La Haute Autorité de santé (HAS) a émis plusieurs documents de recommandations de bonne pratique sur la prise en charge de l’obésité : des recommandations datant de 2011, pour la prise en charge médicale du surpoids et de l’obésité, plutôt adressées au niveau 1 de recours,1 et des recommandations sur la chirurgie bariatrique, datant de 2009, plutôt adressées aux niveaux 2 et 3 de recours, mais en lien avec le médecin traitant.2 La prise en charge de l’obésité en France constitue aujourd’hui une priorité de la stratégie nationale de santé, comme le montre le contenu de la feuille de route « Prise en charge de l’obésité 2019-2022 »3, répondant à plusieurs axes de « Ma santé 2022 ». Dans ce contexte, la HAS s’est autosaisie et a émis, en 2020, une note de cadrage sur le « parcours obésité ».4 Elle liste les points critiques qui limitent la prise en charge, en particulier chirurgicale, des patients souffrant d’obésité, énumère les travaux à mettre en place pour l’améliorer et pointe la nécessité d’actualiser les recommandations de 2009. Ainsi, un groupe de travail a été constitué pour produire de nouvelles recommandations de « prise en charge de l’obésité de l’adulte dans les 2e et 3e recours de soins », à la fois médicale et chirurgicale, qui devraient être publiées fin 2022 début 2023. Il s’agit notamment pour ce groupe de travail de mieux définir le profil des patients à adresser à ces 2e et 3e niveaux de prise en charge. Au-delà de l’indice de masse corporelle (IMC), la sévérité (stade) de l’obésité sera définie en fonction de ses multiples retentissements : sur le plan médical, psychologique, social et sur la mobilité.4

Phase préopératoire : préciser les indications

Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 20185 rappelle qu’un « faisceau d’éléments permet de dire qu’une part sans doute non négligeable des indications est excessive ou mal posée ». C’est ainsi qu’est née la demande d’accord préalable par téléservice, qui permet d’évaluer rapidement la pertinence des demandes de chirurgie bariatrique. Néanmoins, l’un des enjeux des nouvelles recommandations est de mieux préciser les indications et les critères d’éligibilité à la chirurgie bariatrique, au vu des données accumulées dans la littérature depuis 2009. De plus, la note de cadrage de la HAS de 2020 liste ses différents objectifs dont « améliorer la préparation des adultes éligibles à la chirurgie bariatrique et les moda­lités de suivi à vie » (elle met, entre autres, l’accent sur l’IMC et la limite d’âge, mais ira aussi au-de­là). Par ailleurs, les dernières recommandations chirurgicales de 2009 mettaient en évidence la nécessaire collaboration entre l’équipe spécialisée pluriprofessionnelle en charge du projet thérapeutique et le médecin traitant dans la décision chirurgicale et l’information du parcours de préparation (figure). Ce dernier aspect mérite d’être encore amélioré, notamment par des formations et la diffusion de documents d’information, destinés non seulement aux médecins généralistes mais aussi aux patients, afin de développer leurs capacités d’autosoins, comme le propose la note de cadrage.

Phase postopératoire : éviter « les perdus de vue »

À partir de nombreuses données nationales issues de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs sociaux (Cnamts), selon lesquelles plus de 50 % des patients sont perdus de vue à cinq ans6, 7, l’Igas a constaté que la chirurgie bariatrique ne fait pas l’objet du suivi recommandé après l’intervention. L’enjeu consiste donc à développer de nouvelles modalités de suivi rapproché des personnes opérées, permettant d’en favoriser l’adhésion et d’éviter les « perdus de vue ».4
Les recommandations de 2009 attribuaient un rôle clé au médecin traitant dans le suivi à long terme après l’intervention. Néanmoins, la note de cadrage propose de retravailler sur l’aide à la prescription de vitamines et de minéraux, pour les médecins qui assurent le suivi post­opératoire, en précisant notamment la fréquence et le contenu des bilans biologiques, ainsi que le contenu des prescriptions, en particulier si des carences sont objectivées.
Depuis plusieurs années, un protocole de délégation de tâches8 permet à certaines infirmières diplômées d’État, formées à la prise en charge de l’obésité, et notamment aux spécificités du suivi postopératoire, de surveiller, en lieu et place des médecins, les patients opérés de chirurgie bariatrique (analyse des bilans biologiques vitaminiques et prescription des supplémentations, standard et en cas de carences avérées), dans le cadre d’une collaboration délégués-déléguants. Ce protocole, régulièrement évalué par les agences régionales de santé (ARS), a été diffusé et repris par plusieurs centres médico-­chirurgicaux du territoire.
La feuille de route a aussi mis l’accent sur la nécessité de développer des expérimentations innovantes organisationnelles et financières (prise en charge au forfait) dans le cadre des projets article 51*. Ainsi, en ce qui concerne le parcours chirurgical, trois projets article 51 (PACO, OBEPAR et BARIA-UP) ont été retenus par le ministère des Solidarités et de la Santé, soutenus par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les ARS, pour tenter d’améliorer la préparation et le suivi post-­bariatrique (incluant l’éducation thérapeutique [ETP], des consultations diététiques, de psychologie et avec les enseignants en activité physique adaptée [APA], actuellement non pris en charge par l’Assurance maladie). Ces projets s’appuient aussi sur une coordination forte, tant humaine qu’avec l’aide de systèmes d’information dédiés. Afin d’améliorer la cohérence du parcours, la note de cadrage a rappelé l’importance de la coordination. L’objectif de ces projets innovants est de réduire le nombre de patients opérés perdus de vue, de limiter la reprise pondérale, qui conduit actuellement à de forts taux de conversion chirurgicale pour échec, de dépister et prendre en charge précocement les complications nutritionnelles, afin de limiter les formes graves et invalidantes ainsi que le nombre de réhospitalisations. Ces projets seront menés conjointement par les centres spécialisés obésité (CSO) et les partenaires médicaux et paramédicaux de ville, permettant de renforcer les liens ville-hôpital. Ils prévoient de former les professionnels de ville. À l’issue des cinq années d’expérimentation, et des évaluations de ces projets, l’objectif est de déployer ces parcours sur l’ensemble du territoire.
Enfin, les nouvelles recommandations doivent aborder les enjeux spécifiques des effets à long terme de la chirurgie : les bénéfices cliniques mais aussi les signes d’alerte de complications, ainsi que leur prise en charge.

Un enjeu d’actualité

La prise en charge de l’obésité en France est donc un enjeu majeur, avec le développement de plusieurs axes pour l’améliorer, concernant entre autres le traitement chirurgical. Les nouvelles recommandations, sur lesquelles la HAS travaille actuellement, viseront à améliorer la préparation et le suivi à long terme des patients candidats à la chirurgie, en collaboration étroite avec le médecin traitant. 
* NDLR : « La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a introduit, en son article 51, un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. Et ce, dès lors que ces nouvelles organisations contribuent à améliorer le parcours des patients, l’efficience du système de santé, l’accès aux soins ou encore la pertinence de la prescription des produits de santé. » Source : https://solidarites-sante.gouv.fr/
Références
1. Haute Autorité de santé. Surpoids et obésité de l’adulte : prise en charge médicale de premier recours [en ligne]. 2012 [cité le 28 mai 2021]. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/c_964938/fr/surpoids-et-obesite-de-l-adulte-prise-en-charge-medicale-de-premier-recours
2. Haute Autorité de santé. Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte [en ligne]. 2009 [cité 20 juillet 2020]. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/c_765529/fr/obesite-prise-en-charge-chirurgicale-chez-l-adulte
3. Ministère des Solidarités et de la Santé. Feuille de route « Prise en charge de l’obésité 2019-2022 » [en ligne]. 2019 [cité le 5 août 2020]. Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/obesite/article/feuille-de-route-2019-2022
4. Dhenain M, Pitard A, Blanchard S, Gabach P, David DJ, Lafarge JC, et al ; HAS. Note de cadrage. Parcours obésité. Présentation et périmètre [en ligne]. 2020. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-03/note_de_cadrage_obesite.pdf
5. IGAS, Inspection générale des affaires sociales. Situation de la chirurgie de l’obésité [en ligne]. 2018. Disponible sur : https ://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-059R_Tome_I_.pdf et sur https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-059R_Tome_II_.pdf
6. Thereaux J, Lesuffleur T, Païta M, Czernichow S, Basdevant A, Msika S, et al. Long-term follow-up afterbariatric surgery in a national cohort. Br J Surg 2017;104:1362‑71.
7. Vignot M, Oppert JM, Basdevant A, Clément K. Monitoring adherence after weight loss surgery: identifying factors leading to non-adherence in a cohort of 207 severely obese patients who have undergone surgery. An evaluation of severely obese patients’adherence following weight loss surgery. Rech Soins Infirm 2018;(134):70‑7.
8. Barbelanne A, Wolf S, Foiry AF, Guillot C, Aron Wisnewsky J. A cooperation protocol for the follow-up of patients after bariatric surgery. Soins 2016;61:55‑7.

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Résumé

La Haute Autorité de santé (HAS) s’est autosaisie pour produire une note de cadrage « Parcours obésité » rappelant les limites actuelles de la prise en charge de cette maladie et établir une liste de propositions et de travaux à conduire pour l’améliorer. L’un d’entre eux est la production de recommandations de « prise en charge de l’obésité de l’adulte dans les 2e et 3e recours de soin », travail en cours depuis octobre 2020, mais retardé par la pandémie de Covid-19. Ces recommandations concerneront la prise en charge non seulement médicale mais aussi chirurgicale de l’obésité.