent à montrer qu’il n’existe pas de risque majeur de complications psychiatriques après une intervention bariatrique chez ces patients. Cependant, la réalité semble plus complexe, et des décompensations sévères de ces troubles ont pu être observées (y compris en cas de trouble sévère de la personnalité de type borderline), probablement en partie du fait d’une modification de l’absorption des traitements, et aussi de l’intensité des répercussions psychiques de la perte de poids brutale. Si la prudence reste de mise, il ne faut pas oublier que l’association d’une obésité à un trouble psychiatrique « grave » peut conduire à une diminution de plus de vingt ans de l’espérance de vie. La mise en place d’un suivi multidisciplinaire intensif est probablement l’un des moyens les plus pertinents pour rétablir une balance bénéfices/risques plus favorable.
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