Cinq diagnostics différentiels des dermohypodermites bactériennes nécrosantes-fasciites nécrosantes (DHBN-FN) sont importants à connaître : la dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN), le pyoderma gangrenosum, les atteintes ischémiques ou mécaniques, et l’infection sur pied diabétique. L’anamnèse, la recherche des antécédents du patient et la sémiologie, voire une exploration chirurgicale, permettent d’orienter le clinicien.
Dermohypodermite bactérienne non nécrosante
Anciennement appelée « érysipèle », la dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN) est secondaire à une infection par le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A dans la majorité des cas (65 %).1 Les autres agents pathogènes des DHBNN sont les autres streptocoques (groupe G dans environ 20 % des cas, groupes B et C dans moins de 10 % des cas). Staphylococcus aureus a été identifié comme agent pathogène ou copathogène dans des DHBNN associées à des abcès ou des furoncles, mais il ne s’agit pas à proprement parler d’érysipèles (plutôt ce que les Anglo-Saxons appellent « cellulitis »).2, 3
Le diagnostic de DHBNN est clinique ; aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Le début est en général brutal ; il associe des signes généraux (fièvre à 39-40 °C, frissons, malaise) et des signes locaux avec un placard érythémateux inflammatoire, douloureux, unilatéral, bien limité (fig. A et G ). La topographie la plus fréquente est l’atteinte des membres inférieurs (80 %), avec un tableau de « grosse jambe rouge aiguë fébrile unilatérale ». L’atteinte de la face (10 %) est la deuxième localisation en fréquence, avec un tableau similaire, caractérisé par la présence de limites plus nettes, avec un bourrelet périphérique et une bilatéralisation secondaire fréquente. D’autres topographies sont possibles, dont l’atteinte des membres supérieurs et, plus rarement, celle du périnée, des organes génitaux externes, de l’abdomen, des seins... Une porte d’entrée doit être recherchée et la délimitation du placard inflammatoire doit être faite (ou la réalisation de photographies) pour le suivi de l’évolution. Des décollements bulleux superficiels, conséquence de l’œdème dermique, sont possibles et ne constituent pas un signe de gravité. Une adénopathie inflammatoire satellite ou une traînée de lymphangite peut s’y associer.
Le diagnostic de DHBNN est clinique ; aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Le début est en général brutal ; il associe des signes généraux (fièvre à 39-40 °C, frissons, malaise) et des signes locaux avec un placard érythémateux inflammatoire, douloureux, unilatéral, bien limité (
Particularités de l’érysipèle bulleux hémorragique
L’érysipèle bulleux hémorragique (aspect purpurisé de la dermohypodermite bactérienne et bulles hémorragiques) peut être difficile à distinguer d’une DHBN-FN [fig. B, D et E ]. Ces formes sont souvent associées à des anomalies de la coagulation, y compris induites (traitement anticoagulant, antiagrégant plaquettaire). Une surveillance hospitalière de ces formes est donc préconisée pour ne pas méconnaître une DHBN-FN qui s’associerait à d’autres signes de gravité locaux et/ou généraux (v. tableau 2 de l’article « Diagnostic des infections cutanées graves, épidémiologie et sémiologie clinique », p. 144 ).
Facteurs de risque, de gravité et surveillance
Les facteurs de risque locaux de développer une DHBNN sont le lymphœdème congénital ou, plus fréquemment, acquis, secondaire à une chirurgie (prothèse articulaire, gynécologique, saphénectomie…) ou à un curage ganglionnaire ; l’insuffisance veineuse chronique et un antécédent d’érysipèle.4,5 La présence d’un lymphœdème multiplie par 19 le risque d’érysipèle.5
L’abcédation est la complication locale la plus fréquente des DHBNN, survenant dans 3 à 12 % des cas dans un délai de quatre à vingt et un jours.6 Ce n’est pas une forme nécrosante d’infection. L’abcès nécessite un geste d’évacuation chirurgicale simple et non le débridement des tissus. La prise en charge repose sur l’incision-drainage, qui permet d’évacuer la collection.
Le diabète, l’éthylisme chronique, le tabagisme, l’artériopathie, l’immunosuppression, l’insuffisance cardiaque ou rénale ne sont pas des facteurs de risque de DHBNN mais des facteurs de gravité, à risque de décompensation et/ou de complication.2,3
L’obésité est à la fois un facteur de risque et de complication.
L’apyrexie est classiquement obtenue en soixante-douze heures, l’érythème persiste souvent au-delà, notamment en cas d’insuffisance veinolymphatique et ne justifie pas à lui seul la prolongation de l’antibiothérapie.
L’abcédation est la complication locale la plus fréquente des DHBNN, survenant dans 3 à 12 % des cas dans un délai de quatre à vingt et un jours.6 Ce n’est pas une forme nécrosante d’infection. L’abcès nécessite un geste d’évacuation chirurgicale simple et non le débridement des tissus. La prise en charge repose sur l’incision-drainage, qui permet d’évacuer la collection.
Le diabète, l’éthylisme chronique, le tabagisme, l’artériopathie, l’immunosuppression, l’insuffisance cardiaque ou rénale ne sont pas des facteurs de risque de DHBNN mais des facteurs de gravité, à risque de décompensation et/ou de complication.2,3
L’obésité est à la fois un facteur de risque et de complication.
L’apyrexie est classiquement obtenue en soixante-douze heures, l’érythème persiste souvent au-delà, notamment en cas d’insuffisance veinolymphatique et ne justifie pas à lui seul la prolongation de l’antibiothérapie.
Pyoderma gangrenosum
Le pyoderma gangrenosum (PG) fait partie des dermatoses neutrophiliques (entité non infectieuse). Il se présente, dans la forme typique, comme une ou des ulcérations nécrotiques douloureuses, avec une bordure inflammatoire caractéristique violacée et des clapiers purulents décollant par endroit la base interne du bourrelet périphérique (fig. C ). Le PG mime en tout point un tableau infectieux, avec de la fièvre, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et un syndrome inflammatoire biologique élevé.
Le diagnostic est souvent tardif, après échec de plusieurs lignes d’antibiotiques et parfois même des actes chirurgicaux qui tendent à aggraver les lésions.
Les prélèvements microbiologiques sont stériles, et le traitement repose sur une corticothérapie générale, voire des immunosuppresseurs/anti-TNF. Le PG est fréquemment associé à des maladies inflammatoires du tube digestif ou à des hémopathies myéloïdes.
Exceptionnellement, DHBN-FN et PG peuvent coexister chez un même patient, rendant la prise en charge très complexe.4
Le diagnostic est souvent tardif, après échec de plusieurs lignes d’antibiotiques et parfois même des actes chirurgicaux qui tendent à aggraver les lésions.
Les prélèvements microbiologiques sont stériles, et le traitement repose sur une corticothérapie générale, voire des immunosuppresseurs/anti-TNF. Le PG est fréquemment associé à des maladies inflammatoires du tube digestif ou à des hémopathies myéloïdes.
Exceptionnellement, DHBN-FN et PG peuvent coexister chez un même patient, rendant la prise en charge très complexe.4
Ischémie aiguë de membre
L’ischémie aiguë de membre correspond à une occlusion brutale des artères. Le diagnostic est clinique. La douleur du membre apparaît brutalement et est soulagée par la déclivité. L’examen objective un membre froid, pâle, cireux, avec une absence de pouls et des troubles sensitifs puis moteurs. Secondairement apparaissent des zones cyaniques livédoïdes de nécrose. Le traitement repose sur une anticoagulation efficace et une revascularisation en urgence.
Syndrome des loges aigu
Le syndrome des loges se traduit par une augmentation de la pression dans une loge musculaire perturbant la fonction et la viabilité des tissus contenus dans ce compartiment. L’interrogatoire est indispensable pour rechercher un facteur déclenchant : traumatisme (fracture, déchirure, immobilisation plâtrée), efforts musculaires inhabituels, station au sol prolongée en état d’inconscience (fig. F ). Le principal signe est la douleur très intense en regard de la loge atteinte et une hypoesthésie. Le diagnostic est confirmé par la mesure de la pression intramusculaire qui ne doit cependant pas retarder la prise en charge chirurgicale.
Infections du pied diabétique
Ces infections surviennent chez des patients diabétiques et compliquent des maux perforants plantaires. Elles sont souvent associées à des ostéites sous-jacentes et surviennent sur un terrain d’artériopathie diabétique. Elles peuvent se compliquer et évoluer secondairement défavorablement en DHBN-FN, rendant la distinction nosologique difficile. Le traitement est multidisciplinaire et repose sur une antibiothérapie adaptée aux prélèvements microbiologiques, une revascularisation si possible et un geste chirurgical de détersion des tissus nécrotiques, voire, dans certains cas, plus radical d’amputation.
Une démarche diagnostique complexe
Éliminer les diagnostics différentiels permet de mettre en place la prise en charge adéquate en urgence.
Ainsi, devant des lésions cutanées faisant évoquer une DHBN-FN, il convient d’éliminer la forme trompeuse bulleuse hémorragique de l’érysipèle, l’infection sur pied diabétique ainsi que les atteintes non infectieuses représentées par le pyoderma gangrenosum, les lésions ischémiques et le syndrome des loges.
Ainsi, devant des lésions cutanées faisant évoquer une DHBN-FN, il convient d’éliminer la forme trompeuse bulleuse hémorragique de l’érysipèle, l’infection sur pied diabétique ainsi que les atteintes non infectieuses représentées par le pyoderma gangrenosum, les lésions ischémiques et le syndrome des loges.
Références
1. Veyssier-Belot C, Lecomte F. Consensus conference on erysipelas and necrotizing fasciitis, Tours, January 26, 2000. Rev Med Interne 2000;21(8):655‑8.
2. Musette P, Benichou J, Noblesse I, Hellot MF, Carvalho P, Young P, et al. Determinants of severity for superficial cellutitis (erysipelas) of the leg: A retrospective study. Eur J Intern Med 2004;15(7):446‑50.
3. Carratala J, Roson B, Fernandez-Sabe N, Shaw E, del Rio O, Rivera A, et al. Factors associated with complications and mortality in adult patients hospitalized for infectious cellulitis. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2003;22(3):151‑7.
4. Cirotteau P, Heron-Mermin D, Dimicoli-Salazar S, Gerard E, Leroy H, Clément L, et al. Pyoderma gangrenosum misdiagnosed as necrotising fasciitis or a real association between the two? J Eur Acad Dermatol Venereol 2019;33(8):e305‑6.
2. Musette P, Benichou J, Noblesse I, Hellot MF, Carvalho P, Young P, et al. Determinants of severity for superficial cellutitis (erysipelas) of the leg: A retrospective study. Eur J Intern Med 2004;15(7):446‑50.
3. Carratala J, Roson B, Fernandez-Sabe N, Shaw E, del Rio O, Rivera A, et al. Factors associated with complications and mortality in adult patients hospitalized for infectious cellulitis. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2003;22(3):151‑7.
4. Cirotteau P, Heron-Mermin D, Dimicoli-Salazar S, Gerard E, Leroy H, Clément L, et al. Pyoderma gangrenosum misdiagnosed as necrotising fasciitis or a real association between the two? J Eur Acad Dermatol Venereol 2019;33(8):e305‑6.