La diversification alimentaire du nourrisson correspond à l’introduction d’aliments solides ou liquides autres que le lait de femme ou le lait infantile. C’est un moment important pour les parents mais source de nombreux questionnements. Les recommandations ont beaucoup évolué ces dernières années, expliquant les différences de pratique intergénérationnelles.
Entre 4 et 6 mois : fenêtre de diversification alimentaire
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un allaitement maternel exclusif pendant six mois et une diversification alimentaire lorsque les besoins nutritionnels du nourrisson ne sont théoriquement plus couverts par l’allaitement maternel exclusif. Mais en pratique, dans les pays développés comme en Europe, une minorité de nourrissons sont exclusivement allaités jusqu’à 6 mois, et les besoins nutritionnels sont couverts. L’European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (ESPGHAN)1 et l’European Food Safety Authority (EFSA)2 recommandent de débuter la diversification alimentaire entre 4 et 6 mois.
Avant 3-4 mois, le développement psychomoteur du nourrisson ne lui permet pas encore de manger des aliments solides en toute sécurité ; il existe un risque de fausses routes, d’hypersensibilité de la sphère orale, puis de potentiels refus alimentaires par la suite.1, 2 À l’inverse, si l’on reporte la diversification, le développement de la mastication risque de prendre du retard, et des troubles de l’oralité alimentaire peuvent apparaître ultérieurement.
Contrairement à ce qui était préconisé dans les années 2000, il n’est plus conseillé de retarder l’introduction des aliments à haut potentiel allergénique. L’étude LEAP (Learning Early About Peanut allergy), en 2015 (introduction entre 4 et 11 mois ou éviction de l’arachide chez des nourrissons ayant un eczéma et/ou une allergie à l’œuf), et l’étude EAT (Enquiring About Tolerance), en 2019 (introduction dès 3 mois ou à 6 mois d’arachide, d’œuf cuit, de lait, de sésame, de poisson et de blé chez des nourrissons exclusivement allaités), ont clairement démontré que l’introduction précoce de ces allergènes, entre 4 et 6 mois, diminue le risque d’allergie alimentaire chez les enfants, en particulier en cas de terrain atopique.
Avant 3-4 mois, le développement psychomoteur du nourrisson ne lui permet pas encore de manger des aliments solides en toute sécurité ; il existe un risque de fausses routes, d’hypersensibilité de la sphère orale, puis de potentiels refus alimentaires par la suite.1, 2 À l’inverse, si l’on reporte la diversification, le développement de la mastication risque de prendre du retard, et des troubles de l’oralité alimentaire peuvent apparaître ultérieurement.
Contrairement à ce qui était préconisé dans les années 2000, il n’est plus conseillé de retarder l’introduction des aliments à haut potentiel allergénique. L’étude LEAP (Learning Early About Peanut allergy), en 2015 (introduction entre 4 et 11 mois ou éviction de l’arachide chez des nourrissons ayant un eczéma et/ou une allergie à l’œuf), et l’étude EAT (Enquiring About Tolerance), en 2019 (introduction dès 3 mois ou à 6 mois d’arachide, d’œuf cuit, de lait, de sésame, de poisson et de blé chez des nourrissons exclusivement allaités), ont clairement démontré que l’introduction précoce de ces allergènes, entre 4 et 6 mois, diminue le risque d’allergie alimentaire chez les enfants, en particulier en cas de terrain atopique.
Principes généraux de la diversification
La diversification tient compte de la texture des aliments, des besoins nutritionnels et des goûts de l’enfant.
Adapter la texture des aliments au développement psychomoteur et aux capacités masticatoires de l’enfant
La texture des aliments doit être adaptée au développement psychomoteur de l’enfant et à ses capacités masticatoires.3 La mastication est indépendante de la dentition. Les purées lisses et onctueuses, introduites entre 4 et 6 mois, ne requièrent aucune force masticatoire particulière. Les purées granuleuses sont proposées vers 7-10 mois (mastication basique haut-bas), puis les textures molles (banane, avocat…) vers 10-12 mois (mastication intermédiaire). Les aliments durs mais solubles et fondants en bouche (sablés…) peuvent être introduits vers 10-12 mois. Les aliments durs sont proposés progressivement, après 10-12 mois, car ils nécessitent une mastication bien développée et rotatoire. Les aliments fibreux (viande rouge, ananas…) et collants (caramel mou…) sont plutôt acceptés après 3 ans.4
Veiller aux apports lipidiques
Les besoins lipidiques des nourrissons sont supérieurs à ceux des enfants plus grands et des adultes, notamment pour leur développement cérébral.5 L’ajout de matières grasses est donc requis systématiquement, y compris dans les petits pots industriels (beurre, crème fraîche, fromage fondu, huile). Les besoins en acides gras essentiels et semi-essentiels (acide linoléique, acide alphalinolénique, acide docosahexaénoïque [(DHA]) sont le plus souvent couverts par les laits infantiles. L’enrichissement des laits de croissance en DHA n’est pas obligatoire. Après 1 an, la consommation de deux portions de poisson par semaine permet de couvrir les besoins en DHA (tableau 1 ).
Évaluer les apports en fer absorbé et non en fer ingéré
Les besoins en fer absorbé sont très faibles pendant les six premiers mois de vie et augmentent ensuite (tableau 2 ). La carence martiale est la carence nutritionnelle la plus fréquente au monde, y compris dans les pays développés. Compte tenu des coefficients d’absorption très variables du fer (30 % pour le fer héminique des viandes et des poissons, 5 à 10 % pour le fer non héminique des légumineuses, des végétaux et des céréales enrichies en fer), la Société française de pédiatrie recommande d’évaluer les apports, non pas en fer ingéré, mais en fer absorbé. Les besoins en fer absorbé (1 mg/j entre 6 et 12 mois) sont couverts par 700 mL de lait 2e âge, ou moins selon la consommation de viande par l’enfant. En cas d’allaitement maternel exclusif ou majoritaire (le lait de femme est pauvre en fer), une supplémentation en fer doit être systématique chez le nourrisson au-delà de 6 mois.
Contrôler l’appétence naturelle pour les saveurs salées et sucrées ?
Les nourrissons ont une préférence innée pour les saveurs sucrées ou salées, et une inappétence pour l’amer.1, 6 Des expositions répétées à certaines saveurs peuvent influencer les goûts. Ainsi, débuter la diversification par des fruits n’augmente pas l’appétence ultérieure pour les saveurs sucrées si l’alimentation reste variée par la suite. Il n’est pas nécessaire d’ajouter du sucre ou du sel dans les plats destinés aux nourrissons après cuisson. On peut en revanche donner plus de saveurs aux plats grâce aux épices.
En pratique
Entre 4 mois et 1 an, le nourrisson passe progressivement de 5 à 6 biberons à 4 repas par jour, et d’une alimentation lactée à une alimentation plus proche de celle de ses parents ou de sa fratrie.
La diversification commence en général par les légumes et les fruits
Les purées sont préparées en mélangeant des légumes à autant de pommes de terre ou de féculents (moitié moitié), cuits à la vapeur ou à l’eau, avec pas ou peu de sel. Les fruits sont généralement donnés d’abord sous forme cuite, en compote, mais peuvent également l’être sous forme crue, écrasée. Si le nourrisson refuse les purées à la cuillère, il est possible de les mélanger au lait de son biberon pour qu’il en accepte peu à peu le goût.
Limiter le gluten au début
Le gluten peut être introduit sous forme de céréales dans les biberons dès 4 mois. Il est cependant conseillé de limiter la quantité de gluten au début de la diversification.1 Des céréales sans gluten existent également pour varier les apports.
Débuter viandes et poissons entre 4 et 6 mois
Comme tous les autres aliments, les viandes et poissons peuvent être introduits entre 4 et 6 mois. On commence par 10 g d’aliments mixés, soit 2 cuillères à café par jour, puis on augmente progressivement leur quantité jusqu’à 30 g/j à 1 an. L’œuf doit d’abord être introduit sous forme cuite (œuf dur ou cuisiné), puis de moins en moins cuite : environ la moitié d’un œuf deux fois par semaine.7
Prévenir l’allergie à l’arachide
L’introduction d’arachide entre 4 et 6 mois diminue le risque d’allergie à la cacahuète, surtout dans les pays où cette allergie est fréquente et en cas de terrain atopique à risque.7 Il est recommandé de donner l’équivalent de 2 g de protéines de beurre de cacahuète par semaine, soit 1 cuillère à café bombée.7 De la même manière, les autres fruits à coque peuvent être introduits précocement, sous forme de pâte à tartiner (amande, noisette) ou de poudre.
Plusieurs nouveaux aliments peuvent être introduits le même jour
Il faut cependant éviter d’introduire simultanément plusieurs aliments à haut potentiel allergénique (œuf, poisson, arachide, fruits à coque), pour pouvoir identifier l’aliment responsable en cas de réaction allergique.
Enfin, les besoins en eau sont de 900 mL par jour entre 6 et 12 mois, et d’environ 1 100 mL après 1 an.5 Avant 1 an, l’essentiel de l’apport hydrique provient donc du lait.
Enfin, les besoins en eau sont de 900 mL par jour entre 6 et 12 mois, et d’environ 1 100 mL après 1 an.5 Avant 1 an, l’essentiel de l’apport hydrique provient donc du lait.
Certains aliments déconseillés pendant la petite enfance
Les fromages non pasteurisés sont fortement déconseillés avant l’âge de 10 ans, de même que les viandes crues ou peu cuites (cuire à coeur les viandes hachées) pour prévenir le risque8 de syndrome hémolytique et urémique chez l’enfant. Les produits de la mer crus sont également déconseillés avant l’âge de 5 ans8. Le miel (d’origine artisanale surtout) n’est pas recommandé avant l’âge de 1 an car il expose au risque de botulisme.1 Les jus végétaux (riz, amande…) sont des boissons, mais ne doivent pas remplacer le lait de femme ou le lait infantile.1 Enfin, le lait de vache classique n’est pas adapté aux nourrissons de moins de 1 an sur le plan nutritionnel.1
Quel environnement lors des repas ?
L’installation du nourrisson pendant le repas est primordiale : en position contenue, dans les bras, ou dans une chaise haute adaptée. Il faut inciter les parents à donner à manger à leur enfant dans une ambiance calme, sans distraction. Il est important également que le nourrisson voit manger ses parents ou d’autres enfants pour qu’il soit en confiance avec les aliments proposés. La cuillère doit être adaptée à l’enfant et ne pas le blesser. Les parents peuvent être amenés à proposer 8 à 10 fois une nouvelle saveur avant que l’enfant ne l’accepte1, mais en cas de refus il faut éviter tout forcing alimentaire.
Et la diversification menée par l’enfant ?
La diversification menée par l’enfant (DME) se définit par des aliments que l’enfant peut manger par lui-même, en limitant la nécessité d’utiliser la cuillère à moins de 10 % des aliments.9 Cela lui permet, dès l’âge de 5 à 7 mois, de prendre lui-même les aliments solides en main. Cette méthode a plusieurs avantages : développer plus précocement les capacités masticatoires, faire découvrir les goûts, individuellement, et diminuer le risque de néophobies alimentaires. Il est effectivement très important de laisser les enfants toucher et jouer avec les aliments qu’ils mettront à la bouche, pour qu’ils aient un rôle actif et autonome dans leur alimentation. Cependant, la DME a ses limites : elle favorise les fausses routes, nécessite une surveillance plus attentive, et expose au risque débattu de carences nutritionnelles (lipides, fer, zinc, vitamine B12).9
Les lipides restent essentiels
La diversification alimentaire débute entre 4 et 6 mois pour tous les aliments. Il n’est plus recommandé de retarder l’introduction de certains aliments à potentiel allergénique. Les textures doivent être adaptées au développement psychomoteur et masticatoire de l’enfant. Il est important d’enrichir l’alimentation de tous les nourrissons en lipides pour couvrir leurs besoins.
Références
1. Fewtrell M, Bronsky J, Campoy C, Domellöf M, Embleton N, Mis NF, et al. Complementary feeding: A position paper by the European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) committee on nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2017;64:119-32.
2. EFSA, Euroepan Food Safety Authority. Appropriate age range for introduction of complementary feeding into an infant’s diet. EFSA J 2019;17:5780. Disponible sur : https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/5780
3. Green JR, Simione M, Le Révérend B, Wilson EM, Richburg B, Alder M, et al. Advancement in texture in early complementary feeding and the relevance to developmental outcomes. Nestle Nutr Inst Workshop Ser 2017;87:29-38.
4. Cichero JAY. Unlocking opportunities in food design for infants, children, and the elderly: Understanding milestones in chewing and swallowing across the lifespan for new innovations. J Texture Stud 2017;48:271-9.
5. EFSA, European Food Safety Authority. Scientific opinion on nutrient requirements and dietary intakes of infants and young children in the European Union. EFSA J 2013;11:3408. Disponible sur : https://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/pub/3408
6. Borowitz SM. First bites – Why, when, and what solid foods to feed infants. Front Pediatr 2021;9:654171.
7. Halken S, Muraro A, de Silva D, Khaleva E, Angier E, Arasi S, et al. EAACI guideline: Preventing the development of food allergy in infants and young children (2020 update). Pediatr Allergy Immunol 2021;32:843-58.
8. Anses. Repères alimentaires pour les populations spécifiques [en ligne]. Expertise Anses 2019 [cité le 5 décembre 2021]. Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/system/files/PRES2019DPA02.pdf
9. Boswell N. Complementary feeding methods. A review of the benefits and risks. Int J Environ Res Public Health 2021;18:7165.
2. EFSA, Euroepan Food Safety Authority. Appropriate age range for introduction of complementary feeding into an infant’s diet. EFSA J 2019;17:5780. Disponible sur : https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/5780
3. Green JR, Simione M, Le Révérend B, Wilson EM, Richburg B, Alder M, et al. Advancement in texture in early complementary feeding and the relevance to developmental outcomes. Nestle Nutr Inst Workshop Ser 2017;87:29-38.
4. Cichero JAY. Unlocking opportunities in food design for infants, children, and the elderly: Understanding milestones in chewing and swallowing across the lifespan for new innovations. J Texture Stud 2017;48:271-9.
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