L’insomnie est un problème qui mérite que les médecins s’y attardent car elle peut entraîner de graves conséquences sur la santé physique et mentale, le bien-être général et la qualité de vie de ceux qui en souffrent.
La prévalence du phénomène insomnie dans la population générale varie en fonction du niveau de reconnaissance de la complexité (fréquence, durée, sévérité) de l’insomnie et de son impact sur le fonctionnement de l’individu : de manière générale, différentes études ont montré qu’environ un adulte sur trois dans la population générale rapporte des symptômes d’insomnie plusieurs nuits par semaine au cours du dernier mois1-6 alors que les symptômes d’insomnie associés à une somnolence excessive affectent entre 9 et 15 % de la population, et que, finalement, pour le diagnostic d’insomnie, la prévalence se chiffre entre 6 et 13 %.1,7,8

Impact sur le système immunitaire

Depuis un certain temps, l’interaction mutuelle entre le système immunitaire et le sommeil a été prouvée. Le sommeil joue un rôle essentiel sur la mémoire immunitaire. Des études suggèrent que l’insomnie est associée à une dérégu­lation du système immunitaire, avec une augmentation du taux de cytokines pro-inflammatoires et une diminution du taux de lymphocytes.9 Par conséquent, une réduction de la durée du sommeil, comme celle souvent observée dans l’insomnie, affaiblit le système immunitaire et rend l’individu plus susceptible de développer diverses maladies.

Risque accru de maladies cardiovasculaires

Plusieurs études en population générale ont montré le risque accru de maladies cardiovasculaires parmi les personnes souffrant d’insomnie. À titre d’exemple, une étude auprès de 54 279 individus10 montre que ceux rapportant au moins trois symptômes d’insomnie (difficulté à initier ou à maintenir le sommeil, avec des éveils nocturnes fréquents, et/ou une difficulté à se rendormir après ceux-ci, et/ou un réveil matinal précoce) ont 4,53 fois plus de risque de souffrir d’insuffisance cardiaque. Une méta-analyse regroupant 311 260 individus11 révèle que les personnes atteintes d’insomnie ont un risque accru de 41 % d’infarctus du myocarde, de 28 % de maladie coronarienne, de 55 % d’accident vasculaire cérébral et de 33 % de mortalité associée à une maladie cardiovasculaire.

Augmentation de l’obésité

Un sommeil trop court, de moins de cinq heures, est associé à un risque 30 % plus élevé de développer une obésité sept ans et demi plus tard,12 même après avoir pris en compte l’état de santé des sujets. Cette relation entre durée de sommeil et obésité est bidirectionnelle. Cependant, d’autres facteurs pouvant expliquer cette relation ne sont généralement pas suffisamment impliqués et contrôlés : les maladies physiques ou psychiatriques, les douleurs chroniques peuvent, par exemple, être des facteurs majeurs qui influencent à la fois la durée de sommeil et la prise de poids, voire l’obésité.

Liens avec les douleurs chroniques

En population générale, des études ont démontré que les problèmes d’insomnie étaient des facteurs prédictifs significatifs pour le développement ultérieur de diverses douleurs physiques chroniques.13
Bien que la séquence « douleur précédant l’insomnie » ait été aussi montrée, le lien n’est pas aussi important que pour la séquence « insomnie précédant la douleur ».

Relations avec les troubles psychiatriques

De nombreuses recherches épidémiologiques ont mis en évidence la relation entre l’insomnie et les troubles psychiatriques. La comorbidité entre les deux est importante : au moins un tiers des personnes souffrant d’insomnie présentent aussi des troubles psychiatriques tels que dépression, troubles anxieux, troubles bipolaires et stress post-traumatique.
L’interaction entre l’insomnie et ces troubles mentaux est généralement bidirectionnelle, ce qui implique que l’insomnie peut aggraver les troubles psychiatriques, tout en augmentant le risque de leur apparition. Par exemple, une étude longitudinale portant sur environ 11 000 sujets, avec un intervalle moyen de trois ans entre deux évaluations, a révélé que les individus souffrant d’insomnie, mais non déprimés au premier examen, avaient deux fois plus de risque de développer une dépression majeure trois ans plus tard.6,14 Il existe aussi un fort lien entre les troubles anxieux et les troubles du sommeil, dont l’insomnie. Les personnes avec des troubles anxieux sont davantage susceptibles de rencontrer des problèmes de sommeil persistants, comme des difficultés à s’endor­mir, rester endormi, ou avoir un sommeil non réparateur.15 L'insomnie et l’anxiété coexistent souvent, montrant un lien tangible entre elles. Comme avec la dépression, ce lien est bidirectionnel ; l’insomnie précède souvent l’apparition de troubles anxieux et, de même, ces derniers augmentent le risque d’insomnie.
Au total, l’insomnie exerce une influence considérable sur les troubles psychiatriques, aggravant les conditions préexistantes et augmentant le risque de nouveaux épisodes.

Nombreuses répercussions de l’insomnie

Étant donné ses conséquences potentielles et la nature complexe de l’insomnie, les médecins sont tenus de la prendre en compte, d’en faire une évaluation détaillée et d’offrir des inter­ventions et des traitements adéquats. L’identification et la prise en charge précoces peuvent améliorer de manière significative le bien-être et la santé globale des personnes souffrant d’insomnie. 
Références
1. Ohayon MM. Epidemiology of insomnia: What we know and what we still need to learn. Sleep Med Rev 2002;6(2):97-111.
2. Morin CM, Jarrin DC. Epidemiology of insomnia: Prevalence, course, risk factors, and public health burden. Sleep Med Clin 2022;17(2):173-91.
3. Ohayon MM, Lemoine P. Daytime consequences of insomnia complaints in the French general population. L’Encéphale 2004;30(3):222-27.
4. Ohayon MM, Reynolds CF 3rd. Epidemiological and clinical relevance of insomnia diagnosis algorithms according to the DSM-IV and the International Classification of Sleep Disorders (ICSD). Sleep Med 2009;10(9):952-60.
5. Ohayon MM, Riemann D, Morin C, Reynolds CF 3rd. Hierarchy of insomnia criteria based on daytime consequences. Sleep Med 2012;13(1):52-7.
6. Ohayon MM, Cote ML. Natural evolution of insomnia in major depressive disorders. Oxford Univ Press Inc 2023. Presented at The 37th Annual Meeting of the Associated Professional Sleep Societies (APSS), Indianapolis, June 2023.
7. Jansson-Fröjmark M, Linton SJ. The course of insomnia over one year: A longitudinal study in the general population in Sweden. Sleep 2008;31(6):881-6.
8. Morin CM, LeBlanc M, Bélanger L, Ivers H, Mérette C, Savard J. Prevalence of insomnia and its treatment in Canada. Can J Psychiatry 2011 Se;56(9):540-8.
9. Akkaoui MA, Palagini L, Geoffroy PA. Sleep immune cross talk and insomnia. Adv Exp Med Biol 2023;1411:263-73.
10. Laugsand LE, Strand LB, Platou C, Vatten LJ, Janszky I. Insomnia and the risk of incident heart failure: A population study. Eur Heart J 2014;35(21):1382-93.
11. Li M, Zhang XW, Hou WS, Tang ZY. Insomnia and risk of cardiovascular disease: A meta-analysis of cohort studies. Int J Cardiol 2014;176(3):1044-7.
12. Xiao Q, Arem H, Moore SC, Hollenbeck AR, Matthews CE. A large prospective investigation of sleep duration, weight change, and obesity in the NIH-AARP Diet and Health Study cohort. Am J Epidemiol 2013;178(11):1600-10.
13. Finan PH, Goodin BR, Smith MT. The association of sleep and pain: An update and a path forward. J Pain 2013;14(12):1539-52.
14. Ohayon MM. Observation of the natural evolution of insomnia in the American general population cohort. Sleep Med Clin 2009;4(1):87-92.
15. Roth T, Jaeger S, Jin R, Kalsekar A, Stang PE, Kessler RC. Sleep problems, comorbid mental disorders, and role functioning in the national comorbidity survey replication. Biol Psychiatry 2006;60(12):1364-71.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés