Les difficultés d’apprentissage sont un motif fréquent de consultation. Le terme « difficultés » évoque la plainte verbalisée par les parents, plus rarement par l’enfant, et généralement signalée par l’enseignant. Il convient alors de faire la part entre « difficultés » et « trouble ».
La prévalence estimée des troubles spécifiques des apprentissages représente environ 8 % des enfants par classe d’âge.1 L’évaluation et l’exploration de ces troubles requièrent une approche multidimensionnelle et intégrative du développement de l’enfant. Dépister, diagnostiquer et prendre en charge ces troubles précocement est indispensable, afin de réduire au mieux l’impact sur la scolarité de l’enfant et sur les aspects psychosociaux de son développement. Ces investigations visent la mise en place d’un projet thérapeutique et pédagogique le plus ajusté aux besoins de l’enfant.
Il est important de bien comprendre la distinction admise entre difficultés d’apprentissage, troubles spécifiques et non spécifiques, de connaître les signes d’alerte, les intervenants sollicités, ainsi que les dispositifs à mettre en place, afin de mieux appréhender le rôle du médecin au sein du parcours de soins.

Difficulté, trouble non spécifique ou trouble spécifique ?

Les troubles des apprentissages se manifestent initialement par des difficultés occasionnant un retard, voire une absence des acquisitions attendues par rapport à la moyenne des enfants du même âge dans les différentes dimensions développementales que sont le langage oral, la programmation et l’organisation du geste, les fonctions visuo-spatiales, le langage écrit et le raison­nement logico-mathématique. Des difficultés attentionnelles pouvant (ou pas) être associées à une instabilité psychomotrice et à une impulsivité sont également des signaux d’alarme. Mais, avant de parler de trouble des apprentissages, il convient d’écarter un déficit intellectuel. C’est en effet le principal diag­nostic différentiel.
Les troubles spécifiques sont affirmés par des outils d’évaluation standardisés révélant des scores déficitaires en référence aux normes attendues pour l’âge. Ils ne peuvent être entièrement expliqués ni par une autre ­pathologie sensorielle, neurologique, intellectuelle ou psychiatrique, ni par un manque d’apport ou soutien ­socioculturel. Dans ces contextes, les difficultés d’apprentissage sont dites « non spécifiques, secondaires à x ». Si les conclusions diagnostiques montrent que les difficultés d’apprentissage sont plus importantes que ce qu’il serait attendu dans ces tableaux, il s’agit alors de « trouble spécifique des apprentissages associé à x ».2 Les troubles des apprentissages appelés couramment « dys » sont définis et répertoriés dans la 5e version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) [fig. 1].3

Trouble développemental du langage oral

L’acquisition du langage oral s’effectue de manière ­innée, par exposition à la langue maternelle. Elle ne fait pas l’objet d’un apprentissage explicite culturel en fréquentant l’école comme pour le langage écrit. Toutefois, les interactions précoces parents-enfant sont essentielles afin que le langage prenne sens pour l’enfant.
Le trouble développemental du langage oral se caractérise par des difficultés apparaissant très tôt, dès l’acquisition du langage, en compréhension ou en production, avec un décalage significatif au regard des capacités attendues pour un enfant du même âge. Ces difficultés sont persistantes et entravent la communication et/ou la participation et /ou la réussite académique ou plus tard la performance au travail. Elles ne sont pas la conséquence d’un déficit sensoriel, d’une condition médicale ou neurologique, d’un handicap intellectuel ou d’un retard global de développement (critères DSM-5).3
Devant la précocité de ce trouble, il convient d’être vigilant dès les prémices du langage.1 Ainsi, une absence de babillage à 18 mois doit alerter. À 24 mois, un langage peu fourni, une impossibilité à associer des mots, des difficultés de compréhension de petites consignes simples avec l’utilisation privilégiée de gestes pour se faire comprendre constituent également des éléments de suspicion. Enfin, à 3 ans, un enfant inintelligible par une personne extérieure à la famille, des phrases mal construites ou l’impossibilité de produire des phrases, et une compréhension altérée sont des signes d’appel.

Troubles de l’automatisation de l’apprentissage du langage écrit

Dyslexie

Le trouble spécifique des apprentissages avec déficit en lecture correspond à la terminologie « dyslexie ». Ce trouble est caractérisé par un défaut de reconnaissance rapide et précise des mots. La lecture ne s’automatisant pas, des difficultés de compréhension écrite peuvent en découler. En revanche, un défaut de compréhension écrite isolé n’est pas synonyme d’une dyslexie.
Souvent, dès la maternelle, l’enfant peut avoir des ­difficultés plus ou moins sévères à articuler, à découper les syllabes, à jouer avec les rimes. La non-connaissance du nom des lettres en grande section de maternelle est le prédicteur le plus fort. Lors de l’apprentissage de la lecture au cours préparatoire (CP), un déchiffrage lent, une lecture hésitante, un enfant qui devine les mots plus qu’il ne les lit, des difficultés de prononciation, des confusions visuelles et/ou auditives de lettres, des difficultés à comprendre le sens des mots et des phrases ou encore des difficultés à épeler des mots constituent des signes d’alerte.1

Dysorthographie

Le trouble spécifique des apprentissages avec déficit de l’expression écrite correspond à la terminologie « dysorthographie ». Il est le plus souvent intriqué à la dyslexie mais peut aussi être isolé. L’enfant atteint de ce trouble a un niveau très faible en orthographe et des difficultés à s’exprimer par l’écrit. L’orthographe peut alors être touchée à plusieurs niveaux : phonologique, lexical, ­morphosyntaxique et syntaxique.
Il est possible qu’un jeune mette en place suffisamment de stratégies compensatoires pour que la dyslexie n’impacte pas ses performances scolaires. Toutefois, à l’entrée au collège, avec l’augmentation des exigences, la chute des résultats s’avère fréquente surtout si les ­enseignants n’en tiennent pas compte et doit alerter. Une vitesse de lecture significativement ralentie et des faiblesses en orthographe peuvent alors être retrouvées et signent souvent une dyslexie lors d’examens plus poussés. Ces symptômes sont par ailleurs les plus durables, même lorsqu’une rééducation orthophonique a été bien menée.

Troubles de l’automatisation des apprentissages numériques

Le trouble spécifique des apprentissages avec déficit du calcul, communément appelé « dyscalculie », est un trouble de l’acquisition des habiletés arithmétiques et des compétences numériques. Ces compétences sont indissociables du sens du nombre (estimer et comparer des quantités), du langage, du raisonnement, de l’attention, des fonctions exécutives, de la mémoire, des ­fonctions visuospatiales et graphomotrices. Ainsi, la dyscalculie est dite « primaire » lorsque le sens du nombre est atteint et qualifiée de « secondaire » si les autres fonctions cognitives ou motrices mentionnées sont altérées.
Les signes suivants doivent orienter vers un professionnel pour un examen diagnostique :1 des difficultés de comptage en grande section de maternelle, des erreurs de dénombrement, des difficultés de construction du nombre et de la numération, des difficultés pour lire et écrire des grands nombres, des difficultés à poser des opérations et à maîtriser les opérations en particulier la soustraction, des erreurs de calcul, des difficultés à mémoriser les tables de multiplication, des difficultés à comprendre le sens des quatre opérations, des difficultés avec le raisonnement mathématique (appliquer des concepts, résoudre des ­problèmes), enfin des difficultés en géométrie.

Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

Le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyper­activité (TDAH) n’est pas un trouble spécifique des apprentissages au sens propre. Ainsi, le DSM-5 le classe de manière autonome dans les troubles du neurodéveloppement. Il est caractérisé par une immaturité du développement du cortex préfrontal, induisant une atteinte des fonctions attentionnelles et exécutives, qui sont très sollicitées pour les apprentissages. Il peut être retrouvé sous trois formes selon la prédominance des symptômes : inattentive, hyperactive/impulsive, et mixte.
Dans la forme inattentive, les signes évocateurs sont le plus souvent une incapacité à maintenir son ­attention, un enfant semblant toujours distrait ou ayant des difficultés à s’organiser pour une tâche donnée.
Dans la forme impulsive/hyperactive, on trouve des enfants s’exprimant « au fil de leurs pensées », coupant la parole, répondant avant la fin d’une question posée, bougeant de manière irrépressible, incapables de se ­poser pour une activité, se levant de leur chaise en classe. Ces difficultés impactent souvent négativement les interactions sociales avec les pairs.
Enfin, la forme mixte regroupe l’ensemble de ces signes.

Démarche diagnostique et parcours de soins

Pour l’ensemble de ces troubles neurodéveloppementaux, la présence de troubles du comportement ne doit pas être négligée. Elle est même souvent au premier plan. En effet, les problèmes comportementaux sont souvent symptomatiques de difficultés scolaires associées aux troubles des apprentissages non pris en charge (fig. 2).
En conséquence, pour un trouble donné, les tableaux cliniques s’avèrent extrêmement variés d’un enfant à l’autre mais aussi chez un même enfant au cours de son développement ce qui explique la nécessité d’un suivi longitudinal. De plus, les troubles des apprentissages sont rarement isolés donnant lieu à des profils dits « multidys ». Dans la démarche diagnostique, qui doit être intégrative et multidimensionnelle (fig. 3), les difficultés observées doivent conduire à un dépistage par le médecin généraliste ou le pédiatre de l’enfant, comportant en priorité un examen somatique avec un examen neurologique et la vérification de l’absence d’un déficit sensoriel. L’échange avec l’enfant, l’analyse de ses cahiers donneront un bon aperçu de ses difficultés.4 Plus centrés sur le repérage de déficits des acquisitions développementales et scolaires, des tests de passation simple (v. tableau) doivent être proposés systématiquement. Tous ces tests sont des outils de dépistage et ne sont en aucun cas suffisants pour poser un diagnostic.
Des tests spécifiques sont pratiqués ensuite par des professionnels du domaine investigué, le plus souvent un orthophoniste, mais également en fonction des ­investigations demandées, un psychologue, un psychomotricien, un ergothérapeute ou un orthoptiste (v. tableau). Ils permettront de définir la sévérité des troubles et les besoins de l’enfant afin de proposer un projet de soins et pédagogique adaptés s’inscrivant dans le parcours de soins organisé en trois niveaux selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (fig. 4). Dans toutes les situations invalidantes qui nécessitent de déroger au droit commun, une reconnaissance des troubles par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) est indiquée pour la mise en œuvre de soutiens spécifiques : auxiliaire de vie scolaire, orientation en classe spécialisée, compensation par l’outil informatique, demande d’allocation pour des suivis non remboursés par l’Assurance maladie (ergothérapie, psychomotricité, psychologie).

Des signes d’appel à ne pas négliger

De multiples signes d’appel, au stade précoce mais aussi plus tardivement au cours développement, doivent faire suspecter un trouble spécifique des apprentissages. Certains symptômes, comme des troubles du comportement ou des signes d’anxiété et/ou de dépression, non spécifiques aux apprentissages, sont trop souvent négligés. Or ils peuvent être la conséquence directe de difficultés non prises en charge. Inversement, bien que ce sujet n’ait pas été abordé ici, une dépression peut également retentir négativement sur les apprentissages, sans pour autant relever d’un trouble spécifique. Devant ces tableaux cliniques, une démarche diagnostique rigoureuse est indispensable pour proposer un parcours de soins coordonné et ajusté au mieux aux besoins de l’enfant. 
Références
1. Haute Autorité de santé. Comment améliorer le parcours de santé d’un enfant avec troubles spécifiques du langage et des apprentissages? Guide parcours de santé 2017. Disponible: www.has-sante.fr ou https://bit.ly/3cOVajo
2. Launay L. Du DSM-5 au diagnostic orthophonique: élaboration d’un arbre décisionnel. Rééducation Orthophonique 2018;273:71-92.
3. Boyer P, Guelfi JD. DSM 5: Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. 5e éd. Issy-les-Moulineaux (FR): Elsevier Masson, 2015.
4. Marcelli D, Cohen D. Enfance et psychopathologie. 10e éd. Issy-les-Moulineaux (FR): Elsevier Masson, «Les âges de la vie», 2016.

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Résumé

Les difficultés d’apprentissage constituent un motif fréquent de consultation. Si elles sont plus fréquentes en début de scolarité, elles peuvent apparaître plus tardivement. Il convient d’entendre la plainte de la famille, de réaliser une démarche diagnostique rigoureuse intégrative et multidimensionnelle afin de mettre en évidence des troubles spécifiques à l’origine de ces difficultés. Le projet thérapeutique mis en place aura pour but d’accompagner le jeune, de rééduquer les difficultés les plus invalidantes et de l’aider à trouver des stratégies alternatives. L’impact des troubles dans les différentes dimensions de son développement s’en verra réduit, contribuant à une meilleure estime de lui et à un réinvestissement de sa scolarité. Le rôle du médecin est ainsi d’accompagner l’enfant et sa famille dans le cheminement du parcours de soin et d’en assurer la bonne coordination.