Sur le front du (ou de la) Covid-19 (selon que l’on suit Le Petit Robert ou l’Académie française…), l’été en France s’annonce calme, comme l’attestent la chute des nouvelles infections et celle des admissions en réanimation. Une moitié de la population vaccinée, s’ajoutant à celle ayant déjà rencontré le virus, le maintien de quelques gestes barrières et un très probable effet saisonnier, tout concourt à une accalmie dont on ne peut prédire, toutefois, si le comportement darwinien du Sars-CoV-2 la rendra durable. Nous savons cependant que la dynamique de la vaccination se heurtera à un plafond de verre, rendant illusoire l’obtention d’une immunité collective. La raison scientifique se heurte à trop de vents contraires : un footballeur s’effondre, et aussitôt, profitant de l’émoi suscité, un bien triste personnage tente d’exploiter le drame en suggérant sur les réseaux sociaux un lien avec une possible vaccination... L’irruption de la pensée aberrante dans le débat scientifique est certainement, par son impact auprès de nombreuses personnes, une des caractéristiques majeures de la pandémie actuelle. Avec l’aide active de quelques professionnels de santé qui ont franchi le Rubicon du raisonnement scientifique, elle tente de le délégitimiser en le qualifiant de « pensée unique », et cela avec d’autant plus de forces que la bannière de la vérité alternative unifie désormais le combat de tous les adeptes des thérapies parallèles, qui agissaient jusqu’ici en ordre dispersé. Lors de l’apparition du sida, beaucoup avaient condamné l’emballement médiatique qui lui était associé, mais au moins les puissantes associations de patients qui s’étaient créées constituaient-elles une digue solide contre bien des dérives. Là où les militants d’Act Up, souvent avec excès, ne se faisaient pas prier pour interrompre les discours les plus scandaleux, l’irresponsabilité des opinions règne sans limites sur les réseaux sociaux.
Avec l’augmentation des dangers liés à de nouveaux risques pandémiques ou au dérèglement climatique, la pression du populisme scientifique se fera-t-elle de plus en plus puissante, au risque d’un grand désarmement de la pensée ? Après tout, l’intégrité du raisonnement scientifique et les valeurs de la démocratie ne sont-elles pas liées et menacées ensemble ? Pour le moment, la médecine est sauvée par ses succès thérapeutiques. Nous ne comprenons pas grand-chose au génie évolutif de la pandémie actuelle qui n’a pas cessé de nous surprendre, mais les vaccins sont là qui, peu ou prou, permettront de la contrôler et d’éteindre cet incendie avant d’affronter le prochain. Jusqu’à la moitié du XXe siècle, la grande peur de la syphilis lui avait fait attribuer, dans une littérature abondante, de nombreux faits pathologiques liés à des effets supposés occultes, héréditaires ou à ce l’on appelait le tempérament. Puis la pénicilline simplifia drastiquement les choses et limita le périmètre supposé de la maladie. Il faut lire les débats qui agitaient les syphiligraphes au lendemain de la guerre et leur incrédulité en voyant « fondre » une maladie aussi mystérieuse et dont les ravages avaient été si spectaculaires. C’est aussi ce qui s’est passé avec la lèpre, la tuberculose et bien sûr avec toutes les maladies infectieuses que l’on peut prévenir par la vaccination ou guérir par une chimiothérapie. Grâce à la thérapeutique et pour paraphraser Jean Cocteau : « puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur »… L’humilité de la science n’est-elle pas en dernière analyse le meilleur rempart contre les certitudes de la pensée alternative ?
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