Les nouvelles recommandations européennes de 2021 favorisent l’accessibilité à la chirurgie ambulatoire des patientes prises en charge pour un cancer de l’endomètre, notamment par la mise en avant de la chirurgie mini-invasive en général et par l’élargissement des indications de la procédure du ganglion sentinelle aux groupes à « moyen-haut » et « haut » risque, en remplacement des curages pelviens et lombo-aortiques systématiques.1
Chirurgie ambulatoire sans risque
Selon plusieurs études rétrospectives américaines, une prise en charge ambulatoire serait possible et sans danger, malgré les comorbidités telles que l’obésité, l’hypertension artérielle et le diabète.2-7 Melamed et al. ont publié en 2015 une étude rétrospective unicentrique concernant 696 patientes opérées d’un cancer de l’endomètre (37 % avec curages pelviens et 3 % avec curage lombo-aortique) entre 2011 et 2013. Ils rapportaient une augmentation du taux de prise en charge en ambulatoire sur cette période de 3,9 à 69,6 %, sans complication supplémentaire.8 Lee et al. ont présenté, en 2016, l’analyse d’une base de données américaine sur les modalités de prise en charge par cœlioscopie de 9 020 patientes avec un cancer de l’endomètre opérées entre 2010 et 2014. La prise en charge en un jour (8,1 % ; n = 729) était associée, par rapport à une hospitalisation plus longue, à moins d’infections du site opératoire et à des taux équivalents de complications postopératoires et de réadmissions.6
Ces données ont été confirmées par une étude rétrospective américaine publiée par Praiss et al. en 2019.9 Les auteurs ont inclus 14 720 patientes ayant subi une hystérectomie par voie mini-invasive pour un cancer de l’endomètre, dont 1 828 (12,4 %) en ambulatoire. D’après l’analyse multivariée, l’âge avancé (plus de 70 ans) et des comorbidités étaient associés à une diminution de la probabilité de sortie le jour-même. Le taux de réadmission était de 2,3 % chez les patientes prises en charge en ambulatoire, contre 3,1 % chez les patientes sorties à J1 (p = 0,051).
La France en retard
En France, la prise en charge ambulatoire des patientes avec un cancer de l’endomètre reste encore très marginale : moins de 1 % en 2018-2019, selon une analyse des données de la Classification commune des actes médicaux (CCAM). Pourtant, une publication multicentrique française récente portant sur 165 patientes prises en charge par hystérectomie en ambulatoire, dont 44 avec cancer de l’endomètre, a confirmé la faisabilité et l’innocuité de cette procédure.10
Il existe plusieurs freins en France au développement de l’ambulatoire dans cette indication. Le premier est organisationnel et porte sur la durée d’ouverture des services ambulatoires ; la définition française de la chirurgie ambulatoire est une hospitalisation de moins de douze heures, contrairement à la définition internationale du « same-day discharge » qui est de vingt-quatre heures. Le second frein est culturel : de nombreux professionnels de santé ont des réticences concernant l’intérêt ou le bénéfice de la prise en charge ambulatoire. Enfin, le manque de réseaux ville-hôpital constitue le dernier frein.
Comment faire bouger les lignes ?
La prise en charge ambulatoire des patientes opérées d’un cancer de l’endomètre par voie mini-invasive semble donc une option sûre selon de nombreuses études rétrospectives. Le virage ambulatoire dans cette indication n’a cependant pas encore été réalisé en France, encore en retard par rapport aux autres pays, notamment les États-Unis. Le projet multicentrique français « Ambu-Endo »11 est la seule étude prospective et randomisée en cours évaluant la prise en charge en ambulatoire par rapport à un circuit traditionnel des patientes avec un cancer de l’endomètre. Ses résultats aideront sans doute à faire évoluer les pratiques.
1. Concin N, et al. ESGO/ESTRO/ESP guidelines for the management of patients with endometrial carcinoma. Int J Gynecol Cancer 2021;31(1):12-39.
2. Gien LT, et al. Feasibility of same-day discharge after laparoscopic surgery in gynecologic oncology. Gynecol Oncol 2011 1;121(2):339-43.
3. Rettenmaier MA, et al. Same-day discharge in clinical stage I endometrial cancer patients treated with total laparoscopic hysterectomy, bilateral salpingo-oophorectomy and bilateral pelvic lymphadenectomy. Oncology 2012;82(6):321-6.
4. Lee SJ, et al. The feasibility and safety of same-day discharge after robotic-assisted hysterectomy alone or with other procedures for benign and malignant indications. Gynecol Oncol 2014;133(3):552-5.
5. Lee SJ, et al. The feasibility and safety of same-day discharge after robotic-assisted hysterectomy alone or with other procedures for benign and malignant indications. Gynecol Oncol 2014;133(3):552-5.
6. Lee J, et al. The safety of same-day discharge after laparoscopic hysterectomy for endometrial cancer. Gynecol Oncol 2016;142(3):508-13.
7. Penner KR, et al. Same-day discharge is feasible and safe in patients undergoing minimally invasive staging for gynecologic malignancies. Am J Obstet Gynecol 2015;212(2):186.e1-8.
8. Melamed A, et al. Same-day discharge after laparoscopic hysterectomy for endometrial cancer. Ann Surg Oncol 2016;23(1):178-85.
9. Praiss AM, et al. Safety of same-day discharge for minimally invasive hysterectomy for endometrial cancer. Am J Obstet Gynecol 2019;221(3):239.e1‐239.e11.
10. Benoit L, et al. Faisabilité et sécurité de l’hystérectomie totale par voie cœlioscopique (± robot-assisté) en chirurgie ambulatoire : une étude rétrospective multicentrique française]. Gynecol Obstet Fertil Senol 2022;50(5):374-81.
11. AMBU-ENDO. Cost-utility of ambulatory surgery in the management of endometrial cancer (AMBU-ENDO). ClinicalTrials.gov, identifier: NCT03580421.