La chirurgie bariatrique (CB) est pratiquée chez les femmes dans 80 % des cas. En France, environ 20 % des femmes opérées en 2009 ont mené une grossesse après l’intervention, pour la plupart entre la 2e et la 6e année (seules données de l'Assurance maladie disponibles à ce jour, non publiées). Très récemment, des recommandations se sont focalisées sur cette situation très spécifique de grossesse après CB.1, 2

Pour la mère et l'enfant : quels bénéfices, quels risques ?

Si la chirurgie bariatrique, du fait notamment de la perte de poids, réduit par exemple les risques de diabète gestationnel, d’hypertension artérielle gravidique et de macrosomie, d’autres complications, maternelles ou fœtales, apparaissent, liées aux modifications anatomiques ou à des carences.

Moins de pathologies obstétricales mais plus de complications chirurgicales

Les complications maternelles sont réduites. En particulier, l’incidence du diabète gestationnel, de l’hypertension artérielle gravidique et de l’hémorragie de la délivrance est au moins divisée par 2 chez les femmes opérées comparées à des femmes appariées sur l’indice de masse corporelle (IMC) préchirurgical.3 Ce bénéfice disparaît quand les femmes opérées sont comparées à des femmes appariées sur l’IMC prégestationnel, soulignant l’effet de la perte de poids induite par la chirurgie.
La situation du diabète gestationnel est singulière. La plupart de ces femmes restent à risque de diabète gestationnel (IMC résiduel préconceptionnel > 25-30 kg/m², et d’exposition à des années d’insulinorésistance avant CB). Un dépistage systématique au premier trimestre paraît donc nécessaire, associant le dosage de l’HbA1c à la glycémie à jeun (cette dernière peut sous-estimer la moyenne glycémique après bypass gastrique [BPG]). Quant au dépistage entre 24 et 28  semaines d’aménorrhée, l’hyperglycémie provoquée par voie orale peut être mal tolérée, et le profil glycémique change après BPG. L’alternative est la surveillance des glycémies capillaires sur une semaine, sans modifier l’alimentation habituelle, comprenant des tests avant les repas puis une et deux heures après (post-prandial).1
Il n’existe pas de données qui permettraient de conseiller une prise de poids différente de celle que recommande l’Institute of Medicine, en fonction de l’IMC prégestationnel.4 Le desserrage systématique de l’anneau gastrique (en dehors d’une dysphagie, d’une intolérance alimentaire, de vomissements ou de reflux invalidants) n’est plus indiqué, car il est associé à une prise de poids et à une augmentation des pathologies maternelles.
Le risque de complications chirurgicales augmente pendant la grossesse, notamment après mise en place d’un anneau gastrique (qui peut se déplacer et basculer) et après bypass gastrique en Y (occlusion sur hernie interne et invagination intestinale aiguë). L’enjeu est majeur pour la mère et l’enfant ; les errances diagnostiques, les hésitations à réaliser les examens radiologiques (scanner ou IRM) et la cœlioscopie aggravent souvent le pronostic. Ces complications doivent être évoquées en cas de douleurs abdominales et/ou vomissements. Leur traitement est chirurgical, en lien avec une équipe obstétricale, compte tenu du risque de prématurité induite. En cas de vomissements, il faut supplémenter systématiquement en vitamine B1 (même sans dosage biologique, qui d’ailleurs peut être faussement normal) par voie intraveineuse ou intramus­culaire.1, 2

Moins de macrosomie mais plus de retards de croissance intra-utérins et de prématurité

Que les mères soient appariées sur l’IMC préchirurgical ou prégestationnel, on observe une réduction du risque de macrosomie d’au moins de moitié et un doublement du risque de petit poids pour l’âge gestationnel (PAG, défini par un poids de naissance inférieur au 10e percentile), ainsi qu’une augmentation de la prématurité, d’un facteur de l’ordre de 2.3 Les procédures malabsorptives semblent plus associées aux PAG que les interventions restrictives, mais des données récentes sont également en faveur d’un impact négatif de la sleeve gastrectomie sur la croissance fœtale.5 Les causes hypothétiques de ce retard de croissance comprennent le statut nutritionnel maternel (par exemple, l’anémie est 2 fois plus fréquente que chez les femmes enceintes obèses non opérées), une faible prise de poids pendant la grossesse et la baisse de la glycémie maternelle induite par la chirurgie bariatrique. Ainsi, la surveillance de la croissance fœtale nécessite une échographie supplémentaire vers 37 semaines d’aménorrhée.1
Les fausses couches spontanées, décès néonataux et admissions en soins intensifs du nouveau-né ne sont pas significativement modifiés après CB.
Des malformations attribuées à des carences vitaminiques maternelles (en particulier les anomalies de fermeture du tube neural par carence en vitamine B9) ont été rapportées dans des séries de cas, mais pas dans les études de cohorte, sauf celles qui concernent les interventions dont la composante malabsorptive est majeure, comme la dérivation biliopancréatique. Des anémies néonatales et des anomalies neurologiques par carence en vitamine B12, des complications hémorragiques liées à un déficit en vitamine K, des anomalies oculaires liées à une carence en vitamine A ont aussi été décrites.6

Programmer la grossesse

La prise en charge repose sur une équipe pluridisciplinaire comprenant le médecin traitant, souvent seul intervenant médical à distance de la chirurgie bariatrique (de nombreuses personnes opérées sont « perdues de vue » par les équipes spécialisées), l’obstétricien, et le tandem médecin nutritionniste-diététicien. La grossesse peut réactiver certains troubles du comportement alimentaire, ou induire des difficultés quant à l’image corporelle parallèlement à la prise de poids. Renforcer la prise en charge diététique et/ou psychologique peut donc être nécessaire.
La supplémentation vitaminique et la surveillance biologique sont indispensables et adaptées aux spécificités de la grossesse. Compte tenu de l’absence de normes pour les micronutri­ments pendant la grossesse et de la baisse physiologique de la plupart de leurs concentrations de 15 à 30 % au fil des trimestres, il convient de ne supplémenter qu'en cas de résultats inférieurs à cette diminution physiologique. Des suppléments et des dosages systématiques sont recommandés (tableaux 1 et 2). Le chirurgien est finalement peu impliqué pendant la grossesse mais doit être identifié en amont pour un recours immédiat en cas de complication. Les recommandations préconisent d’attendre au moins douze mois après l’intervention pour débuter une grossesse, afin que le poids soit relativement stable et que les carences soient corrigées. Cela suppose une contraception efficace dès la période préopératoire.
Les femmes en âge de procréer opérées doivent être informées de la nécessité de programmer leur grossesse (consultation préconceptionnelle idéalement), et en cas de grossesse, de signaler leur antécédent de chirurgie bariatrique à tous les professionnels de soins, afin d’optimiser la prise en charge spécifique et pluridisciplinaire de ces situations à risque. Une courte vidéo est librement accessible à cet effet : https://www.youtube.com/watch?v=bNaKc5FgwmE.
Les données, actuellement rassurantes, doivent maintenant être complétées par des études de cohorte chez les enfants nés après chirurgie bariatrique. 

Références

1. Ciangura C, Coupaye M, Deruelle P, Gascoin G, Calabrese D, Cosson E, et al. Clinical practice guidelines for childbearing female candidates for bariatric surgery, pregnancy, and post-partum management after bariatric surgery. Obes Surg 2019;29:3722-34.
2. Shawe J, Ceulemans D, Akhter Z, Neff K, Hart K, Heslehurst N, et al. Pregnancy after bariatric surgery: Consensus recommendations for periconception, antenatal and postnatal care. Obes Rev 2019;20:1507-22.
3. Kwong W, Tomlinson G, Feig DS. Maternal and neonatal outcomes after bariatric surgery; a systematic review and meta-analysis: do the benefits outweigh the risks? Am J Obstet Gynecol 2018; 218:573‑80.
4. National institute of Health. Weight Gain During Pregnancy: Reexamining the guidelines. Rasmussen KM, Yaktine AL, editors. Institute of Medicine (US) and National Research Council (US) Committee to Reexamine IOM Pregnancy Weight Guidelines. Washington: National Academies Press; 2009.
5. Coupaye M, Legardeur H, Sami O, Calabrese D, Mandelbrot L, Ledoux S. Impact of Roux-en-Y gastric bypass and sleeve gastrectomy on fetal growth and relationship with maternal nutritional status. Surg Obes Relat Dis. 2018;14:1488-94.
6. Jans G, Matthys C, Bogaerts A, Lannoo M, Verhaeghe J, Van der Schueren B, et al. Maternal micronutrient deficiencies and related adverse neonatal outcomes after bariatric surgery: a systematic review. Adv Nutr 2015;6:420‑9.

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