Le diabète de type 1, conséquence d’une maladie auto-immune qui conduit à la destruction par le système immunitaire des cellules β du pancréas qui sécrètent l’insuline, s’associe volontiers à d’autres maladies auto-immunes spécifiques d’organe, parfois de manière isolée, parfois dans le contexte d’un syndrome d’auto-immunité pluriglandulaire. Pour la Haute Autorité de santé, la fréquence de certaines de ces associations (thyroïde) ou leurs conséquences thérapeutiques (maladie cœliaque) justifient leur dépistage.1 Au Royaume-Uni, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) recommande aussi le dépistage de ces deux maladies, mais il nous semble que d’autres pathologies auto-immunes fréquentes chez les diabétiques de type 1 justifient elles aussi un dépistage. C’est le cas de la gastrite auto-immune, dont l’évolution peut être marquée par l’émergence d’un adénocarcinome gastrique ou de tumeurs entérochromaffines. La gastrite auto-immune est bien plus fréquente que la maladie d’Addison, maladie rare mais 10 fois plus fréquente chez les diabétiques que dans la population générale, et aux conséquences potentiellement mortelles.
Les données américaines récentes, sur une cohorte de plus de 25 000 diabétiques de type 1, indiquent que 20 % des patients âgés de moins de 6 ans ont une autre maladie auto-immune, pourcentage qui s’élève à près de 50 % après 65 ans. Les femmes ont deux fois plus de risque que les hommes, alors que le diabète de type 1 est observé avec une égale fréquence dans les deux sexes.2 Dans cette cohorte, 20 % avaient une maladie de la thyroïde (19 % une hypothyroïdie, 2 % une maladie de Basedow), 6 % une maladie cœliaque, et moins de 1 % une maladie d’Addison, en accord avec des études plus anciennes. D’autres maladies comme la polyarthrite rhumatoïde, le lupus, le psoriasis, la sclérodermie, la sclérose en plaques, n’étaient observées que chez moins de 1 % des patients. Curieusement dans cette série, le vitiligo n’était enregistré que chez moins de 1 % des patients (2 à 10 % dans d’autres études) et la prévalence de la gastrite auto-immune/maladie de Biermer n’a pas été étudiée (cette prévalence est estimée entre 5 et 10 % des diabétiques de type 1, et augmente avec l’âge3).

Comment dépister ?

Le dépistage des maladies auto-immunes associées au diabète de type 1 repose sur la recherche d’auto-anticorps spécifiques de l’organe cible. En cas de positivité, une preuve biologique hormonale ou histologique est nécessaire pour porter le diagnostic de maladie au sens propre (la seule présence d’auto-anticorps sans dysfonction de l’organe définissant les formes « infracliniques »).

Chez qui dépister ?

La thyroïdite, chez tous les patients, par une recherche au moins une fois des auto-anticorps anti-thyropero- xydase (anti-TPO), et par un dosage annuel de la thyréostimuline (TSH).
La maladie cœliaque, par la recherche au moins une fois des anticorps anti- transglutaminase, la maladie étant souvent silencieuse et, devant tout symptôme évocateur : diarrhée, douleurs abdominales chroniques, baisse des besoins en insuline, carence martiale, fracture pathologique ou ostéoporose précoce, élévation des transaminases, quel que soit l’âge du patient (une étude néerlandaise montre que, dans plus de la moitié des cas, le diagnostic est fait après l’âge de 18 ans). Chez les sujets séropositifs, le diagnostic est établi par la mise en évidence d’une atrophie villositaire à la biopsie duodénale.
La gastrite auto-immune a bien plus souvent comme conséquence une anémie ferriprive qu’une anémie mégaloblastique par carence en vitamine B12, avec des anticorps anti-facteur intrinsèque. On trouve de fait bien plus fréquemment des anticorps anti-cellules pariétales gastriques (15 % des diabètes de type 1 contre 6 % pour les anticorps anti-facteur intrinsèque). Il nous semble que chez un adulte, en l’absence de tout symptôme, la recherche au moins une fois de ces anticorps est justifiée. Elle l’est également en cas de carence martiale (un symptôme qui doit donc faire rechercher la gastrite auto-immune et la maladie cœliaque) ou d’anémie mégaloblastique. En cas de dépistage positif, la fibroscopie gastrique ne s’impose qu’en cas de carence martiale ou d’élévation de la gastrine, témoins de l’atrophie gastrique. La recherche d’Helicobacter pylori est indispensable, compte tenu du lien étroit entre gastrite auto-immune et infection à H. pylori et du rôle procarcinogène de ce dernier.
La conséquence principale de la gastrite auto-immune est l’achlorhydrie, avec deux conséquences clini- ques principales : une malabsorption du fer, et plus rarement une carence en vitamine B12 par non-dissociation de la vitamine B12 des protéines ; le tableau réalisé est donc celui d’une anémie microcytaire lorsque la carence en fer est isolée, ou normocytaire lorsque la carence en fer se double d’une carence en vitamine B12, et très rarement d’une anémie macrocytaire. Parfois cette gastrite auto-immune s’associe à la production d’anticorps anti-facteur intrinsèque, réalisant alors la classique anémie mégaloblastique, c’est la maladie de Biermer. Le terme de maladie de Biermer ne devrait s’appliquer qu’à cette forme avec anticorps anti-facteur intrinsèque et anémie mégaloblastique. La gastroparésie est par ailleurs une autre manifestation associée à la gastrite auto-immune, dans les formes évoluées.
La maladie d’Addison doit être évoquée devant ses symptômes classiques : asthénie, mélanodermie, perte de poids, mais aussi chez un patient qui a des hypoglycémies récurrentes malgré la diminution progressive des doses d’insuline (ce symptôme doit donc faire rechercher à la fois la maladie d’Addison et la maladie cœliaque). Le dépistage à ce stade repose sur les dosages hormonaux. En l’absence de tout symptôme, le dépistage systéma- tique par recherche d’anticorps anti-21 hydroxylase n’est pas recommandé compte tenu de la rareté de la maladie d’Addison. Il pourrait se discuter dès lors que le patient a deux affections auto-immunes en plus du diabète.
 V
Références
1. Haute Autorité de santé. Diabète de type 1. Guide Affection de longue durée, HAS 2007. www.has-sante.fr ou https://bit.ly/2s40dX2
2. Hughes JW, Riddlesworth TD, DiMeglio LA, Miller KM, Rickels MR, McGill JB. Autoimmune diseases in children and adults with type 1 diabetes from the T1D Exchange Clinic Registry. J Clin Endocrinol Metab 2016;101:4931-7.
3. De Block CEM, De Leeuw IH, Van Gaal LF. Autoimmune gastritis in type 1 diabetes: A clinically oriented review. J Clin Endocrinol Metab 200893:363-71.

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