Le virus respiratoire syncytial (VRS) est la cause la plus fréquente d’infection aiguë des voies respiratoires inférieures et d’hospitalisation pour maladie respiratoire chez les enfants de moins de 5 ans.1 Les infections suivent généralement un schéma saisonnier, qui entraîne une pression supplémentaire sur les hôpitaux déjà confrontés en même temps à des épidémies saisonnières d’autres virus. On observe durant cette période plus de 45 000 hospitalisations pour infection à VRS en France, dont les deux tiers chez les moins de 1 an et un tiers chez les moins de 3 mois, obligeant les hôpitaux à organiser des plans blancs pour faire face à la surcharge de travail.2

Pour rappel, le VRS est un virus enveloppé, simple brin, à sens négatif, contenant un génome d’ARN qui code pour 11 protéines virales. Trois protéines structurelles peuplent l’enveloppe de la surface virale : la protéine d’attachement (G), la protéine de fusion (F) et une petite protéine hydrophobe. Les protéines F et G jouent des rôles essentiels dans la virulence de l’infection et la pathogenèse. La protéine G se lie aux récepteurs des cellules épithéliales ciliées des voies respiratoires, ce qui permet à la protéine F de fusionner les membranes virale et cellulaire et de permettre au génome viral d’accéder à l’environnement intracellulaire où se produit la réplication virale. Après l’infection, plus de 90 % des anticorps neutralisants sont dirigés contre la protéine F. C’est cette cible qui a été choisie pour développer vaccin et anticorps monoclonaux.

L’objet de cet article est faire le point sur la prévention reposant sur une immunisation passive, point actuel et prospectif, en dehors des mesures barrières qui ont déjà fait la preuve de leur utilité.

 

Actuellement, la prévention vise uniquement un groupe réduit de nourrissons très à risque

Depuis la fin des années 1990, les grands prématurés bénéficient d’une prévention par immunisation passive par anticorps monoclonaux, suite à la publication princeps d’un seul essai randomisé concernant le palivizumab.3 Dans cette étude, le taux d’hospitalisation était réduit dans le groupe immunisé passivement d’un facteur de 40 à 80 % selon les sous-groupes. Mais la nécessité d’injections mensuelles répétées et le coût ont fait que les indications de ce type d’anticorps à courte demi-vie ont été limitées à un sous-groupe d’enfants à très haut risque : enfants nés extrêmement prématurés ou avec une pathologie pulmonaire grave (la dysplasie bronchopulmonaire). Au fil du temps, d’autres groupes à haut risque ont été intégrés dans cette stratégie : cardiopathie congénitale avec retentissement hémodynamique, pathologie rare comme les hernies diaphragmatiques congénitales, mais pas seulement.4

 

Nouvelles approches à venir visant l’ensemble de la population

Le développement de vaccin et d’anticorps monoclonaux à longue demi-vie vont probablement modifier cette stratégie de prévention. En effet, la plupart des jeunes enfants hospitalisés chaque année pour une infection à VRS ne présentent aucun facteur de risque reconnu et ne peuvent bénéficier d’une prophylaxie mensuelle. Cela explique en partie pourquoi la prophylaxie par le palivizumab sur une population à très haut risque mais limitée en nombre a eu un effet minime sur la charge globale de l’infection à VRS. Une approche plus adaptée de la prophylaxie consisterait à protéger par immunité passive l’ensemble des nouveau-nés, soit en vaccinant les mères pendant la grossesse, soit en injectant un anticorps monoclonal à longue durée d’action à tous les nourrissons nés peu avant ou pendant la saison du VRS, une seule dose intramusculaire à la naissance assurant une protection de plusieurs mois, déplaçant la charge de l’infection vers les enfants plus âgés qui présentent un risque moindre d’hospitalisation. C’étaient les conclusions de l’éditorial du New England Journal of Medicine, publiant dans le même numéro de 2020 les résultats de deux essais randomisés explorant chacun une de ces deux approches.

 

La vaccination maternelle : un essai randomisé5 a évalué la capacité d’un vaccin à nanoparticules, avec adjuvant d’aluminium et protéine F de préfusion, administré à des femmes enceintes dont la date d’accouchement prévue était proche du début de la saison du VRS, à réduire le risque d’infection à VRS. Dans cet essai, les femmes ont été randomisées pour recevoir une dose intramusculaire unique de vaccin ou un placebo entre la 28e et la 36e semaine de gestation, et les enfants ont été suivis pour une infection des voies respiratoires inférieures jusqu’à 180 jours après la naissance. La vaccination maternelle a suscité des réponses en anticorps contre les épitopes de la protéine F avant et après la fusion. Les anticorps neutralisant anti-F était plus de 12 fois plus élevés chez les enfants nés de mères vaccinées que chez les enfants nés de mères non vaccinées, ce qui indique un transfert transplacentaire efficace. Le résultat principal – l’efficacité du vaccin contre les infections des voies respiratoires inférieures médicalement significatives associées au VRS chez les nourrissons jusqu’à 90 jours de vie – était de 40 % mais avec un intervalle de confiance dépassant 0 %, ne permettant pas de conclure définitivement. Cependant, l’efficacité du vaccin a été démontrée par rapport aux critères d’évaluation secondaires qu’étaient l’hospitalisation pour une infection des voies respiratoires inférieures associée au VRS et l’infection des voies respiratoires inférieures associée au VRS accompagnée d’une hypoxémie grave, des résultats qui suggèrent un avantage potentiel de cette stratégie. Un nouvel essai de phase IIb comparant un vaccin contre le VRS sans adjonction d’aluminium a montré une aussi bonne efficacité en termes d’immunogénicité et de sécurité qu’un vaccin avec adjonction d’aluminium.6 De plus, l’analyse post-hoc de cet essai a montré une réduction de 85 % et de 91 % respectivement des infections et des infections graves des voies respiratoires inférieures associées au VRS. Un essai de phase III est en cours avec ce vaccin sans adjonction d’aluminium pour en confirmer l’efficacité.

L’administration d’un anticorps monoclonal à demi-vie prolongée contre la protéine F du VRS constitue la seconde approche. Le nirsevimab est l’un des nombreux anticorps à demi-vie prolongée en cours de développement. Deux essais évaluant ce produit, un chez des prématurés de 29 à 35 semaines de gestation, l’autre chez des nouveau-nés à terme ont chacun montré son efficacité. Le premier essai7 a montré qu’une dose unique intramusculaire d’immunoprophylaxie contre le VRS pouvait protéger les nourrissons contre les infections des voies respiratoires inférieures associée au VRS et des hospitalisations en réduisant d’environ 70 % et 80 % leur fréquence, respectivement, comparée à un placebo chez des prématurés en bonne santé en période épidémique. Le deuxième essai8 a confirmé les données du premier en montrant une réduction de 74,5 % des infections des voies respiratoires inférieures associée au VRS et traitées par un médecin, comparé à un placebo. De plus, aucun problème de sécurité n’a été identifié. Un effet indésirable avait été observé chez 1 % des nourrissons des deux groupes : nirsevimab ou placebo. 

Une dernière étude9 publiée sous forme de lettre dans le New England Journal of Medicine, a rapporté les résultats de la comparaison entre nirsevimab et palivizumab dans une population de nouveau-nés à très haut risque, population ciblée de la prévention actuelle. Les nourrissons ont été répartis par randomisation pour recevoir soit cinq doses intramusculaires mensuelles de palivizumab, soit le nirsevimab à une dose intramusculaire unique suivie de quatre doses de placebo administrées une fois par mois. Le taux d’infection respiratoire basse à VRS traitée par un médecin était très bas et similaire dans les deux groupes. La réponse des anticorps anti-VRS au jour 151 était considérée comme trop faible chez 0,4 % des enfants du groupe nirsevimab et 3,6 % de ceux du groupe palvizumab. Le profil de sécurité du nirsevimab et du palivizumab était similaire.

 

Conclusion

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle aire concernant la stratégie de prévention des infections à VRS chez le petit nourrisson par immunité passive fournie soit par les anticorps de la mère vaccinée, soit par une infection d’anticorps monoclonaux. Reste à savoir quelle sera la stratégie choisie par les autorités : modalité (vaccins maternel ou anticorps monoclonaux), population visée (toutes les naissances sur une année ou seulement restreinte à la période pré- et per-épidémique). L’avenir nous le dira. Dans tous les cas, la mise en place de l’une de ces stratégies de prévention devra permettre de soulager le système de soins soumis à rude épreuve en période épidémique.

Cet article fait partie d'un supplément ayant bénéficié du soutien strictement institutionnel de Sanofi, sans intervention de leur part dans l’élaboration du sommaire, le choix des auteurs et la rédaction des articles.

1.Li Y, Johnson EK, Shi T, Campbell H, Chaves SS, Commaille-Chapus C, Dighero I, et al. National burden estimates of hospitalisations for acute lower respiratory infections due to respiratory syncytial virus in young children in 2019 among 58 countries: a modelling study. Lancet Respir Med 2021;9:175-85.
2.Demont C, Petrica N, Bardoulat I, Duret S, Watier L, Chosidow A, et al. Economic and disease burden of RSV-associated hospitalizations in young children in France, from 2010 through 2018. BMC Infect Dis 2021;21:730.
3.The IMpact-RSV Study Group. Palivizumab, a humanized respiratory syncytial virus monoclonal antibody, reduces hospitalization from respiratory syncytial virus infection in high-risk infants. Pediatrics 1998;102:531-7.
4.Fauroux B, Hascoët JM, Jarreau PH, Magny JF, Rozé JC, Saliba E, et al. Risk factors for bronchiolitis hospitalization in infants: A French nationwide retrospective cohort study over four consecutive seasons (2009-2013). PLoS One 2020;15:e0229766.
5.Madhi SA, Polack FP, Piedra PA, Munoz FM, Trenholme AA, Simões EAF, et al. Prepare Study Group. Respiratory Syncytial Virus Vaccination during Pregnancy and Effects in Infants. N Engl J Med 2020;383:426-39.
6.Simões EAF, Center KJ, Tita ATN, Swanson KA, Radley D, Houghton J, et al. Prefusion F Protein-Based Respiratory Syncytial Virus Immunization in Pregnancy. N Engl J Med 2022;386:1615-26.
7.Griffin MP, Yuan Y, Takas T, Domachowske JB, Madhi SA, Manzoni P, et al. Nirsevimab Study Group. Single-Dose Nirsevimab for Prevention of RSV in Preterm Infants. N Engl J Med 2020;383:415-25.
8.Hammitt LL, Dagan R, Yuan Y, Baca Cots M, Bosheva M, Madhi SA et al. MELODY Study Group. Nirsevimab for Prevention of RSV in Healthy Late-Preterm and Term Infants. N Engl J Med. 2022;386:837-46.
9.Garcia ML, Grantina I, Nguyen KA, Brooks D, Chang Y, Leach A, et al. MEDLEY Study Group. Safety of Nirsevimab for RSV in Infants with Heart or Lung Disease or Prematurity. N Engl J Med. 2022;386:892-94.

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Synthèse 

Résumé

Chaque année, il y a plus de 45 000 hospitalisations en France. La mise en point d’un vaccin maternel et d’anticorps monoclonaux à longue demi-vie contre le VRS fait entrevoir une modification de la stratégie de prévention qui toucherait non plus un petit groupe d’enfants à très haut risque (extrêmes prématurés, nouveau-nés avec cardiopathie congénitale hémodynamiquement significative ou autres pathologies rares) mais l’ensemble des nouveau-nés en pré-période et période épidémique ou durant toute l’année.