La mission du bilan neuropsychologique est de mettre en évidence de façon quantitative les troubles cognitifs qui apparaissent chez les patients : troubles qui ont émergé à la fin de la période de travail mais aussi ceux liés à la prise en compte de la situation : stress vis-à-vis de l’avenir, gestion de dossiers difficiles, questionnement, perte de confiance, d’estime de soi, perte de ses capacités.1
On note qu’il apparaît de façon systématique chez tous les patients une triade de troubles cognitifs, psychiques, physiques
Les troubles cognitifs sont majoritairement des troubles de l’attention et de la concentration, avec des scores obtenus aux épreuves inférieurs à ce qui est attendu compte tenu du niveau d’études.
Les degrés d’atteinte cognitive et/ou de souffrance psychique vont être différents selon les personnes, ce qu’elles ont traversé (surcharge de travail, harcèlement, humiliations), selon le soutien de l’entourage, selon la personnalité prémorbide.2, 3
La régression des troubles est fonction de la précocité et de la qualité de la prise en charge, qui se doit d’être pluridisciplinaire : psychologue-psychothérapeute, psychiatre, traitements, relaxation, sophrologie… Dans la majorité des cas, les troubles vont régresser très progressivement avec le temps avec parfois des paliers qui peuvent être longs. Dans quelques cas on se retrouve face à une décompensation psychiatrique ou somatique.
Le cas de madame D
Madame D. 47 ans, était cadre supérieur dans une société avec beaucoup de responsabilités, et très investie dans son travail qui la passionnait. Elle est adressée pour un état anxiodépressif sévère réactionnel à un burn out (éléments insidieux de chantage et de harcèlement à son encontre pendant environ 5 ans ; deux malaises cardia- ques sur son lieu de travail dont le dernier a entraîné l’arrêt de travail).
Madame D. avoue « ne plus être capable de rien », chaque acte de la vie quotidienne est devenu un effort incommensurable et une contrainte. Elle ressent une fatigue extrême et passe beaucoup de temps à dormir. Elle ne sort plus de chez elle. Elle ne peut plus aider sa fille pour ses devoirs, gérer ses papiers, faire ses comptes, faire des courriers, lire, suivre un film tant la concentration est défaillante. Elle ne peut plus voir un smartphone, un ordinateur, une voiture du même modèle que sa voiture de fonction sans être prise de panique.
Son bilan neuropsychologique fait état d’un fléchissement de son fonctionnement cognitif global. Mini mental state MMS à 27/30. Rappel libre en mémoire épisodique bas. Empan endroit (mémoire immédiate) limite (5), empan envers (mémoire de travail) fragile (4). Recherche du mot juste, expression ralentie. Dysfonctionnement exécutif franc. Incapacité à maintenir son attention sur la tâche demandée. BREF à 14/18. Contrôle inhibiteur défaillant. Sensibilité à l’interférence. TMT B inférieur au centile 10. Ralentissement idéomoteur majeur. Fluences verbales très abaissées tant sur le plan littéral que sémantique.
Le tableau cognitif qui s’accompagne de céphalées vient rompre avec le fonctionnement antérieur et les habiletés signalées par la patiente.
Des épreuves attentionnelles plus spécifiques pourraient être proposées en complément du bilan. Leur intérêt est à discuter lorsque des épreuves de base permettent de mettre en évidence la difficulté et entraînent déjà suffisamment de fatigue, d’efforts, de mise en échec.
1. Grebot E. Stress et burn out au travail : identifier, prévenir, guérir. Paris : Eyrolles, 2008.
2. Ferreri F, Peretti C S, Mattei PO. Stress et cognition. Act Med Int – Psychiatrie, décembre 2004;10.
3. Maslach C, Leiter MP. Burn out : le syndrome d’épuisement professionnel. Paris : Les Arènes, 2011.
Pezé M. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. Paris : Flammarion, coll. Champs - Actuel, 2008.