Le surpoids et l’obésité sont définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme «une accumulation anormale ou excessive de graisse qui nuit à la santé». Reconnue depuis 1997 par l’OMS comme une maladie, l’obésité résulte d’un dés­équilibre de la balance énergétique. Son développement précoce au cours de la vie implique une prédisposition génétique en interaction avec des facteurs environnementaux multiples selon les situations (mode de vie, manque de sommeil, etc.).

Corpulence de l’enfant : pas de seuils mais des courbes

Chez les enfants et les adolescents, il n’est pas possible comme chez l’adulte de définir un seuil identique d’indice de masse corporelle (IMC) définissant le surpoids et l’obésité pour tous les âges, car la corpulence varie physiologiquement au cours de la croissance. Pour affirmer qu’un enfant est en surpoids, on s’appuie donc sur des courbes. Les courbes établies par l’International Obesity Task Force (IOTF)1 sont actuellement les plus utilisées en pratique clinique et présentes dans le carnet de santé2 depuis 2018 (fig. 1).
Après avoir calculé l’indice de masse corporelle (IMC : poids en kg/taille2 en m), on reporte le point sur la courbe selon le sexe et l’âge de l’enfant. Chez l’adulte, on parle de surpoids lorsque l’IMC se situe au-delà de 25 kg/m2, d’obésité au-delà de 30 kg/m2 ; le seuil définissant l’obésité est associé à une augmentation du risque de comorbidités et de mortalité. Un enfant est quant à lui dit en surpoids lorsque sa corpulence se situe au-delà de la courbe IOTF-25 (correspond à un IMC égal à 25 à l’âge de 18 ans). Il est obèse lorsque sa corpulence le situe au-dessus du seuil de l’IOTF-30. Enfin, l’IOTF a défini un seuil d’obésité sévère (ou morbide) lorsque l’IMC se situe au-delà du seuil correspondant à un IMC à 35 à l’âge de 18 ans.3 D’autres courbes ont été développées par l’OMS mais ne sont pas utilisées en pratique courante.4

Vigilance sur l’âge de survenue du rebond d’adiposité

Au cours du développement de l’enfant, et comme les courbes le montrent, il est normal qu’un bébé soit potelé, particulièrement à l’âge de 1 an où, naturellement, la corpulence est importante. Après cet âge, l’enfant commence à marcher ; il devient alors de plus en plus mince jusqu’à 5 à 7 ans. À cet âge, un enfant peut paraître maigre, ce qui peut inquiéter à tort ses parents. C’est la période dite du rebond physiologique d’adiposité.5 Ensuite et jusqu’à la fin de la croissance, la corpulence augmente de nouveau, particulièrement au moment de l’adolescence, pour rejoindre la morphologie adulte. Cette évolution doit être suivie par le médecin traitant de l’enfant sur la courbe de corpulence, au minimum une fois par an.6 Si le rebond survient avant l’âge de 5 ans, il est dit précoce et peut être le témoin d’une prédisposition de l’enfant à l’excès de poids.
L’IMC est un bon indicateur pour estimer facilement le niveau de tissu adipeux avec une bonne fiabilité en dehors de certaines situations (sportifs ayant une masse musculaire très importante, par exemple). Le calcul du Z score IMC peut aussi être utile : en neutralisant l’effet de la croissance sur l’IMC et en tenant compte de l’asymétrie de la distribution selon le sexe et l’âge, il permet la comparaison de la corpulence d’un même sujet en fonction du temps et de sujets d’âge et de sexe différents.3

Trois allures évolutives de la courbe à surveiller

En clinique, plus que le niveau de corpulence lui-même, qui, sauf situation grave d’emblée, n’est pas chez l’enfant nécessairement en lien avec des problèmes de santé, il est surtout important d’apprécier l’allure évolutive de la courbe. Trois situations peuvent alors être identifiées (fig. 2).
La première situation est une obésité précoce et rapidement sévère qui peut être en rapport avec une obésité où l’impact de la génétique est prépondérant (obésité monogénique ou syndromique, par exemple). Elle justifie un avis spécialisé dans un centre spécialisé obésité (CSO) pédiatrique.
La deuxième, qui est la plus fréquente, correspond à une ascension précoce de la courbe d’IMC (avant 5 ans) appelée « rebond d’adiposité précoce ». C’est un facteur de risque de surpoids et d’obésité ultérieurs, témoin d’une prédisposition de l’enfant à l’excès de poids. Cette prédisposition peut être génétique (obésité poly­génique), modulée par d’autres facteurs comme les facteurs épigénétiques. Ces enfants fortement prédisposés peuvent présenter dès la naissance un appétit très important, ce qui doit être expliqué aux parents.
Enfin, la troisième situation est le croisement des couloirs au-delà du 50e percentile, quel que soit l’âge et sans rebond d’adiposité précoce. Cela doit faire rechercher un facteur déclenchant (maladie, accident de la vie, traumatisme…).
L’histoire pondérale dans la petite enfance est donc un élément important à surveiller, avec une vigilance particulière entre 2 et 6 ans.
Une étude publiée en 2018 a permis de préciser sur un grand nombre d’enfants (registre de plus de 50 000 jeunes Allemands) l’histoire pondérale des enfants en excès de poids.7 Les auteurs ont montré, à partir de la cinétique de la corpulence des adolescents obèses, que ceux-ci avaient principalement accéléré leur croissance pondérale entre 2 et 6 ans (après le rebond d’adiposité précoce). Ils ont montré aussi que la probabilité qu’un jeune enfant obèse ait un poids normal à l’adolescence était inférieur à 20 % et diminuait avec l’âge. En effet, dans cette étude, 90 % des enfants obèses à 3 ans restaient en surpoids ou obèses à l’adolescence, sachant que la dynamique d’évolution de la corpulence continue souvent à l’âge adulte.8 Les professionnels de santé concernés, médecins généralistes et pédiatres, professionnels des services de protection maternelle et infantile (PMI) ou de santé scolaire ont donc un rôle important de dépistage des signes d’alerte, non pour stigmatiser ou juger l’enfant et ses parents, ni proposer un « régime » ou des interdits, mais pour avoir une attention particulière à l’évolution, guider les parents dans la gestion de l’appétit et des habitudes de vie de leur enfant, alerter si besoin en toute sérénité, afin d’amener la famille à comprendre cette évolution et à réagir.

Une prévalence du surpoids et de l’obésité multipliée par 4 en quarante ans dans le monde

Au niveau mondial, l’OMS alerte sur l’augmentation continue des taux de surpoids et d’obésité chez les adultes et les enfants. Entre 1975 et 2016, la prévalence du surpoids ou de l’obésité chez les enfants et adolescents âgés de 5 à 19 ans a été multipliée par plus de 4, passant de 4 à 18 %.

Un problème croissant dans les pays en développement

L’obésité ne représente qu’une facette du double fardeau de la malnutrition, et aujourd’hui, dans toutes les régions à l’exception de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie, les personnes en situation d’obésité sont plus nombreuses que les personnes en insuffisance pondérale. Autrefois considérés comme une problématique réservée aux pays à revenu élevé, le surpoids et l’obésité sont aujourd’hui en forte hausse dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, en particulier en milieu urbain. La grande majorité des enfants en surpoids ou en situation d’obésité vivent dans les pays en développement, où le taux de progression de ces phénomènes est supérieur de plus de 30 % à celui des pays développés.9

Stabilisation en Europe

En effet, en France et dans les pays développés, après une augmentation importante entre les années 1960 et 2000, une stabilité a été observée, au moins jusqu’en 2020 et le premier confinement imposé par la pandémie de Covid-19.
Cette stabilisation ne s’est cependant pas observée partout au même niveau. Les prévalences de surpoids et d’obésité sont actuellement estimées aux États-Unis à 28,8 % (dont 12,4 % d’obésité) chez les garçons de moins de 20 ans, et 29,7 % (13,4 % d’obésité) chez les filles de la même tranche d’âge. La France, quant à elle, se situe parmi les pays les moins touchés par le sur­poids et l’obésité en Europe. Les prévalences les plus élevées, dépassant parfois 30 % de surpoids, obésité incluse, et 10 % d’obésité, sont observées dans les pays d’Europe du Sud (Grèce, Espagne, Malte…) et, dans une moindre mesure, au Royaume-Uni.13

Prévalence en France variable selon les régions

En France, avant les années 2000, les études réalisées, conduites au niveau régional sur des classes d’âge différentes et en utilisant les références françaises, avaient montré une augmentation de la prévalence du surpoids (obésité incluse) de l’enfant comme dans la plupart des pays occidentaux mais beaucoup plus tardivement qu’aux États-Unis, passant de 3 % à la fin des années 1960 à 13 % en 1996.10 En 2009, une étude portant sur le suivi pendant onze ans de 26 600 enfants français entre 6 et 15 ans avait objectivé une stabilisation, observée dès 1998 chez les enfants issus des milieux les plus favorisés et en 2001 pour les enfants issus des milieux les plus désavantagés.11 Puis les enquêtes régulières ont montré des prévalences du surpoids (obésité incluse), selon les références IOTF, comprises entre 16 et 20 % selon la tranche d’âge étudiée, et des prévalences de l’obésité entre 3 et 4 %. Toutefois, l’obésité sévère (définie par un IMC supérieur à la courbe IOTF-35) semble toujours en augmentation en France et en Europe et concerne environ 1 enfant obèse sur 4, soit 1 %.12
Cette prévalence du surpoids et de l’obésité, chez l’enfant comme chez l’adulte, varie entre les grandes régions, avec notamment des chiffres plus élevés dans le Nord, l’Est et les départements d’outre-mer.
La tendance à la stabilisation en France s’est confirmée en 2017 en comparant les résultats de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) en 2006 à ceux de l’Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (ESTEBAN) en 2015, avec toutefois une poursuite de la progression chez les plus précaires.14
Cependant, les données récentes issues de la dernière enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publiée en 2019 sur des données de 2017 en classe de 3e, semblent montrer une reprise de l’évolution, particulièrement chez les jeunes filles adolescentes. Et, même chez les garçons, les formes les plus graves ont tendance à augmenter à cet âge (fig. 3 et 4).15

Influence du milieu social sur le poids

La vigilance est donc de mise, surtout parmi les populations les plus précaires. L’influence du niveau social est en effet très marquée : 24 % des enfants d’ouvriers sont en surcharge pondérale (dont 8 % en situation d’obésité) contre 12 % (dont 3 % en situation d’obésité) pour les enfants de cadres.15 Ce fort gradient social est visible dès la petite enfance. À Marseille, une étude publiée en 2022 montre que les enfants les plus défavorisés ont un risque d’être obèses multiplié par 4,3 par rapport aux moins désavantagés, et ce dès l’âge de 3 ans et demi.16

Impact négatif de la pandémie de Covid-19

Comme observé dans d’autres pays17 et en accord avec l’expérience clinique de beaucoup de professionnels de santé, la pandémie de Covid-19 semble avoir eu un effet négatif sur l’évolution de la prise de poids des enfants les plus fragiles. Une étude publiée en 2022, effectuée dans les écoles maternelles du Val-de-Marne après l’année scolaire 2019-2020, montre chez ces enfants de 4 ans, alors que la prévalence du surpoids et de l’obésité était stable, une augmentation d’environ 50 % (+1,8 %) du taux d’obésité et 25 % (+2,6 %) du taux de surpoids, obésité non incluse (fig. 5).18
La modification importante de l’environnement de l’enfant, que ce soit dans ses habitudes d’activité physique, d’alimentation, dans un contexte de vie souvent anxiogène, a probablement aggravé l’excès de poids, particulièrement chez les enfants les plus prédisposés génétiquement. Le retour à une vie plus « normale » permettra-t-il une amélioration ? ou une nouvelle stabilisation à un niveau plus élevé ? Les nouvelles études attendues pourront peut-être répondre à ces questions et aider à réfléchir aux mesures de prévention.

Références

1. Cole TJ, Bellizzi MC, Flegal KM, Dietz WH. Establishing a standard definition for child overweight and obesity worldwide: International survey. BMJ 2000;320:1240-43.
2. Carnet de santé de l’enfant. Version en vigueur du 1er avril 2018. Pages 78 à 87. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/carnet_de_sante-num-.pdf
3. Cole TJ, Lobstein T. Extended international (IOTF) body mass index cut-offs for thinness, overweight and obesity. Pediatr Obes 2012;7:284-94.
4. WHO. Child growth standards. https://www.who.int/tools/child-growth-standards
5. Rolland-Cachera MF. Childhood obesity: Current definitions and recommendations for their use. Int J Pediatr Obes 2011;6:325-31.
6. Guide du parcours de soins HAS : surpoids et obésité chez l’enfant et l’adolescent(e). 2 mars 2022. https://vu.fr/NPOj
7. Geserick M, Vogel M, Gausche R, Lipek T, Spielau U, Keller E, et al. Acceleration of BMI in early childhood and risk of sustained obesity. N Engl J Med 2018;379(14):1303-12.
8. Ward ZJ, Long MW, Resch SC, Giles CM, Cradock AL, Gortmaker SL. Simulation of growth trajectories of childhood obesity into adulthood. N Engl J Med 2017;377:2145-53.
9. WHO. Obesity: https://vu.fr/wiPH et https://vu.fr/WRkL
10. Rolland-Cachera MF, Spyckerelle Y, Deschamps JP. Evolution of pediatric obesity in France. Int J Obes 1992;16 (Suppl 1): s5.
11. Peneau S, Salanave B, Maillard-Teyssier L, Rolland-Cachera MF, Vergnaud AC, Mejean C, et al. Prevalence of overweight in 6- to 15-year-old children in central/western France from 1996 to 2006: Trends toward stabilization. International Journal of Obesity 2009;33:401-7.
12. Spinelli A, Buoncristiano M, Kovacs VA, Yngve A, Spiroski I, Obreja G, et al. Prevalence of severe obesity among primary school children in 21 European countries. Obes Facts 2019;12:244-58.
13. Castetbon K. L’évolution récente des prévalences de surpoids et d’obésité chez l’enfant et l’adolescent en France et au niveau international. Arch Pediatr 2015;22:111-5.
14. Verdot C, Torres M, Salanave B, Deschamps V. Corpulence des enfants et des adultes en France métropolitaine en 2015. Résultats de l’étude Esteban et évolution depuis 2006. Bull Epidemiol Hebd 2017;13:234-41.
15. Guignon N. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). En 2017, des adolescents plutôt en meilleure santé physique mais plus souvent en surcharge pondérale. Études et Résultats 2019;1122.
16. Roth B, Reynaud R, Negre V, Gentile S, Pauly V, Bernard O. Prevalence of overweight, obesity, and early adiposity rebound in nursery school children in southeastern France. Arch Pediatr 2022;29(5):388-94.
17. Jenssen BP, Kelly MK, Powell M, Bouchelle Z, Mayne SL, Fiks AG. Covid-19 and changes in child obesity. Pediatrics 2021;147(5).
18. Baranne ML, Azcona B, Goyenne P, Moutereau A, Buresi I. Impact de la crise sanitaire due au Sars-CoV-2 sur le statut staturo-pondéral des enfants de 4 ans : comparaison des données des bilans de santé en école maternelle du Val-de-Marne, de 2018 à 2021. Bull Epidemiol Hebd 2022;(8):154-60.

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Résumé

Le surpoids et l’obésité sont définies chez l’enfant grâce aux courbes établies par l’International Obesity Task Force (IOTF). Un enfant est dit en surpoids lorsque sa corpulence se situe au-delà de la courbe IOTF-25 (indice de masse corporelle [IMC] égal à 25 à l’âge de 18 ans) ; il est dit obèse lorsque sa corpulence le situe au-dessus du seuil de l’IOTF-30. Cependant, dans la pratique clinique, plus que le niveau de corpulence lui-même, il est surtout important d’apprécier l’allure évolutive de la courbe, qui permet d’orienter le diagnostic et de mieux comprendre les mécanismes de la prise de poids excessive. Actuellement, même si une stabilisation de la prévalence semble avoir été observée entre les années 2000 et 2015 dans les pays dits développés, il n’en est pas de même dans les pays à revenu plus faible. En France, 18 % des enfants sont en surpoids, dont 3 à 4 % sont en situation d’obésité avec un gradient social très marqué. Depuis 2015, il est observé une tendance à une réaugmentation des formes sévères, particulièrement chez les filles et les enfants des familles les plus en difficulté socio-économique. Le premier confinement imposé par la pandémie de Covid-19 semble avoir aggravé cette évolution.