Les griffures et les morsures animales sont le plus souvent provoquées par les chats et les chiens, plus rarement par les rats et anecdotiquement par les lièvres, les vipères et les chauves-souris. Elles constituent un motif fréquent de consultation en médecine de ville (500 000 cas par an), et en médecine d’urgence (60 000 consultations d’urgence hospitalière).1, 2 Les enfants sont la population la plus exposée. Une prise en charge immédiate et adaptée (v. figure) permet de prévenir les complications graves tels les infections locorégionales (érysipèle, ostéite, arthrite), les complications à distance (lymphadénite, endocardite) mais également les décès ou les séquelles esthétiques. En effet, de rares cas de décès dans les suites de morsures animales ont été rapportés dans la littérature scientifique : de 25 à 30 cas mortels sont enregistrés aux États-Unis tous les ans, principalement chez les nouveau-nés. Par ailleurs, les séquelles esthétiques et les douleurs chroniques doivent être considérées car elles peuvent altérer la qualité de vie, jusqu’à 16 mois après la morsure.1, 2

Quels risques ?

Les risques liés aux morsures sont principalement fonctionnels, esthétiques et infectieux et peuvent impacter la qualité de vie des patients. Le risque fonctionnel est principalement lié aux atteintes vasculonerveuses et tendineuses. Les séquelles esthétiques dépendent des zones touchées et des modalités de la prise en charge initiale. Enfin, les complications infectieuses peuvent être graves, mortelles et responsables de séquelles. Les agents infectieux incriminés en cas de morsure sont ceux de la cavité orale et ceux de la peau : Pasteurella, Bartonella, Staphylococcus, Streptococcus spp, Capnocytophaga canimorsus et les bactéries anaérobies. Les maladies induites par ces agents infectieux méritent quelques précisions.

Maladie des griffes du chat

Due à Bartonella henselae, une bactérie intracellulaire à Gram négatif, la maladie est responsable de lésions cutanées érythémateuses vésiculeuses ou papuleuses (3-10 jours d’incubation), suivie d’une adénopathie dans le territoire de drainage qui peut évoluer vers la suppuration. L’endocardite infectieuse à B. henselae survient préférentiellement sur valvulopathie préexistante et implique la réalisation d’une sérologie et d’une échographie cardiaque transthoracique.

Pasteurellose

Elle est due à Pasteurella multilocida, bactérie à Gram négatif. L’incubation est très courte (3 à 24 heures). La lésion d’inoculation est inflammatoire avec un écoulement purulent, et peut s’accompagner d’une adénopathie satellite et parfois d’une lymphangite. En l’absence de traitement, des arthrites, ostéomyélites, tendinopathies, et plus rarement le sepsis et les localisations secondaires (pneumopathie, méningite, endocardite) peuvent survenir.

Infection à Capnocytophaga canimorsus

Elle peut causer chez l’homme de sévères complications telles qu’une endocardite, un sepsis, un choc septique, voire le décès, et ce, particulièrement chez les sujets aspléniques, immunodéprimés ou atteints d’hépatopathie chronique.3

Infection à Streptobacillus moniliformis

Même si les griffures et morsures de rat, de souris ou d’autres rongeurs demeurent anecdotiques, 10 % d’entre elles peuvent se compliquer de cette infection (incubation de 4 à 10 jours) qui se manifeste par un rash fébrile, un sepsis, des localisations secondaires (arthrite, abcès, pneumopathie, méningite, endocardite) et rarement le décès.

Morsure de serpent

Dans les suites d’une morsure de serpent, la nécrose secondaire au venin peut s’infecter avec la flore orale du serpent qui semble être de nature fécale puisque leur proie défèque avant l’ingestion (Pseudomonas aeruginosa, Proteus sp, Clostridium sp, Bacteroides fragilis, Salmonella sp).

Rage

Enfin en cas de morsure de chauve- souris, la rage doit être prise en compte.

Quels examens ?

L’examen clinique minutieux est un élément décisif de la prise en charge immédiate. La recherche d’une plaie tendineuse, articulaire, vasculonerveuse et d’un corps étranger peut orienter vers une prise en charge chirurgicale, si le pronostic fonctionnel et esthétique est mis en jeu. L’interrogatoire recherche des allergies médicamenteuses, mais doit également fournir des informations sur l’animal afin d’évaluer le risque de rage. Enfin, la vérification du calendrier vaccinal constitue le troisième élément clé de l’interrogatoire et conduit à sa mise à jour le cas échéant.
La place des examens complémentaires est limitée et accompagne le plus souvent la consultation auprès du spécialiste. En cas de fièvre ou d’infection locorégionale, un bilan biologique à la recherche d’un syndrome inflammatoire est nécessaire (protéine C réactive et hémogramme) ; en cas d’écoulement purulent, un prélèvement local et une hémoculture doivent être réalisés. L’imagerie, telle que l’échographie articulaire, doit être réalisée en cas d’arthrite avec ponction du liquide articulaire à visée microbiologique. La tomodensitométrie peut être proposée en cas de suspicion d’ostéite ou d’abcès. Enfin, s’il existe un souffle cardiaque fébrile, l’échographie cardiaque transthoracique doit être réalisée à la recherche une endocardite infectieuse (Bartonella, S. moniliformis, Pasteurella).

Quel traitement ?

Parage et lavage

En cas de saignement, il faut tarir l’hémorragie en comprimant la plaie. Ensuite, l’examen méticuleux de la plaie, facilité par le lavage abondant au sérum physiologique, constitue le temps primordial de la prise en charge initiale.1, 3 Une anesthésie locale peut parfois faciliter ce geste. Le parage permet l’ablation des corps étrangers et des tissus dévitalisés. Enfin, la désinfection doit être large, abondante et à base d’antiseptique iodé.1, 3

Suturer ?

L’indication de suture doit être évaluée au cas par cas en fonction du bénéfice (esthétique) et du risque (infectieux) par le clinicien. La suture doit être réalisée d’emblée en cas de plaie non surinfectée datant de moins de 12 heures (24 heures pour la face) et lorsque la plaie n’est pas localisée aux pieds et aux mains. À l’inverse, les plaies à haut risque infectieux ne doivent pas être suturées : les plaies par écrasement, plaies ponctiformes, plaies touchant les mains et les pieds, plaies datant de plus de 12 heures (24 heures pour le visage), les morsures de chat, de chien (à haut risque infectieux) et d’humain sauf celle sur le visage ainsi que les morsures chez les sujets immunodéprimés (v. tableau).3

Avis complémentaire

L’avis d’un chirurgien plasticien, facial, orthopédique est nécessaire si la morsure est profonde et touche l’os, les tendons, l’articulation, les vaisseaux, les nerfs, s’il existe des lacérations faciales ou un abcès. Le recours à un infectiologue est nécessaire en cas de complications infectieuses afin d’évaluer le cadre nosologique et de proposer une antibiothérapie adaptée.3 Le traitement antibiotique a une place centrale dans la prise en charge des morsures et permet de diminuer les complications infectieuses.3, 5

Antibiothérapie

L’antibiothérapie doit être initiée en cas de morsure par un chat ou un rat, elle l'est le plus souvent en cas de morsure de chien et de chauve souris lorsque la plaie est profonde et pour les autres animaux elle est recommandée en cas de plaie souillée, délabrante, touchant le système vasculaire, les mains, les organes génitaux, la face, lorsqu’elle est située à proximité des articulations ou de l’os, lorsqu’une suture est nécessaire ou que le patient est immunodéprimé. Le traitement antibiotique doit être introduit le plus rapidement possible. L’amoxicilline en association avec l’acide clavulanique est le traitement de référence (1 g 3 fois par jour). En cas d’allergie à la pénicilline, la doxycycline (100 mg toutes les 12 heures) constitue l’alternative thérapeutique. La durée du traitement est de 7 jours.3, 5 Le calendrier vaccinal doit être mis à jour le plus rapidement possible selon les recommandations en vigueur.5 Un test rapide à la recherche d’anticorps antitétaniques peut être réalisé.3, 5

Recours au centre antirabique

Si la morsure provient d’un animal inconnu (v. encadré ci-contre), le centre antirabique doit être contacté surtout si celle-ci a lieu en zone d’enzootie rabique.5 En cas de morsure de chauve-souris une prophylaxie antirabique post-exposition est obligatoire en plus de l’antibiothérapie. Une consultation de suivi est nécessaire une semaine après la morsure afin de s’assurer de la bonne évolution clinique.

En conclusion

Devant une morsure (v. figure), l’étape décisive reste l’évaluation clinique minutieuse de la plaie avec un rinçage abondant au sérum physiologique. L’antibio­thérapie par amoxicilline-acide clavulanique est systématiquement prescrite en cas de morsure de chat et en cas de morsure de chien si la plaie est profonde, et ce pour une durée de 7 jours.
En cas d’atteinte profonde ou de complications, un avis spécialisé doit être demandé. La mise à jour du calendrier vaccinal et l’évaluation du risque rabique sont les deux éléments clés à ne pas manquer.
Références
1. Marvin Harper. Clinical manifestations and initial management of bite wounds. www.uptodate.com
2. Pedrono G, Ricard C, Bouilly M, Thélot B. Séquelles consécutives aux morsures de chien. Enquête multicentrique, France, septembre 2010-décembre 2011. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire, 2014.
3. Guillot P, Bedock B, Poyet F, Szysmezak P, JInkine O, Elassan E. Morsures, griffures et envenimations, EMC médecine d’urgence 2013[24-117-A- 20]
4. Shelenkov AA, Karan LS, Mihaylova YV, Yanushevich YG, Shipulin GA, Shagin DA. First whole genome sequencing of Russian isolate of Capnocytophaga canimorsus, opportunistic pathogen causing lethal sepsis. Microb Path 2018;125:493-6.
5. Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Collège des universitaires de maladies infectieuses et tropicales, 2018.

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